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samedi 2 avril 2011

Les 10 mots de la révolution tunisienne - 10. "Marchands ambulants"

10 - Marchands ambulants
On se promène début mars au bout de l'avenue Bourguiba, dans le quartier derrière l'ambassade de France, avec un ami tunisois. "Tu as vu, soupire-t-il, depuis le 14 janvier, ça n'arrête plus, il y en a de plus en plus, c'est dégoutant !". Qu'est ce qui est dégoutant ? "Mais enfin ! Là ! Tous ces marchands sur les trottoirs. C'est affreux !". Il désigne tous les vendeurs installés le long de la rue, qui ont déployé sur leurs étals des tee-shirts, des cigarettes, quelques DVD. On ne les avait même pas vus. Ils sont calmes, bien rangés les uns à côté des autres, les chalands regardent tranquillement la marchandise, on n'avait rien perçu de très choquant là dedans. Mais notre tunisois, qui fut hier en première ligne de toutes les manifs contre la dictature, est énervé : il n'a pas fait la Révolution pour ça. Et "ça" est une des conséquences, inattendues, de sa révolution. Si tous ces vendeurs à la sauvette tiennent le trottoir, c'est tout simplement parce que les placiers de la mairie ou la police n'osent plus venir leur signifier que c'est interdit. Comment oseraient-ils dans un pays qui s'est enflammé pour montrer son soutien au plus fameux vendeur ambulant de l'histoire arabe du XXIème siècle, un certain Mohamed Bouazizi ?
Seulement, ce désordre énerve de plus en plus de citoyens, qui voudraient voir renaître au plus vite une administration efficace. Même si sa mise en œuvre n'est pas si facile. Voyez le taxi, à qui l'on parle de nos vendeurs, dix minutes plus tard, en roulant vers l'aéroport. A leur propos, sa pensée est tranchée : "D'accord, ce sont des jeunes au chômage qui font ça pour gagner un peu. D'accord, ils ne vendent pas cher et ça peut aider les gens qui ont tellement de soucis en ce moment, mais travailler au noir, ça n'est pas normal. Les vrais commerçants doivent payer leurs impôts. L'Etat aussi a besoin de dinars !". Et cinq minutes plus tard, quand on lui demande une note pour justifier la course qu'il vient de faire sans mettre en marche son compteur, il prend un air vraiment désolé –une fiche ? Comme c'est dommage ! Il n'en a plus !- et il empoche avec un clin d'œil le billet qu'on lui tend. Universelle bataille entre la vertu publique et les petits arrangements privés, un classique de l'histoire humaine. Chaque tunisien rêve pour son pays d'un Etat qui serait enfin irréprochable et fort. Personne, à titre personnel, n'est mécontent de pouvoir profiter au passage qu'il soit encore si faible pour grignoter trois sous. Et tout le monde est bien conscient du problème.
Dans La Presse, le grand quotidien de Tunis, un petit dessin publié début mars résumait la situation avec drôlerie. On y voit un type décoré d'une magnifique médaille. Dessous cette légende : "Ce matin, M. le président de la République a tenu à remettre personnellement l'ordre du mérite national à M. Mohamed X..... Il a payé sa vignette auto".

CALIFAT

Dans un café, un soir, devant des bières, avec des jeunes tunisiens. On parle de la situation politique depuis la Révolution, on demande "vous avez peur des islamistes ?". Et l'un d'entre eux : " tu parles si on a peur, moi je n'ai pas envie que mon pays devienne un califat". En général, en France, pour parler de la même chose, on dit "al qaïda" ou "les talibans ". Là, cette vieille notion, surgie des premiers temps de l'Islam, et réactivée depuis, il est vrai, par les rêves de totalitarisme religieux de Ben laden et de ses amis. En tous cas, la réalité est la même. Quand les révolutions arabes ont éclaté, toute l'Europe a été saisie d'un frisson : et s'ils allaient nous faire l'Iran de l'autre côté de la Méditerranée ? On peut rassurer l'Europe sur un point : une grande majorité des Tunisiens le craint encore bien plus. Depuis le 14 janvier, le pays a scruté avec angoisse les signes qui auraient pu montrer cette direction détestée. Vers la mi février, à une semaine d'intervalle, il y en a eu trois. D'abord une petite manifestation devant la grande synagogue de Tunis, au cours de laquelle on a entendu des slogans antisémites. Puis, le vendredi suivant, 18 février, quelques extrémistes barbus ont cherché une autre action d'éclat : ils ont voulu murer la vieille rue où se tient une institution séculaire de Tunis, le bordel, et en chasser les pensionnaires. Et le matin même, un prêtre polonais responsable d'une institution scolaire, avait été retrouvé égorgé. " Au grand soulagement de tout le monde, nous explique un diplomate européen, cette dernière affaire a vite été classée au rayon des faits divers. Rien à voir avec la politique ". Mais les deux autres ? Qui les a organisé ? Des anciens ben alistes cherchant à discréditer le nouveau régime, disent les uns. Des vrais fanatiques appartenant à un petit groupuscule ultra religieux, affirment les autres. Toujours est il que l'ensemble des partis politiques (y compris le parti islamiste majoritaire, Ennahda, qui n'aime rien tant pour l'instant qu'à se montrer modéré) a condamné avec fermeté toute cette violence. Et que depuis, tout ce qui faisait le terreau de cette incertitude et de ces questionnements, s'est transforme en quelque chose de plus raisonnable : le grand débat actuel de la vie politique. Quelle place faut-il donner à la religion ? Sur Facebook, dans la presse, dans les cafés, c'est l'empoignade passionnée, et passionnante du moment. La Tunisie doit réaffirmer son ancrage dans l'Islam, demandent les uns. Jamais de la vie, elle doit être laïque et cantonner la religion à la sphère privée, affirment les autres. Et, nombre de ceux que nous avons rencontré tiennent le même genre de raisonnement, mais dans sa version plus terrestre : "moi je veux bien que les filles aient le droit de porter le voile (interdit sous Ben Ali), mais je ne veux pas que les barbus m'empêchent de mener la vie que je veux." Et ils se resservent une bière.

Amnesty critique l’attitude de l’Italie face à l'afflux de migrants à Lampedusa

Amnesty International a fustigé l'Italie ce vendredi pour sa gestion de l'afflux d'immigrés d'Afrique du Nord.
Environ 20.000 immigrés, en majorité tunisiens, sont arrivés ces dernières semaines dans la petite île italienne de Lampedusa à la suite des mouvements de révolte qui ont secoué leur région. Leur transfert ailleurs en Italie s'effectue lentement et sans régularité. Des milliers d'entre eux occupent des tentes de fortune et vivent dans de très mauvaises conditions sanitaires.

16 toilettes chimiques sur l’île

«La crise est due au fait que le gouvernement italien n'a pas réagi convenablement à la situation qui règne ici à Lampedusa», a déclaré Charlotte Phillips, représentante du programme d'Amnesty pour les réfugiés et les migrants, lors d'une conférence de presse. «Des Tunisiens n'ont pas eu droit aux choses les plus élémentaires comme un abri adapté ou un abri tout court, à des conditions sanitaires suffisantes, etc.», a-t-elle ajouté.
L'organisation Médecins sans frontières (MSF) s'est montrée encore plus critique, évoquant la présence de 16 toilettes chimiques pour une population immigrée qui dépasse régulièrement les 5.000 habitants de l'île.

Berlusconi en Tunisie lundi 

Les migrants reçoivent 1,5 litre d'eau par personne et par jour, alors que la norme recommandée pour les camps de réfugiés est de 20 litres, écrit-elle dans un communiqué.
Silvio Berlusconi, qui reproche à la Tunisie de ne pas empêcher les migrants de quitter son littoral, fait aussi valoir que l'Italie affronte seule un problème qui devrait être considéré comme une affaire européenne. Le dirigeant italien se rendra lundi en Tunisie avec son ministre de l'Intérieur, Roberto Maroni. Il a fait clairement comprendre qu'il exigerait que Tunis reçoive les migrants renvoyés d'Italie et s'emploie plus activement à les empêcher de quitter son territoire par la mer.

Delanoë propose le Nobel de la Paix à la Tunisie


Bertrand Delanoë a écrit au comité Nobel pour soutenir la candidature du peuple tunisien au prochain Nobel de la paix
"Le soulèvement pacifique tunisien a éveillé un espoir de liberté  d'expression et de dignité pour tous les peuples opprimés dans le monde", a  affirmé M. Delanoë dans cette lettre datée de lundi.

"La révolution tunisienne est devenue un symbole d'espoir", assure-t-il.
Bertrand Delanoë, né en Tunisie, et qui a gardé avec ce pays des liens très  étroits, avait eu "une série de contacts avec des personnalités politiques  tunisiennes, appartenant au gouvernement transitoire actuel et aux principales  forces politiques du pays", selon la mairie de Paris.
  
Il s'était rendu dans ce pays à la fin février à l'invitation de la Ligue  tunisienne des droits de l'homme et de l'association des femmes démocrates  tunisiennes.  

Le vendredi 8 avril, une table ronde sur le tourisme dans ce pays, présidée  par le maire de Paris et le ministre tunisien du commerce et du tourisme, Mehdi  Houas, est organisée à l'Hôtel de Ville.

vendredi 1 avril 2011

Jalloul Ayed dévoile 17 mesures pour sauver la Tunisie de la banqueroute


"Le ministère des Finances se trouve face à une équation difficile : d’une part gérer les pressions sociales et économiques, et d’autre part préserver les grands équilibres du pays".  A fortiori que l’économie tunisienne traverse une période délicate où tous les voyants sont au rouge. La réponse du gouvernement provisoire à l’urgence socio-économique a été donnée ce vendredi par Jalloul Ayed, ministre des Finances, lors d’une conférence de presse tenue au siège du Premier ministère à la Kasbah.

D’une sérénité digne d’un mélomane, le ministre a reconnu que la situation économique est difficile, avec une baisse de l’activité et de l’investissement dans de nombreux secteurs clés à l’instar du tourisme, du transport, du commerce, du phosphate et des travaux publics, ainsi que la baisse des exportations des biens et services, nonobstant une croissance des exportations des biens au cours des deux premiers mois de l’année.

A cet effet, et en l’absence de mesures urgentes, il est attendu que tous les indicateurs seront en net repli au terme de l’année 2011, avec une croissance variant de 0 à 1%, une baisse des investissements de l’ordre de 1500 MD dont 1000 MD sous forme d’investissements directs étranges (IDE), la création de 15 mille postes d’emplois contre les 80.000 prévus initialement,  un déficit budgétaire de 5 % et une augmentation des besoins en financement extérieur de l’ordre de 5000 MD. Une situation des plus inquiétantes et qui requiert une mobilisation collective, dira Jalloul Ayed, faute de quoi les conséquences seraient dramatiques pour des centaines de milliers de salariés, ce qui risque de torpiller la transition démocratique.

Le  tableau n’est pas rose certes, mais le ministre se dit confiant en la solidité des équilibres généraux de la Tunisie pour qu’elle puisse franchir le cap. "La Tunisie compte respecter ses engagements extérieurs et n’a pas l’intention de demander un rééchelonnement de sa dette, compte tenu de la menace que constitue une telle démarche sur l’indépendance du pays", a-t-il rassuré.

Le ministre des Finances a par la suite décliné les tenants et aboutissants de ce programme d’urgence en 17 mesures horizontales et sectorielles visant à parer au plus pressé, à relancer l’activité des entreprises, et à améliorer, autant que faire se peut, le niveau de vie et le pouvoir d’achat, notamment de nos concitoyens des régions les plus démunies.

Ces mesures s’articulent autour de cinq priorités : sécurité, emploi, appui à l’économie et son financement, développement régional et actions sociales.

Création de 40.000 emplois dont 20 mille dans la fonction publique

Tout d’abord, on ne le répétera jamais assez, la préservation de la sécurité et le retour de la stabilité constituent les préalables primordiaux pour garantir la bonne marche des entreprises, et la relance de l’économie, comme l’a souligné Jelloul Ayed, relevant une amélioration sensible de la situation sécuritaire. Deuxième priorité : l’emploi. Le ministre a fait état de l’aggravation du chômage, annonçant un programme de recrutements exceptionnels de 40.000 emplois, réparti à égalité entre la fonction publique et le secteur privé. Par ailleurs, quelque 200 mille jeunes seront pris en charge à traves les mécanismes de l’emploi dont le programme Amel. La troisième mesure a trait au doublement des montants alloués aux programmes d’utilités publiques dans les régions.

Au volet de l’appui de l’économie et son financement, il est prévu de mettre en place un programme d’appui et de relance des entreprises traversant des difficultés économiques conjoncturelles, de restructurer le dispositif de microcrédits et de financement des PME, de créer des pôles bancaires dans les régions, et d’instituer des mesures fiscales et financières en vue de la relance de l’économe nationale, notamment dans les régions prioritaires, etc.

Quatrième priorité : le développement régional. Et là, le ministre a reconnu que ce programme n’a pas la prétention de faire disparaître le hiatus entre les régions, mais vise à améliorer les conditions de vie dans l’arrière-pays. Il sera ainsi procédé à la révision du budget de l’Etat et de la loi de Finances 2011, avec une réallocation significative des dépenses en faveur des régions prioritaires. Des dotations budgétaires seront allouées aux autorités régionales pour actionner les mécanismes d’emploi et d’aides sociales. La loi de finances rectificative sera publiée fin mai, comme ça été annoncé par le Premier ministre.

Le programme économique et social à court terme comporte, de surcroit, des actions sociales, portant notamment sur le renforcement des aides aux familles vivant sous le seuil de pauvreté, soit 185.000 familles. Par ailleurs, une aide sera accordée aux Tunisiens revenant de Libye, soit 400 dinars par personne et 600 dinars par famille, ainsi que d’autres facilités pour l’accès aux financements.

Ce faisant, le gouvernement provisoire appelle au démarrage des négociations sociales en vue de répondre aux revendications salariales toute en préservant la compétitivité des entreprises. A ce sujet, le ministre qui reconnait le droit de grève, a estimé que ce droit obéit à des règles et ne doit pas aller à l’encontre de l’intérêt national et des objectifs de la révolution.

En réponse aux questions des journalistes, Jalloul Ayed a souligné que le financement de ce programme d’urgence requiert 4 mille MD, dont les sources sont diverses. La Tunisie est en discussion avec les bailleurs de fonds dont la banque mondiale, la Banque européenne d’investissement (BEI) et la BAD, en vue de contracter des crédits d’appui au budget,  a-t-il fait savoir, écartant tout recours au marché financier. A l’heure qu’il est, le taux d’endettement de la Tunisie est approximativement de 16 milliard de dinars, a-t-il indiqué. Interrogé sur le retard qu’a pris la nomination de PDG à la tête de certaines banques, une question qui revient avec insistance, le ministre a dit "qu’il ne faut pas se précipiter et qu’on doit faire preuve de circonspection pour choisir les personnes idoines en termes de compétence et de qualité professionnelles à même d’accomplir leur mission comme il se doit". Quid du montant des fonds détournés par l’ex-Président ? le ministre a dit ne pas avoir une réponse à cette question, rappelant que des commissions ont été constituées à cet effet.

Tunisie: adoption d'un plan de relance économique

TUNIS (AP) — Le ministre tunisien des Finances Jalloul Ayed a annoncé vendredi l'adoption d'un plan de relance économique et social prévoyant notamment la création à court terme de 40.000 emplois.
Adopté en conseil des ministres, ce plan en 17 points comporte un programme de recrutement exceptionnel de 20.000 employés dans la fonction publique, et des mesures en faveur des entreprises pour les inciter à réaliser un nombre d'embauches équivalent.
En outre, 200.000 jeunes bénéficieront d'une allocation mensuelle de 200 dinars (101 euros) sur dix mois dans le cadre de "mécanismes de la politique active de l'emploi".
Il a été décidé, par ailleurs, de doubler les montants alloués aux "programmes d'utilité publique dans les régions" de l'intérieur du pays et d'y encourager les investissements.
Au niveau social, les aides aux familles défavorisées seront renforcées et des micro-crédits et dotations seront octroyées à 20.000 familles pour améliorer leurs logements.
Quant aux Tunisiens ayant fui la Libye et dont le nombre dépasse les 40.000, une aide leur sera octroyée d'un montant de 400 dinars (202 euros) par personne et de 600 dinars (304 euros) par famille.
Premières mesures concrètes prises par le gouvernement transitoire dirigé depuis environ trois semaines par Béji Caïd Essebsi, ce plan vise à faire face à une situation "délicate" malgré "la bonne tenue des exportations industrielles", a précisé M. Ayed.
Les secteurs les plus touchés par la quasi-paralysie de l'activité économique depuis fin décembre sont le tourisme, le transport, le commerce, les phosphates et les travaux publics.
Leur impact sera sévère pour 2011, avec un taux de croissance de l'économie tunisienne qui devrait s'établir entre zéro et 1%, contre 5,4% initialement prévus. Le déficit budgétaire devrait passer, lui, du simple au double soit 5% au lieu des 2,5% prévus.
Quant aux investissements, ils devraient accuser une baisse de 1.500 millions de dinars (762 millions d'euros).

Tunisie : Farhat Rajhi, président du haut comité des droits de l'homme


M. Foued Mebazaa, président de la République par intérim, a reçu, jeudi, au palais de Carthage, M. Farhat Rajhi qu'il a nommé président du Haut comité des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
M. Farhat Rajhi est magistrat de formation. Après des études à la faculté de droit de Tunis, il a été nommé juge rapporteur auprès du tribunal immobilier, puis juge au tribunal cantonal de Tunis. Ensuite il a occupé les postes de président de la Chambre criminelle de la Cour d'appel de Bizerte, procureur général de la Cour d'appel de Nabeul, puis de celle de Bizerte. Il a été aussi nommé président de la Chambre criminelle près la Cour d'appel de Tunis.
Il est ensuite nommé président de la chambre criminelle près la Cour d'appel de Monastir, puis procureur général près la Cour de cassation. Il a également été inspecteur des services judiciaires.
Lors de la révolution, il est nommé ministre de l'Intérieur du deuxième gouvernement Ghannouchi.
Il a poursuivi ses fonctions comme ministre de l’Intérieur dans le gouvernement de M. Béji Caïd Essebsi, jusqu'à son remplacement par M. Habib Essid un mois plus tard.

Tunisie - UE : une avance de 160 M€ au titre de l'année 2012-2013

L’Union européenne a décidé d’avancer à la Tunisie une partie du budget de 160 millions d'euros au titre de l'année 2012-2013.
Lors d’un point de presse tenu jeudi 31mars 2011,
le Commissaire européen chargé de la politique européenne de voisinage et de l'élargissement, Stefan Fule, a déclaré que cette aide sera doublée dès que la Tunisie aura mis en place un gouvernement démocratiquement élu et après les élections de l’Assemblée constituante.
M. Fule a exprimé également son admiration à la Révolution tunisienne et au peuple tunisien en particulier « Mon admiration est d’autant plus grande lorsque j’ai visité avec ma collègue les frontières tuniso-libyennes. Les Tunisiens ont fait preuve de solidarité à l’égard des réfugiés en provenance de Libye ».
De son côté, Mme Cecilia Malmstrom, Commissaire européenne également, a précisé que 17 millions d'euros ont déjà été débloqués à titre d'aide d'urgence. Ce budget est annoncé à l'occasion de la visite de Mme. Catherine Ashton, Haute représentante de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité. Ainsi, 10 millions sont réservés à l'octroi de microcrédits au profit de projets dans les régions.
M. Fule a indiqué que l'UE est prête à accorder à la Tunisie le statut de partenaire avancé dès que le pays mettra en place un Etat de droit et un système démocratique respectueux des droits de l'Homme.
Ce statut permettra de multiples avantages économiques, un plus grand afflux des investisseurs européens et la modernisation de l'administration et du cadre juridique, de manière à assurer une meilleure complémentarité entre les deux partenaires.
L'Union européenne va accélérer les accords négociés en matière d'échange commercial et favoriser l'accès aux lignes de crédits, a-t-il expliqué. L’aide sera orientée autour de deux volets : les microcrédits et le développement régional et local.
« Le message que je viens aujourd’hui apporter à la Tunisie signifie donc que l’Europe est là, elle admire ce que vous avez fait. Elle est fermement à vos cotés pour préparer l’avenir » a-t-il dit.

L’Union européenne soutient la micro-finance en Tunisie

Les commissaires européens Stefan Füle et Cecilia Malmström ont confirmé, au cours de leur visite en Tunisie, l’intérêt de l’Union européenne (UE) pour le développement de la micro-fiance en Tunisie.

A l’occasion de leur visite en Tunisie, les Commissaires européens Stefan Füle, chargé de l’Elargissement et de la Politique européenne de voisinage, et Cecilia Malmström, chargée des Affaires intérieures, se sont rendus à l’agence de l’Ariana de l’Association de microcrédit Enda.
Ils ont été reçus par la directrice de l’association, Essma Ben Hamida, et le directeur de l’agence, Anis Chaieb. Les commissaires ont rencontré les cadres de l’agence et des bénéficiaires des crédits.
10 millions d’euros pour des projets de micro-finance Le développement de la micro-finance est l’un des axes de coopération présent et futur de l’UE en Tunisie. Ce secteur fera ainsi partie des projets qui bénéficieront de l’enveloppe de 10 millions d’euros (ajoutés au Programme Indicatif National 2011-2013) que l’UE a décidé d’octroyer pour des projets en faveur des régions de l’intérieur du pays.
Le développement de la micro-finance en Tunisie, en particulier dans les régions défavorisées, est essentiel pour la lutte contre la pauvreté et contre l’exclusion sociale. Il s’agit en outre de l’une des priorités du nouveau ministre des Finances du gouvernement provisoire.
L’agence de l’Ariana d’Enda compte environ 2.500 clients. Enda dessert, dans l’ensemble du territoire tunisien, environ 120.000 personnes. Le nombre de bénéficiaires potentiels est estimé à environ 1 million de personnes en Tunisie (environ 25% seraient servis actuellement).
L'UE a soutenu Enda dès sa création depuis les années 1990. Enda est devenue, depuis, la principale organisation de micro-finance en Tunisie et est soutenue par de nombreux bailleurs de fonds, dont la Banque européenne d’investissement (Bei) pour des lignes de crédit.
Développer les régions et contribuer à l’emploi L’UE est fortement engagée dans l'appui au gouvernement tunisien en vue d’améliorer le cadre réglementaire de la micro-finance, afin de permettre son développement dans l’ensemble des régions et contribuer à l’emploi notamment des couches les plus défavorisées de la population.
Afin d’accélérer le développement de la micro-finance en Tunisie, l’UE envisage en outre d’apporter un soutien supplémentaire et direct à de nouveaux acteurs de ce secteur. Elle soutiendra par ailleurs la Conférence sur la micro-finance, prévue les 20 et 21 avril prochains, et qui permettra de réunir l’ensemble des acteurs impliqués en Tunisie (le gouvernement, la Banque centrale, des banques privées, des fonds d’investissement, des associations de microcrédit), ainsi que des intervenants étrangers qui feront part de leurs expériences.

Tunisie, Maya Jribi dénonce "les prêches politiques" dans les mosquées


"Aujourd’hui, la seule légitimité possible est la légitimité consensuelle pour pouvoir passer ce cap et parvenir à la légitimité par le scrutin", affirme Maya Jribi dans un entretien avec Gnet. La SG du PDP s’attèle à transformer sa formation, d’un parti de résistance à un parti de masse prêt à assumer des responsabilités nationales, et s’estime être déjà en campagne. Elle se dit favorable  au maintien de la date du 24 juillet pour le prochain scrutin. "Cette échéance électorale est un rendez-vous national et ne doit pas être tributaire des intérêts des uns et des autres". La patronne du PDP prédit une concurrence rude lors des élections, et considère le foisonnement des partis comme un bon signe. "La distinction se fera au niveau du double-langage ou du langage unique". Le PDP qui reconnaît à Ennahdha son droit d’exister, "dénonce vigoureusement que le mouvement islamique utilise les mosquées pour des prêches politiques", affirme sa SG qui s’engage pour que les mosquées restent en dehors de la compétition politique. Interview.

Vous êtes à la tête du PDP depuis le 24 décembre 2006, est-ce que vous pouvez nous parler brièvement de votre parcours politique ?
J’ai commencé mon parcours dans les années 80 dans le cadre de l’UGET, à l’époque interdit, et puis au sein de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), ainsi que dans le cadre de commissions chargées des études sur la condition féminine au club Tahar Haddad. Grosso modo, j’avais trois pistes d’intervention : la piste étudiante et militante, celle des droits humains et la piste des actions dédiées à la femme ou à caractère social. En 1983, nous avons fondé le RSP avec Nejib Chebbi et d’autres militants. En 1986, j’ai accédé au bureau politique, quelques années après, j’étais chargée des structures, poste qui m’a beaucoup rapprochée des militants, et qui m’a beaucoup aidée dans ma carrière politique. Je suis de nature, une femme de terrain, j’ai sillonné tout le pays dans des conditions de répression pour être à l’écoute des avis des uns et des autres. Cette phase était extrêmement importante pour accéder à l’autre phase, soit mon accession au secrétariat général du parti en décembre 2006.

Depuis sa fondation en 1983, le PDP, ancien RSP, a beaucoup évolué...

Notre parti a connu deux congrès importants, ceux de 2001 et de 2006. En 2001, le RSP a été rebaptisé PDP (parti démocrate progressiste), dont le fondement central était la démocratie. Ce congrès a marqué l’ouverture à toutes les écoles idéologiques, et nous avons passé d’un parti à  base idéologique à un parti programmatique. Le congrès de 2006 est également très important, car il a marqué l’alternance au sein du parti. Nous nous sommes dits que le PDP qui prônait l’alternance à l’échelle nationale, devait se l’appliquer à lui-même. L’idée de l’alternance a été acceptée avec réserves même au sein de notre parti. Certains militants pensaient que ce n’était pas le moment, vu la situation difficile qu’on traversait, de remplacer Nejib Chebbi, le charismatique, le rassembleur, et l’homme des missions difficiles. Et là, le PDP s’est clivé en deux : la tendance conduite par la ligne dure et radicale, qui sentait que le pays vivait déjà une période de fin de règne et que le parti devrait se préparer et concevoir sa politique en fonction de cela, et la deuxième tendance qui prônait l’apaisement pour pouvoir mettre en avant les questions de démocratie et des libertés. Il y avait une compétition entre les deux lignes. A ce moment là, moi-même qui défendais la première ligne, ai décidé de me présenter au Secrétariat général, je sentais que j’avais une mission en tant qu’élément fédérateur pour garantir la continuité du parti.

Comment a été accueillie votre candidature au secrétariat général, y’avait-il des réserves, ou plutôt une unanimité autour de votre personne ?
Il y avait certaines réserves exprimées au congrès au moment du vote ; certains pensaient que le moment était mal choisi pour l’alternance. Le clivage politique au sein du parti était très fort. Finalement, c’est la tendance que je défendais  qui a pris le dessus, et l’histoire nous donne maintenant raison. Depuis, le PDP était devenu un parti programmatique organisé autour des principes de démocratie et de transparence. Tous les points, et ce bien avant le 14 janvier, sont soumis à un débat transparent et approfondi, et sont tranchés par le vote. Au PDP, la direction est collégiale, c'est-à-dire qu’on prône la démocratie participative. Il n’y a pas de différence entre anciens et nouveaux militants. La différence se fait par la compétence, le mérite, le volontarisme et l’implication, ce qui fait qu’on est en  permanence à l’écoute, ce qui créé une écoute dynamique, la direction n’est pas fermée sur elle-même.

Lorsqu’il y a un désaccord quelconque au sein du PDP. Qui est-ce qui tranche, est-ce vous-même ou Nejib Chebbi ?

Nejib Chebbi est un leader reconnu, avéré et crédible. Il est respecté tant par ses amis que par ses adversaires, qui lui reconnaissent son apport à la vie politique. En cas de conflit quelconque, il peut jouer le rôle de référent informel, et non institutionnel. Sur le plan de la représentativité, la décision revient aux instances du parti.

Maintenant que le PDP a quitté le gouvernement, en la personne de Nejib Chebbi, pensez-vous être dans l’opposition ?
Je pense qu’être dans l’opposition face à un gouvernement de transition, chargé de l’expédition des affaires courantes, est du non-sens. Nous soutenons toutes les décisions que nous estimons positives, et qui conduisent à la mise en place d’une dynamique en vue de la construction d’une légitimité le 24 juillet, et nous nous opposons aux décisions négatives. Dès la nomination de Béji Caïd Essebsi, j’ai exprimé une position positive et j’ai dit que tous les Tunisiens, tous les partis politiques et les associations de la société civile doivent soutenir cette dynamique à même d’écourter au maximum cette période de transition. 

Nejib Chebbi a annoncé récemment que le PDP a entamé une mission de modernisation en vue de se transformer en un parti prêt à gouverner. Vous en êtes où dans ce processus ?
A l’instar de la Tunisie qui est en train de vivre une mutation profonde, tous les partis d’opposition sérieuse et de résistance doivent opérer leur mue. Le PDP est un parti programmatique ; nous avons nos visions sur la Tunisie sur les plans social, économique, politique et culturel. Notre parti a participé à tous les rendez-vous électoraux, malgré la répression. Aux législatives de 2009, toutes nos listes ont été invalidées et nous avons fini par nous retirer des élections. Notre rôle était de dénoncer la dictature, d’attirer l’attention des Tunisiens sur la répression et de mobiliser les opinions éprises de liberté dans le monde entier. Maintenant, le parti est appelé à vivre une vraie mutation. Je me sens investie d’une mission importante, celle de transformer le PDP, d’un parti de résistance à un parti de masse concerné par les questions électorales, un parti prêt à assumer des responsabilités nationales et à apporter des réponses concrètes aux attentes de son peuple. Dès le lendemain du 14 janvier, nous avons commencé à recevoir des Tunisiens qui demandent à adhérer. C’est quelque chose de spectaculaire, cet élan des Tunisiens qui ont exprimé le désir de participer réellement à la vie politique à travers leur adhésion à des partis politiques ou à des associations. Le PDP est un parti militant, syndicaliste, celui de la classe moyenne, des jeunes et des femmes. Je suis fière de dire que depuis mon accession au secrétariat général, le PDP a drainé beaucoup plus de femmes et de jeunes qui répondaient à deux messages : le premier est celui du changement, destiné aux jeunes qui cherchent à prendre le flambeau et qui trouvent que l’alternance est possible. Et le deuxième, qui attirait les femmes, est celui de "Yes we can". Le PDP a commencé donc à rajeunir et à se féminiser bien avant le 14 janvier, grâce à cette souplesse et cette transparence. Après le 14 janvier, nous avons enregistré des demandes d’adhésion très fortes des femmes et des jeunes, de la classe moyenne, des syndicalistes. Il y a aussi la classe moyenne supérieure et le monde des affaires qui manifestent de l’intérêt pour le PDP.  Notre parti offre un cadre à tous les Tunisiens pour se rassembler et construire la Tunisie nouvelle, réellement démocratique et libre. Le PDP prône la justice sociale, l’équité, et la valorisation des  compétences, et œuvre à inscrire la Tunisie dans ce parcours réformiste entamé depuis Khereddine Pacha.

Mais, toutes ces valeurs, vous les avez en partage avec tous les autres partis. Tous se proclament de cet héritage. Qu’est ce qui vous distingue vous, en tant que PDP ?
Le PDP s’est inscrit dès le départ dans ce parcours, cette démarche n’est pas née après le 14 janvier. La distinction peut se faire au niveau du double-langage ou du langage unique. Je pense, que plus on avance vers le 24 Juillet, plus la distinction se fera sur les propositions concrètes que nous faisons.

Comment évaluez-vous la prestation du gouvernement transitoire ?

Je dois tout d’abord souligner que nous sommes dans une phase transitoire, à laquelle correspondent des concepts provisoires. La mission principale du gouvernement est de préparer le pays à appeler les Tunisiens aux urnes pour construire une légitimité. D’emblée, Monsieur Caïd Essebsi a réussi à envoyer des messages d’apaisement pour instaurer un climat de confiance et d’espoir. Je pense qu’il est appelé à activer le processus et à faire preuve de plus de rigueur pour une réelle rupture avec le passé. Il doit également faire montre de plus de transparence en vue de clarifier certaines questions qui demeurent entourées d’ambigüité, par exemple qui est derrière la défaillance sécuritaire ? Les snipers ? Le gouvernement a besoin d’envoyer des messages de plus en plus forts, et de rompre avec les symboles de répression. Mais, nous sommes conscients au PDP que cela doit se faire progressivement.

Comment réagissez-vous au limogeage surprise de Farhat Rajhi ?

Cela ne s’est pas fait dans la transparence. Peu importe les personnes, l’essentiel est que ce ministère extrêmement important, qui a un héritage très lourd derrière lui arrive à changer les rapports entre ses représentants et les citoyens et que ses mesures soient prises dans la transparence, le respect des libertés, et qu’il rompe petit à petit avec tous ceux qui ont contribué à la répression et à la corruption. Ce n’est pas normal que des militants des droits de l’homme continuent à ce jour à être poursuivis.

C’est votre cas ?
Non, mais je prends acte, et je souhaite, que si c’est réellement le cas, qu’on mette fin à ces pratiques, et j’espère que ça soit fait dans la transparence.

Le PDP fait partie de l'instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la Révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique. Pensez-vous qu’elle va parvenir réellement à surmonter ses points de discorde, et à se remettre  au travail ?
Elle doit dépasser ses différends, c’est un impératif. Cette instance est investie d’une mission historique. Aujourd’hui, nous sommes conscients au PDP, et tous les partis doivent l’être, que la seule légitimité possible est la légitimité consensuelle pour pouvoir passer ce cap et parvenir à la légitimité par le scrutin.

Avez-vous commencé votre campagne électorale ?
Depuis le discours du Président par intérim du 3 mars dernier, j’ai réuni les militants et leur ai dit que notre campagne électorale commence ce soir. Nous allons œuvrer à réussir la mutation du parti, à avoir plus de visibilité et une meilleure communication. Il y aura du nouveau en matière de communication du parti sur le net, de l’organisation des structures, des programmes ; des ateliers planchent actuellement sur l’élaboration de propositions concrètes par secteur. Nous allons opter pour la démarche de convention. Les travaux seront rendus publics et mis en ligne, dans une démarche participative et interactive. La commission santé va organiser un séminaire auquel prendront part les intervenants du secteur. Nous allons présenter notre programme santé et y apporter d’éventuelles modifications à la lumière des suggestions et critiques des uns et des autres. Cette même démarche sera adoptée pour les autres secteurs : l’éducation, le développement régional, etc. Cette manière de procéder est un appel aux compétences dont regorge la Tunisie.
Par ailleurs, le PDP tiendra son conseil national le 9 avril prochain, au palais des Congrès, à l’occasion de la fête des martyrs. Nous annoncerons le démarrage de notre campagne électorale à l’ouverture de ce conseil.

Etes-vous pour le maintien de la date du 24 juillet pour les élections de l’assemblée constituante ?
Personnellement, je suis pour le maintien de cette date. La reporter à chaque fois revient à renvoyer le scrutin aux calendes grecques. Cette échéance électorale est un rendez-vous national et ne doit pas être tributaire des intérêts des uns et des autres. Le report des élections aura des conséquences négatives non seulement sur le plan politique, mais aussi économique ; ça va altérer la confiance des investisseurs en notre pays, et empêcher la reprise économique.

La  date du 24 juillet est donc jouable ?

Elle doit-être jouable. Cette date doit être la priorité de tout le monde, les partis politiques, les médias qui doivent jouer leur rôle de sensibilisation, de conscientisation, et de clarification sans tomber dans la démagogie et les dérapages. Le tissu associatif doit jouer son rôle de relais afin de sensibiliser les citoyens et vulgariser les concepts politiques.

La Tunisie compte actuellement 50 partis politiques. Comment réagissez-vous à cette pléthore de partis ?

Nous traversons une situation postrévolutionnaire. Cela ne doit pas nous faire peur, c’est un signe de bonne santé. Ce foisonnement de partis traduit cet élan participatif des Tunisiens, tous veulent contribuer à la construction de la Tunisie. Même si cela donne un sentiment d’effritement, je pense que c’est un passage obligé, une effervescence postrévolutionnaire. Si tous les partis jouent leur rôle dans le respect mutuel, je pense qu’on va pouvoir passer cette phase avec succès.

Pensez-vous faire des alliances en prévision des prochaines élections ?

Théoriquement, une phase électorale peut stipuler une démarche de coalition. Mais, il y a un appel citoyen à la spécificité ; les citoyens ont envie de découvrir les partis un à un. Nous devons respecter cette demande, présenter nos programmes, apporter des réponses aux questions cruciales. Nous serons dans une phase de rude compétition, et c’est tant mieux pour notre pays. J’ai confiance en notre peuple, à nous partis politiques d’être à la hauteur de ses attentes et aspirations. Ce faisant, après le 24 juillet, une coalition programmatique au sein de l’assemblée constituante demeure envisageable.

Quelle est votre position envers Ennahdha, d’autant plus que le PDP a rallié des militants islamiques depuis sa mue de 2001 ?

Le PDP a toujours défendu le droit d’Ennahdha d’exister, et il en a payé le prix fort. Nous pensons que la Tunisie est appelée à s’ouvrir à tous ses enfants. Je pense que l’islam politique modéré a toute sa place en Tunisie, et c’est là notre position de principe. Depuis le 14 janvier, nous sommes, néanmoins, en compétition l’un par rapport à l’autre. Nous n’avons pas été sur les mêmes positions d’Ennahdha sur de nombreux sujets. Par ailleurs, nous lui reprochons cet amalgame et cette interférence de la politique dans les mosquées, alors que nous avons signé un document historique dans le cadre de l’alliance du 18 octobre, qui stipule une séparation entre Etat et religion dans la société démocratique à laquelle on aspire. Nous dénonçons clairement et vigoureusement l’utilisation des mosquées par Ennahdha pour des prêches politiques. Le PDP œuvrera pour que les mosquées soient en dehors de la compétition politique. Nous sommes tous des musulmans, et nous nous adressons à un peuple musulman qui fera son choix selon un programme politique et un projet de société.

Quelle est votre ambition immédiate ?

Mon ambition est que la Tunisie réussisse sa transition. Je souhaite voir une participation massive à l’échéance électorale, en vue d’une constituante qui traduit la pluralité, et qui porte les attentes des Tunisiens, et d’une constitution qui garantit les libertés sur tous les plans et la séparation des pouvoirs, afin que la Tunisie soit inscrite résolument dans son processus réformiste.

A la rencontre des féministes tunisiennes

Du 31 mars au 2 avril, des militantes d’Osez le féminisme participent à un voyage d’études en Tunisie organisé par Touristra Vacances. Première rencontre avec Lilia Labidi, Ministre des Affaires de la Femme depuis le 17 janvier dernier, maîtresse de conférences à l’Université de Tunis, auteure de nombreux ouvrages sur la condition des femmes dans le monde arabe et sur l’histoire du mouvement féministe en Tunisie.

Par Thalia Breton et Soudeh Rad
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 L’effondrement du régime de Ben Ali oblige les nouveaux dirigeants tunisiens à repenser l’ensemble des institutions politiques du pays, mais aussi la place des droits des femmes dans les politiques publiques. Après le féminisme d’Etat sous Ben Ali, le gouvernement de transition doit faire face à de nombreux défis. Voici des premiers éléments d’analyse suite à la rencontre entre des militantes d’Osez le féminisme et Lilia Labidi, Ministre des Affaires de la Femme depuis le 17 janvier dernier.

Le flou politique qui règne en Tunisie et règnera probablement encore après les élections à l’Assemblée constituante du 24 juillet prochain, nourrit une inquiétude légitime dans la population tunisienne.
Pour Lilia Labidi, la confiance en la jeunesse doit permettre de dépasser cette inquiétude. La Ministre semble fascinée par la force de la jeunesse de son pays : en déclenchant la révolution, la jeunesse tunisienne s’est emparée de l’espace politique.
Les possibilités ouvertes par la liberté d’expression et la multiplication des espaces de discussion apportent un espoir immense. Les ambitions politiques du gouvernement de transition sont grandes : le travail de révision de tous les codes a commencé. N’ayant aucun mandat pour mener des réformes de fond, le ministère de Lilia Labidi prépare le terrain pour le prochain gouvernement. Sur l’éducation tout d’abord, 30% des filles étant touchées par l’abandon scolaire. Sur l’accès à l’emploi ensuite, deux tiers des diplômés au chômage étant des femmes. A terme, l’objectif est d’augmenter le niveau de vie des femmes et de leur donner l’autonomie financière : pour Lilia Labidi, c’est une question de dignité.
Ces objectifs politiques se heurtent néanmoins à un manque de visibilité des femmes dans l’espace public : il n’y a que deux femmes au gouvernement et certaines féministes ont l’impression que l’égalité femmes/hommes, bien qu’identitaire pour la Tunisie, n’est pas une priorité.

Au-delà de la préparation de l’avenir, la tâche actuelle de Lilia Labidi est de faire en sorte que les femmes s’emparent du processus démocratique. Son ministère s’est fixé comme objectif concret de préparer les femmes au vote du 24 juillet. Les résultats seront décisifs pour l’avenir de la Tunisie : il faut donc responsabiliser les femmes et organiser, en accéléré, l’apprentissage des rouages de la démocratie, notamment dans les régions les plus rurales et les plus défavorisées.
Ambitieuse, la Ministre réfléchit, aux côtés de l’Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution, à la place des femmes dans le pouvoir politique de demain. Ainsi, son ministère étudie les différents modes de scrutin à l’étranger, et, entre autres, la loi française sur la parité.

Même si la question de la force des islamistes est souvent éludée (cette force étant difficile à évaluer avant les élections de juillet), il est clair que l’apprentissage de la démocratie, l’accès à l’éducation et à l’emploi sont aussi considérés comme des outils pour réduire leur influence en permettant aux femmes de s’emparer des débats politiques.

La place des femmes au pouvoir est donc centrale pour Lilia Labidi. La place des femmes, oui, mais pas la sienne. En fin d’entrevue, Lilia Labidi nous prévient : le lendemain du 24 juillet, elle ne sera plus là. C’est pour nous le signe que nous avons en face de nous une militante dont le but n’est pas l’exercice du pouvoir pour le pouvoir, mais l’exercice du pouvoir pour changer durablement les choses. Changer la condition des femmes vers plus de liberté et d’égalité : voilà un objectif sur lequel nous ne pouvons que tomber d’accord.

jeudi 31 mars 2011

Le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi se rendra lundi en Tunisie

Le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi se rendra lundi en Tunisie pour voir avec le nouveau gouvernement de Tunis comment stopper l'afflux de migrants venant de ce pays sur l'île de Lampedusa, a annoncé jeudi le gouvernement.
L'Italie, confrontée à l'arrivée depuis le début de l'année de 20.000 immigrés pour l'essentiel Tunisiens, a également fait une nouvelle fois appel à la solidarité européenne demandant aux autres pays d'accueillir des migrants.
Le Cavaliere a eu "une conversation téléphonique aujourd'hui avec le Premier ministre tunisien, Béji Caïd Essebsi, et les deux chefs de gouvernement se sont entendus pour que le président (du Conseil) Berlusconi vienne en visite en Tunisie lundi 4 avril", a indiqué le gouvernement dans un communiqué.
Jeudi soir, M. Berlusconi s'est enfermé avec ses ministres de l'Intérieur, de la Défense et des Questions régionales pour discuter de l'immigration et de comment répartir les 6.000 migrants en cours d'évacuation de Lampedusa vers d'autres zones du pays.
Dans la matinée, le chef du gouvernement italien s'était plaint dans un appel téléphonique à un congrès d'un petit parti allié, d'un manque de collaboration de la Tunisie.
Il a souligné que deux de ses ministres étaient allés à Tunis vendredi dernier en promettant une aide de 80 millions d'euros pour lutter contre l'immigration clandestine et une ligne de crédit de 120 millions pour aider le pays à se développer.
"En échange, il était prévu que le gouvernement tunisien bloque les départs de bateaux et accepte le rapatriement de ses citoyens" mais "ceci ne s'est pas produit", a-t-il dénoncé.
Pour sa part, le chef de la diplomatie Franco Frattini s'est plaint d'une "absence de solidarité éclatante" de l'Europe, estimant que les migrants devraient être "répartis entre plusieurs pays européens".
L'Italie accuse régulièrement l'UE de l'avoir abandonnée dans sa lutte contre l'immigration clandestine.
Selon M. Frattini, les autorités tunisiennes ont bloqué 1.200 personnes au cours des dernières 48 heures. Toutefois, 500 migrants ont débarqué mercredi à Lampedusa.
Comme M. Berlusconi, le ministre de l'Intérieur, Roberto Maroni, a déploré l'attitude de la Tunisie, estimant qu'elle ne lutte pas suffisamment "contre les flux illégaux" et "n'accepte pas le rapatriement des Tunisiens identifiés".
Selon M. Maroni, sur les 22.000 migrants arrivés depuis le début de l'année en Italie, 2.000 sont des réfugiés africains, pour l'essentiel des Somaliens et Erythréens.
Contrairement aux Tunisiens destinés à être "identifiés et rapatriés", les réfugiés "peuvent rester en Italie et il faut prévoir un parcours d'intégration", a-t-il précisé.
Interrogé sur le fait de savoir si le Nord prospère recevrait moins de migrants que le Sud défavorisé de l'Italie, M. Maroni a souligné que le plan gouvernemental prévoyait que "toutes les régions, sauf les Abruzzes", touchées en 2009 par un séisme meurtrier, "puissent accueillir jusqu'à 10.000 personnes".
Jeudi, les premières évacuations hors de Lampedusa ont débuté. Plus de 2.500 personnes sont parties vers des régions du Sud, l'immense majorité allant dans les Pouilles, région dirigée par l'opposition de gauche.

Les 10 mots de la révolution tunisienne - 8. "La bise"

8 - LA BISE

- "T'as vu ça? Il m'a fait la bise!" affirme, médusée, une amie, ancienne syndicaliste, qui m'accompagne à une rencontre avec le bâtonnier de Tunisie.
(Je fais mine de m'inquiéter) - "Oui, et il ne fallait pas?"
- "Mais tu te rends compte, c'est un islamiste, c'est un membre d'Ennahda. Il faut qu'ils avancent bien masqués en ce moment pour en arriver là..."

Un autre jour, assez tard, un ami Tunisien me raccompagne à pied à travers la ville. A une terrasse, deux hommes discutent, debout, une bière à la main. Le ton monte. Ils semblent se disputer en arabe. Je demande à mon ami de quoi ils parlent. Est-ce une dispute personnelle ou parlent-ils politique? "Ils parlent des femmes" –hautement politique donc– "le plus virulent affirme au second que la femme n'est pas l'égal de l'homme, que c'est écrit dans le Coran. Il se demande "comment certains peuvent autoriser leurs filles ou leurs sœurs à aller manifester" m'explique-t-il. Je l'interroge : "Une bière à la main?" "Oui, c'est ça la Tunisie, c'est ça nos islamistes", rit-il.

Place de la Kasbah. Discussion avec des étudiants.
- "Peur de l'islamisme?
- Non pas en Tunisie. Ici nous sommes presque tous musulmans, sunnites, mais même si certains sont pratiquants, beaucoup aussi ne le sont pas. Tu sais, avec Ben Ali nous n'avions pas le droit de pratiquer librement notre religion et il y avait beaucoup de discrimination. Ce n'est pas normal que mon ami ne trouve pas de travail parce qu'il est plus religieux que moi, non? Regarde ces deux filles là-bas."
(L'une est en pantalon, ni spécialement moulant ni spécialement large, à la mode. L'autre porte un hijab et une robe longue. Elles rient toutes les deux, semblent être de bonnes amies.)
Et l'étudiant de poursuivre :
- "Tu vois, c'est ça la Tunisie: ces deux filles qui rient ensemble et moi et mon ami, l'un religieux et l'autre non qui discutons avec toi".

# Tunisie – Béji Caïd Essebsi étale les priorités de l’action gouvernementale


J’ai accepté la mission du Premier par un souci patriotique pour servir la Tunisie. Mon credo est la parole tenue et le dévouement dans l’action (un credo cher à Bourguiba). Je suis un homme d’Etat et en tant que tel, je n’accepte pas qu’on empiète sur mes prérogatives et mes responsabilités et je n’ai pas à consulter le Conseil de protection de la révolution avant de prendre une décision ou de procéder à une nomination. Nos priorités sont la sécurité, l’emploi et le développement régional, notamment les zones défavorisées. Farhat Rajhi n’a pas été limogé et sera appelé à d’autres hautes fonctions très prochainement.
Ce sont là les grandes lignes évoquées par Béji Caïd Essebsi, Premier ministre du gouvernement transitoire en réponse aux questions des journalistes qui l’interviewaient, mercredi 30 mars 2011, pour le compte des trois chaînes de télévisions tunisiennes parmi lesquels on a remarqué la présence du revenant Abdelmalek Berrabeh de la 1ère chaîne nationale aux côtés de Soufiène Ben Hamida de Nessma TV et de Faouzi Jrad d’Hannibal TV.

A l’aise comme à son habitude et optant pour le dialectal tunisien, M. Caïd Essebsi s’est comporté en fin politicien en répondant à plusieurs questions tout en éludant certaines autres.
Concernant d’abord l’action gouvernementale, il s’est d’abord élevé contre ceux qui la qualifient de floue en rappelant que cela fait, à peine 3 semaines que le gouvernement est mis en place sachant que la tradition veut, dans tous les pays, que l’on procède à la première évaluation d’un gouvernement quelconque après 100 jours d’exercice. Il a, ensuite, indiqué que chaque partie assume ses fonctions d’une manière bien ordonnée selon ce que l’on peut appeler une constitution provisoire. Et on traite les dossiers selon les priorités et les urgences qui sont, d’ailleurs, assez nombreuses.
Concernant l’avenir politique des membres du gouvernement provisoire, le Premier ministre a été clair : ils s’engagent tous à ne se présenter à aucun poste lors des prochaines échéances électorales avant d’ajouter que l’équipe gouvernementale est prête à introduire les correctifs nécessaires en réponses aux suggestions et autres critiques judicieuses.

Evoquant l’action de l’Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la Révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, M. Caïd Essebsi a tenu à mentionner qu’elle agit en toute indépendance tout en assurant que les propositions constructives sont les bienvenues, mais que les tentatives de lui mettre les bâtons dans les roues sont inacceptables.
En effet, a-t-il précisé, l’échéance du 24 juillet est réalisable si toutes les parties prenantes jouent le jeu avec sincérité surtout que la Loi électorale est pratiquement prête.
Evoquant la dissolution du RCD et l’éventuel retour de ses caciques à la vie politique par le biais d’autres partis et à la proposition, chère à Soufiène Ben Hamida, d’empêcher par la loi les principaux symboles de ce parti de se présenter à d’éventuelles élections durant un certain nombre d’années, le Premier ministre a été évasif en précisant que ces « symboles » auront la pudeur d’eux-mêmes d’éviter de revenir sur la scène.
Quant à la multiplication des partis, au nombre de cinquante, M. Caïd Essebsi a usé d’un ton presqu’ironique et caricatural en avouant qu’il ne retient pas les noms de ces partis et leurs vraies orientations tellement ils se ressemblent.

Concernant les procès réclamés contre le président déchu et les membres de sa famille et autres responsables de l’ancien régime, le Premier ministre a été catégorique : la justice accomplit son travail en toute indépendante. Pas de procès collectifs, mais il faut agir au cas par cas. Chaque personne ayant commis des abus avérés doit payer. Il y a une liste déjà dressée et c’est à la justice de faire son travail. Contre certains, des avocats ont porté plainte. L’action est légale ou non, a-t-il expliqué, toujours est-il que les magistrats ont donné suite à cette requête dont l’issue devient du ressort de la justice.
Ouvrant une parenthèse, le Premier ministre a estimé que les avocats et les magistrats qui participent à des sit-in à la Kasbah ou ailleurs, sortent du cadre de leur profession et entrent dans le domaine de l’action politique. Est-ce légal, s’est-il interrogé ?

Un des autres volets prioritaires mentionnés par le Premier ministre est celui du lancement des projets économiques à forte employabilité dans les gouvernorats de l’Intérieur. Et à ce propos, il a annoncé qu’un programme à court terme est déjà prêt et sera annoncé par les départements concernés vendredi 1er avril 2011 devant les journalistes après son adoption par le Conseil des ministres. Béji Caïd Essebsi a fait remarquer que ces projets et études sont effectués par des compétences tunisiennes à titre bénévole avant d’ajouter que les ministres et les responsables se rendront, donc, dans les régions, munis de ces programmes et projets.
Toujours sur le plan économique, un programme à long terme est en cours d’étude avec l’aide des pays frères et amis qui tiennent à la réussite de l’expérience tunisienne. Et dans le même ordre d’idées, M. Caïd Essebsi a annoncé qu’une restructuration du budget de l’Etat est en cours et pourrait être fin prête dès le mois de mai prochain avec pour objectifs des facilitations et des incitations aux hommes d’affaires et aux investisseurs nationaux et étrangers et la création, dans un premier temps, de près de 40 mille emplois équitablement répartis entre les deux secteurs public et privé, sachant que près de 150 mille diplômés du supérieur sont actuellement en chômage sans oublier les demandes additionnelles chaque année.

Mais pour réussir ces programmes, il est impératif que la sécurité soit retrouvée. Concernant ce volet, le Premier ministre a mentionné qu’un gros travail attend le gouvernement afin de faire recouvrer à l’Etat son prestige. Il est compréhensible et légitime qu’on assiste à une explosion de points de vue et de revendications, mais si cela dure indéfiniment, on peut aller vers l’abîme. Ce que personne ne veut.
La plupart des revendications son certes légitimes et les grèves sont certes un droit acquis, mais, au vu des circonstances exceptionnelles par lesquelles passe le pays, elles peuvent être reportées. En tous les cas, il est inadmissible qu’il y ait chaque jour et partout des rassemblements, des sit-in et des grèves. Il est inadmissible que des personnes sans emploi viennent empêcher les autres de travailler, a-t-il précisé.
Ces pratiques de protestations exagérées ne peuvent que nuire à la sécurité des personnes et des entreprises et créer un climat de confusion surtout si l’on sait qu’il y a des malfaiteurs et des évadés des prisons qui circulent encore librement.
Toujours au volet sécuritaire, M. Caïd Essebsi a tenu à rassurer qu’il n’y a aucune rivalité entre la police et l’armée. Cette dernière a toujours eu un rôle crucial et positif à jouer comme ce fut le cas en janvier 1978, en janvier 1984 ainsi que lors des événements de Soliman.

Sur la question concernant le départ de Farhat Rajhi du ministère de l’Intérieur, Béji Caïd Essebsi a tenu à préciser que M. Rajhi n’a pas été limogé, mais la situation actuelle a exigé un changement à la tête du ministère de l’Intérieur, alors que Farhat Rajhi sera appelé à assumer, très prochainement, une autre haute charge.
Toujours à propos de la sécurité, le Premier ministre a répondu aux questions sur l’émigration irrégulière et la position ferme et agressive de l’Italie sur la situation des Tunisiens à Lampedusa, une position qu’il a jugée compréhensive si l’on se place du côté de Rome qui doit tenir compte d’une opinion publique et d’une droite assez forte. Et puis, nous n’avons qu’à mieux protéger nos frontières maritimes. Cela ne peut que nous valoir respect et considération de la part des Européens.

Concernant la question libyenne, M. Caïd Essebsi a estimé qu’elle est délicate dans la mesure où il s’agit d’un pays voisin avec lequel nous avons des relations étroites et des intérêts sociaux et économiques d’où notre position équilibrée en faveur du peuple libyen tout en nous conformant à la légalité internationale et aux résolutions onusiennes dont notamment le gel des avoirs de Kadhafi annoncé le jour même où devait être libéré le journaliste tunisien Lotfi Messaoudi.
Prié de s’expliquer sur cette coïncidence qui aurait été à l’origine du maintien du confrère en détention en Libye, Béji Caïd Essebsi s’en est défendu en assurant que rien n’indiquait qu’il allait être vraiment libéré en ce jour là surtout si l’on sait les volte-face du régime libyen.

En conclusion, le Premier ministre estime que la Révolution tunisienne est un fait historique et unique dans les annales. Il doit nous mener vers la démocratie et vers plus de liberté, mais il peut, si on ne prenait garde, nous entrainer – que Dieu nous en préserve – vers le chaos et l’anarchie.
Or la Révolution tunisienne est l’œuvre spontanée de jeunes tunisiens sans leadership et sans encadrement. Mais curieusement, nous assistons à des multiples tentatives de récupération par certains politiciens qui prétendent en être les parrains. D’où la nécessité de protéger ce nouveau-né et de lui permettre d’arriver à bon port.

Des camions-citernes libyens refoulés à la frontière tunisienne

TUNIS (AP) — Des habitants de la localité tunisienne de Ben Guerdane, proche de la frontière libyenne, ont empêché mercredi des camions-citernes venus de Libye de s'approvisionner en carburant, a-t-on appris de sources concordantes.
Ils étaient rassemblés à l'appel de "l'initiative civile de protection de la révolution", une association de la ville de Ben Guerdane particulièrement active dans l'aide apportée aux réfugiés qui fuient la Libye.
Selon le syndicaliste Hassine Bettaieb, relayé par l'agence officielle tunisienne TAP, trois gros transporteurs de carburant d'une capacité de 36.000 litres chacun ont été contraints de rebrousser chemin après avoir franchi le poste frontalier de Ras Jédir, dans le sud tunisien.
Les véhicules se dirigeaient vers les ports de Zarzis, Gabès et Skhira, où ils devaient faire le plein, a-t-il précisé.
"Les habitants de Ben Guerdane ont de manière pacifique barré la route aux camions-citernes de crainte que le carburant ne serve aux forces de Kadhafi contre le peuple libyen", a déclaré M. Bettaieb joint au téléphone par l'Associated Press.
En revanche, d'autres camions libyens transportant des produits alimentaires achetés en Tunisie ont continué à franchir la frontière sans embûche, a-t-il indiqué.

Tunisie/Béji Caïd Essebsi : Au travail citoyens, le pays est à genoux

 "La légitimité constitutionnelle de ce gouvernement est arrivée à son terme le 15 mars dernier. La non-constitutionnalité actuelle ne signifie pas désordre. Un décret-loi a été promulgué portant organisation des pouvoirs provisoires, et qui fixe les attributions du président par intérim, du premier ministre et du gouvernement.  Ce sont ces instances qui dirigent le pays, en présence d’influences et de pressions", a souligné en substance, Beji Caid Essebsi, lors d’une interview télévisée diffusée par la télévision nationale, Hannibal et Nesma TV. A la fois serein et alarmiste, le Premier ministre, a rappelé qu’il y a à peine un mois qu’il est aux commandes, et qu’il ne dispose pas de baguette magique pour résoudre tous les problèmes d’un seul coup. Il a fait remarquer néanmoins que le gouvernement n’est pas infaillible, et qu'il est prêt à mener d’éventuelles rectifications objectives, déplorant au passage des tentatives d’avorter la révolution. 
Interrogé sur le limogeage Farhat Rajhi, le Premier ministre a tenu a préciser que "l’ancien ministre de l’Intérieur n’a pas été démis de ses fonctions, mais a été remplacé dans le cadre d’un remaniement partiel qui relève de mes attributions, en concertation avec l’intéressé". Farhat Rajhi sera investi d’une mission très importante qui sera dévoilée dans les prochains jours, a-t-il annoncé.

Au sujet des élections du 24 juillet prochain, Caïd Essebsi s’est arrêté à certaines personnes qui ne sont pas satisfaites de la tenue du scrutin et qui cherchent à le faire capoter. "Ces personnes là ne cherchent pas uniquement à élargir la composition de l’instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution, de réforme politique et de transition démocratique, mais ils veulent participer au gouvernement", a-t-il laissé entendre, "or, tant que je suis à la tête du gouvernement, je ne partagerai mes prérogatives avec personne", a-t-il asséné, indiquant que ladite instance est indépendante et qu’il n’interfère pas dans ses travaux.

Béji Caïd Essebsi a dit s’être engagé dès son accession à la primature de ne pas revenir sur ce qui a été fait par l'ancien gouvernement transitoire, histoire d’assurer la continuité de l’Etat. Interrogé s’il est pour le maintien de la date des élections, le Premier ministre ne s’est pas vraiment prononcé, estimant que cette date a été fixée avant son arrivée, et là, il a dû faire une petite méprise, puisque cette date a été annoncée le jeudi 3 mars par le président par intérim, quatre jours après sa nomination en tant que Premier ministre.

"La révolution a été faite par les jeunes, sans encadrement ni leadership, pourtant les conseils de révolution pullulent". Chose qui interpelle Béji Caïd Essebsi, d’où ils sortent ? se demande-t-il, "s’ils étaient tous des révolutionnaires, Ben Ali aurait fui il y a  des années de cela". Et d’expliquer : "la révolution n’est pas la démocratie, soit elle dérape vers l’anarchie, soit elle emprunte le processus démocratique, ce qui requiert persévérance et loyauté. Le pays  a besoin d’aller  de l’avant et de régler les questions substantielles, car on  l’a trouvé à genoux", a-t-il indiqué.

Les tribunaux se sont saisis des crimes de Ben Ali
Le Premier ministre a affirmé qu’il est pour l’indépendance de la justice. "Les avocats et les magistrats qui sont venus devant le premier ministère pour scander le slogan de l’indépendance de la justice se trompent d’adresse". Il a fait savoir que les tribunaux se sont saisis de grandes affaires concernant les crimes de l’ancien président, et du chef de sa garde présidentielle. "Tous ceux qui ont nui au pays et ont sali sa réputation seront poursuivis". Le Premier ministre a déploré que les tribunaux soient la cible de certaines personnes qui font du grabuge et égorgent des moutons, ce qui est de nature à ternir l’image de la justice et à attenter à son indépendance.

Concernant la dissolution du RCD, le chef du gouvernement provisoire trouve cette question terminée. Reste que justice doit être rendue. Il a rappelé qu’au lendemain du 7 novembre, Ben Ali et ses compagnons allaient créer un nouveau parti, mais certains les ont dissuadé. "Comment abandonner un parti qui a libéré le pays, et construit l’Etat indépendant", leur ont-ils confié. Le président déchu s’est donc emparé du RCD, fait sortir les honorables, les militants du néo-Destour, et en a fait sa propriété privée, a regretté Béji Caïd Essebsi, jugeant peu probable que les anciens du RCD, impliqués dans des affaires de mauvaise gestion notamment, se constituent dans de nouveaux partis, "car, ils ont honte".

Le Premier ministre a déclaré qu’aussi bien avec Bourguiba qu’avec Ben Ali, "on a dérapé du régime présidentiel au régime présidentialiste". "A l’époque de Ben Ali, on a assisté à une crise morale de l’Etat, on trouvait une vipère à chaque tiroir",a-t-il noté, en allusion aux nombreux crimes commis par le président déchu. "Si on veut rétablir l’autorité de l’Etat, il faut qu’on tire les enseignements des expériences passées, et il faut que la conduite des responsables, notamment au sommet de l’Etat, soit irréprochable".

Au sujet de la situation économique, le Premier ministre a déclaré que le pays a besoin de travail, a fortiori que les entreprises économiques sont dans un état déplorable. Il a rappelé que 5 millions de personnes vivent du tourisme. La priorité est de rétablir la sécurité, a-t-il martelé, "car, sans sécurité, il n’y aura pas de reprise économique, pas d’investissement, pas de touristes". "La situation sécuritaire connaît une amélioration, mais elle est insuffisante, et les efforts doivent être axés pendant la période à venir sur le rétablissement de la sécurité. Quant aux Sit-in, ils ne peuvent continuer d’une manière indéfinie, sinon ce sera l’anarchie et le chaos", a-t-il estimé.

Le Premier ministre a évoqué un sauvetage économique en deux temps : une intervention urgente à la faveur d’un projet purement tunisien, réalisé par des experts et des investisseurs tunisiens. Ce projet vise à améliorer le niveau de vie dans les régions démunies et il sera annoncé et expliqué dans les prochains jours par les responsables du gouvernement.

Le second programme sera financé par des pays européens, avec cet élan des pays amis qui se sont empressés d’aider la Tunisie, a-t-il indiqué. Le ministre des finances va tenir une conférence de presse vendredi prochain pour faire la lumière sur ces nouvelles mesures. Par ailleurs, des ministres de l’Agriculture et du développement régional se déplaceront aux régions pour annoncer ces projets, en expliquer la teneur aux habitants et leur dire, que de tels projets leur appartiennent et qu’il ne faut pas les brûler.

Le Premier ministre a annoncé la restructuration radicale du budget de l’état.  Les crédits seront orientés vers les  régions, et d’ici mai, un nouveau budget et une nouvelle restructuration seront dévoilées, avec une priorité aux régions et des incitations aux entreprises, pour pouvoir créer des emplois. En l’état actuel, quelque 150 mille tunisiens diplômés du  supérieur sont au chômage,  la situation économique est au plus bas,  le taux de croissance varie entre O et 1. Il y aura 80 mille demandeurs qui se déverseront sur le marché du travail tous les ans, vu les circonstances, on ne va pouvoir employer que 20 mille cette année. Par ailleurs, on compte à ce jour, 121 mille revenants de Libye, et on va donner des subventions aux régions pour qu’elles puissent les accueillir. Béji Caïd Essebsi a lancé un appel aux hommes d’affaires pour qu’ils soient confiants, contribuent à la reconstruction du pays, et "qu’ils n’insultent pas l’avenir, même si le présent reste à discuter".

Concernant la situation en Libye, le premier ministre a souligné que les Tunisiens et les Libyens forment un seul peuple, disant bien connaître les personnes qui sont au pouvoir en Libye et leur mode de fonctionnement. L’important est que le peuple libyen sorte de cette crise asphyxiante. Quant au  journaliste tunisien d’al-Jazeera Lotfi Massoudi, et le fait que sa libération n’ait pas eu lieu, à cause, selon toute vraisemblance, de la décision du gel par la Tunisie des avoirs du colonel libyen, le Premier ministre a rappelé que ce gel est prévu par la résolution du conseil de sécurité, et que la Tunisie a toujours eu une constante dans sa politique étrangère, celle de se référer à la légalité internationale. Il est toutefois resté évasif sur le cas du journaliste tunisien encore en détention.

S'agissant de la situation des Tunisiens sur l’Ile de Lampedusa, le Premier ministre a indiqué que l’on compte 15 mille Tunisiens sur l'Ile italienne, presque le triple de ses habitants estimés à  six mille. "Ces émigrés sont partis dans une période de laisser-aller, avec la complicité de ceux qui sont censés surveiller les frontières". Pour que cette situation soit résolue, il faut que l’on reprenne les choses en main et on restaure notre souveraineté, a-t-il déclaré,  annonçant l’intention de la Tunisie de discuter avec l’Europe la question de la circulation des personnes et des biens. 

mercredi 30 mars 2011

Tunisie : Le marché de l’immobilier en phase d’explosion ?

«Les perspectives de l’immobilier après la révolution du 14 janvier», a été le thème d’une table ronde organisée, mardi, à Tunis par  Invest Consulting NA, éditeur du  guide de l’immobilier. Comme à l’accoutumée, cette table ronde entre dans le cadre des préparatifs pour la nouvelle édition du guide de l’immobilier 2011, prévue pour le mois  d’avril. Pour débattre des différentes facettes de cette thématique, l’organisateur a invité des spécialistes et autres professionnels du secteur, dont notamment  Taoufik Chabchoub, avocat à la cour de cassation.
Celui-ci a affirmé que « aujourd’hui, le marché de l’immobilier connaît certes une mutation certaine. Mais, l’investissement immobilier peut se révéler particulièrement attractif. A condition de faire les bons choix avant d’investir. La Tunisie reste encore en plein chantier, en pleine ébullition depuis l’avènement de nouveaux mégaprojets. Le pays connaît en effet une véritable explosion en matière de construction. Nous  devons mettre en place une politique d’intervention directe dans le secteur immobilier. Cette politique vise à démocratiser l’accès des ménages à des logements en adéquation avec leurs besoins et leurs moyens financiers. Il est à noter que durant les premiers jours de la révolution, le secteur de l’immobilier a connu une baisse remarquable des ventes. C’est une stagnation tout à fait logique vu les événements que le pays a connus. C’est d’ailleurs une stagnation qui a touché la majorité des activités économiques », a-t-il observé.
L’ouverture du marché tunisien aux investissements étrangers
Un  autre exposé  ayant  permis de décortiquer le métier de l’agent immobilier, a été fait par président de la chambre syndicale des agents immobiliers tunisiens, Chokri Keskes, qui a souligné  que le rôle de l’agent immobilier s’affirme et revêt une importance majeure dans les transactions qui portent sur les biens immobiliers notamment les ventes et les  locations. Cet agent peut être une personne physique indépendante ou une entreprise, qui emploie des négociateurs immobiliers. Les clients de l’agent immobilier le mandatent pour une mission bien précise, celle de mettre en vente ou en location leur bien immobilier ou de rechercher un bien qui pourrait correspondre à leurs attentes.
Lors de cette présentation, il a  démenti l’information selon laquelle le  nombre de logements invendus  est actuellement de  l’ordre de 35.000. « Ce chiffre n’est pas proche de la réalité,  parce que nous n’avons jamais eu d’informations économiques fiables, d’autant  moins que nous n’avons jamais réussi à mettre en place un observatoire du logement. En effet, nous construisons en Tunisie près de 15.000 logements par an », a-t-il précisé.
En ce qui concerne les conditions d’ouverture du marché de l’immobilier en Tunisie aux étrangers,  Maître Néjib Fekih a rappelé que  le décret de 1957 a institué l’autorisation de l’administration pour l’acquisition de logement en Tunisie pour les tunisiens et pour les étrangers. Cette autorisation a par la suite été supprimée pour les Tunisiens en 1977.
Cependant, le marché de l’immobilier a été partiellement rouvert en 2005 pour les étrangers, avec la suppression de l’autorisation du gouverneur dans des cas bien précis. Pour les non résidents, ils peuvent acquérir des terrains et non du bâti dans les zones touristiques et industrielles.
Quant aux mégaprojets immobiliers, l’autorisation est du ressort du «bureau de liaison, voire du vis-à-vis administratif du promoteur, créé et investi de pleins pouvoirs dans ce domaine. Pour le reste, l’autorisation est toujours obligatoire moyennant des formalités lourdes avec 13 documents requis.
Néjib Snoussi, représentant du ministère du Transport et de l’Equipement, a, pour sa part  rappelé que « en 2009 et début 2010, les prix de l’immobilier ont connu partout dans le monde des variations, à des échelles différentes. En effet,  les cours des matières premières ont progressé de façon spectaculaire dont notamment  l'envolée des prix observée particulièrement depuis le début de l'année 2006. Et la tendance s'est poursuivie en 2007 ainsi qu'en 2008.
Il a en outre  mis en exergue les efforts déployés par les autorités publiques pour inciter les privés à investir dans les activités immobilières, et ce pour renforcer le secteur et améliorer le marché de l’immobilier. « Depuis quelques années, on a remarqué que le nombre des promoteurs immobiliers étrangers a augmenté, ce qui a rendu le marché immobilier tunisien le plus dynamique dans la région. Il est en phase d’explosion », a-t-affirmé.
Dans le même cadre, il est à signaler que le 8ème salon des services immobiliers "Immobilier 2011" l'événement référence du secteur, aura lieu du 4 au 8 mai 2011. Cette nouvelle édition du salon regroupera, comme de coutume, tous les intervenants et acteurs potentiels du secteur de l'immobilier. Le salon visera à promouvoir davantage les services immobiliers et à présenter une offre globale sur tous les produits et services de finition aux maîtres d’ouvrages qui sont en quête de nouveaux produits dans le domaine et qui cherchent à s'adapter aux exigences de l’environnement et l’efficience énergétique.
Plus de 100 exposants y participeront en plus  d'un large éventail de visiteurs professionnels ainsi que des milliers de visiteurs grand public avides de découvrir les nouveautés en matière d'immobilier en Tunisie et de ses services annexes, logement, financement, travaux de finition.      

Les 10 mots de la révolution tunisienne - 7. "Sept"

 7- SEPT

La chasse aux "sept" a commencé. Ben Ali, comme chacun sait, était un brin superstitieux et croyait aux forces occultes (madame aussi). Arrivé au pouvoir le 7 novembre 1987 après voir fait venir sept médecins pour constater les défaillances de son prédécesseur, Habib Bourguiba, il en avait tiré l'implacable conclusion que ce chiffre lui portait bonheur. Inutile de préciser qu'en vingt-trois ans de règne, le raïs a eu le temps d'essaimer son gri-gri. Les rues, avenues, places et monuments du 7 novembre ont envahi les endroits les plus reculés du pays. Les billets de banque, timbres, cartes d'identité ont tous été ornés du fabuleux chiffre. La télévision nationale avait été glorieusement baptisée TV7, l'aéroport international de Tabarka, estampillé "7 novembre". Même les épiceries, coiffeurs, pharmacies et autres petits commerces s'étaient mis à arborer un "7" sur leur devanture, histoire d'amadouer le puissant dictateur... Aujourd'hui, bien sûr, on débaptise à tout va. Le groupe Facebook "Contre le ridicule culte du chiffre 7 en Tunisie" et ses 1351 amis sont en pointe sur le dossier. La compagnie aérienne Sevenair, née le 7/07/2007, a ainsi opté pour un plus neutre Tunisair Express. Idem pour TV7 qui a préféré se faire oublier avec l'impartiale : "Télévision tunisienne nationale". Les appellations les plus en vogues ? "Mohamed Bouazizi", du nom du jeune marchand ambulant de Sidi Bouzid qui s'est immolé par le feu le 17 décembre. Ou mieux : le nouveau chiffre fétiche, celui du jour où Ben Ali a déguerpi. Dans la capitale, la place du 14 janvier (feue la place du 7 novembre) est désormais l'endroit où il faut s'arrêter. Même si, d'après nos calculs, 14, c'est toujours 2 fois 7. Les chauffeurs de taxis s'emmêlent un peu les pinceaux. Mais ils en ont tiré une nouvelle maxime. "Ici, c'est la rue de la Liberté. Avant, on disait qu'on savait où était la rue, mais pas la liberté. Maintenant, c'est le contraire".

 

 

mardi 29 mars 2011

Tunisie. Ennahdha acceptera-il une constitution laïque?



Les leaders du mouvement islamiste Ennahdha ne cessent d’invoquer l’Akp, le parti islamiste modéré de Turquie, comme un modèle pour la Tunisie. Simple effet d’annonce, en perspective des élections du 24 juillet, ou mutation politique profonde? 


Le parti islamiste tunisien a été légalisé au début de ce mois, après trois décennies d’interdiction et de répression. Longtemps muselés, emprisonnés ou contraints à l’exil, ses dirigeants sont enfin libres et participent au processus de transition démocratique en cours dans le pays. Fortement présents dans les enceintes de débat qui se sont multipliées dans la Tunisie post-Ben Ali, ils reprennent donc naturellement leur place dans les espaces médiatiques où ils font entendre un discours d’ouverture, appelant au dialogue et à la recherche du consensus pour construire la démocratie tunisienne.
Un discours de conciliation Ayant longtemps souffert de l’exclusion et de l’ostracisme d’un système politique qui les a diabolisés, les dirigeants islamistes tunisiens cherchent visiblement à rassurer leurs compatriotes et à se replacer sur la scène tunisienne en tenant un discours de conciliation. Dans leurs interviews et/ou participations aux talk-shows politiques, nouveau sport national, ils défendent souvent des thèses consensuelles et centristes.
On ne touche pas au Code du statut personnel, à la monogamie et aux acquis des femmes en général, mais on n’interdit pas non plus le port du voile à celles d’entre elles qui le désirent, la liberté n’étant pas divisible, disent-ils.
S’ils admettent du bout des lèvres la nécessaire séparation de l’Etat et de la religion, sans laquelle la démocratie n’est pas concevable, ils s’empressent cependant d’expliquer que la laïcité veut dire aussi que l’Etat n’intervient pas dans les affaires religieuses et s’engage à respecter le culte.
La «turquisation» du système politique tunisien A ceux qui les accusent de vouloir instaurer une dictature religieuse, ils répondent que leur projet est d’abord culturel, social et politique. Et appellent à la rescousse, comme une promesse de bonne conduite, le modèle de l’Akp, le Parti pour la justice et le développement de tendance islamiste au pouvoir à Ankara depuis 2002, et qui a réussi à assurer le décollage économique de la Turquie.
Parmi les chantres de cette «turquisation» du système politique tunisien, on citera, notamment, Rached Ghannouchi, le n° un d’Ennahdha, qui a confié récemment au journal en ligne ‘‘Zaman’’, proche de l’Akp, que les Tunisiens considèrent la Turquie comme un exemple dans sa reconstruction démocratique.
Le leader du parti islamiste tunisien a en effet déclaré: «Pour nous, l’Akp est un modèle». L’ancien professeur de philosophie âgé de 69 ans, qui n’hésite pas à comparer l’idéologie de son parti avec celle de l’Akp, ajoute: «Depuis qu’il est au pouvoir, l’Akp a réconcilié l’islam et la démocratie». «Nous voulons bénéficier de l’expérience turque», conclut-il en annonçant son projet de voyage en Turquie en avril.

Un islam en harmonie avec l’époque contemporaine
Même son de cloche chez Abdelfettah Mourou, qui considère, lui aussi, l’expérience turque en matière de transition démocratique et de modernisation de l’islam comme un modèle. Cheikh Mourou, l’un des leaders historiques d’Ennahdha et ex-numéro 2 du mouvement Ennahdha dont il a démissionné en 1991, précise au même journal en ligne qu’il s’est rendu plusieurs fois en Turquie dans sa jeunesse et qu’il est même retourné à Istanbul pour étudier les œuvres de Said Noursi et Moustafa Sabri Efendi.
 
D’après lui, la philosophie de Said Noursi a permis aux musulmans de Turquie de se développer dans les secteurs économique, social et éducatif. «La Tunisie a besoin d’une pensée islamiste en harmonie avec l’époque contemporaine. Par exemple, il est inacceptable de défendre aujourd’hui la polygamie qui fut pratiquée autrefois sous certaines conditions», a-t-il affirmé. L’islam dans un pays laïc Hamadi Jebali, premier secrétaire général d’Ennahdha, qui a été emprisonné pendant 13 ans sous le régime de Ben Ali, va plus loin en récusant la dénomination d’«islamiste» pour désigner son parti et accepte le modèle d’une  



cependant de nuancer: «La laïcité ne comporte pas qu’une seule définition. Nous n’approuvons pas le modèle français de la laïcité où l’Etat exerce son autorité sur la religion. C’est plutôt un respect de la religion que nous recherchons. Une laïcité qui serait respectueuse des rassemblements de fidèles, des minorités et de la liberté de culte. Cela correspondrait plus particulièrement au modèle anglo-saxon».
Mais s’il récuse les modèles laïques de la France et de la Turquie d’avant l’arrivée de la l’Akp, M. Jebali ne cache pas sa préférence pour le modèle laïque de la Turquie actuelle: «Les réformes démocratiques apportées dernièrement ont permis à la Turquie de bâtir une laïcité plus modérée.» Et de préciser: «Le régime laïc tunisien, que nous venons de quitter était semblable à l’ancien modèle turc. Nous voulons réaliser le même changement que la Turquie a connu avec l’Akp».


Peut-on inscrire la laïcité dans la constitution?Autant les Tunisiens se félicitent de cette évolution idéologique des dirigeants historiques d’Ennahdha, qui promettent de ne pas toucher aux acquis de la modernité tunisienne, fruits de deux siècles de réformisme, autant ils se demandent si Ennahdha, avec son ancienne garde et ses nouveaux loups, va accepter d’aller jusqu’au bout de cette mutation.
La question qui se pose, à cet égard, est la suivante: les leaders d’Ennahdha, qui seront élus à l’Assemblée constituante, accepteraient-ils, par exemple, que la laïcité – c’est-à-dire la séparation de l’Etat et de la religion – soit inscrite dans la nouvelle constitution tunisienne, à l’instar de l’Akp, qui s’est engagé à respecter la laïcité inscrite dans la constitution turque? L’article 2 de la constitution turque de 1982 stipule en effet que «la République de Turquie est un État de droit démocratique, laïque et social, respectueux des droits de l'homme dans un esprit de paix sociale, de solidarité nationale et de justice…».
Les Tunisiens, qui ont appris à ne méfier des discours soporifiques et qui ne font plus confiance à leurs élites, islamistes y compris, ne jugeront pas Ennahdha et les autres partis islamistes autorisés sur leurs déclarations mais sur leurs actes.