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mardi 13 septembre 2011

"La Tunisie peut se transformer en Singapour de l’Afrique"

Face à l’aggravation du chômage en Tunisie, l’initiative privée est présentée comme l’un des principaux vecteurs de l’emploi. Créer son entreprise demeure toutefois une voie semée d’embûches. Une fois le cap franchi, la petite entreprise se retrouve face à de lourdes charges qui en hypothèquent la pérennité.

La situation des petites entreprises et des petits métiers était au centre du Lundi économique, un débat de Radio Kalima et de Gnet. Avec la participation de Lassaâd Ben Romdhane, représentant de l’Agence nationale de l’Emploi et du Travail indépendant (ANETI),  Heykel Khomsi, chef d’entreprise et Mongi Mkadem, économiste. 

L’Agence Nationale pour  l’emploi et le travail indépendant (ANETI) est parmi les organismes qui participent à développer le sens d’initiative chez les jeunes. A travers ses neuf espaces d’initiative, et ses 81 bureaux de travail indépendant, l’agence accompagne les jeunes et leur assure une formation de 20 jours, au cours desquels elle les aide à réaliser l’étude technique et l’étude de marché de leur projet.

Selon Lassaâd Ben Romdhane, tout le monde peut bénéficier de l’assistance de l’ANETI, la seule condition est la volonté et l’envie de créer son entreprise. Sur l’ensemble des bénéficiaires, 38 % arrivent à concrétiser leur projet.

Par définition, la petite entreprise est celle dont le nombre d’employés ne dépasse pas les 10 employés, et  la valeur de l’investissement 100 mille dinars. L’autofinancement reste toutefois la pierre d’achoppement pour les jeunes promoteurs, qui, plus est, n’arrivent pas au bout de leurs peines, une fois le projet créé. Heykel Khomsi, chef d’une petite entreprise opérant dans le secteur des services, déplore les complexités administratives auxquelles se heurte la petite entreprise. Il pointe la CNSS, "cette épée de Damoclès", tout retard de paiement est assorti pénalités, dénonce-t-il. La CNSS n’est pas transparente, elle était à la disposition de l’ancien régime, ses prestations sont dérisoires, indique-t-il jugeant inconcevable que les petites entreprises soient soumises au même régime fiscal que les grandes entreprises. Autre problème, les petites entreprises qui travaillent avec les grandes entreprises de l’Etat sont souvent confrontées à des retards de paiement allant de sept mois à une année…c’est ce qui les empêche d’honorer leurs charges notamment envers la CNSS. Autant d’obstacles qui expliquent le fort taux de renoncement, les petits entrepreneurs jettent l’éponge en cours de route, car à court de moyens.

"L’ANETI n’est pas la seule structure qui existe, et n’a aucun pouvoir sur la CNSS, la BTS…un promoteur peut préparer son projet via l’agence, et la BTS peut ne pas le financer", reconnait le représentant de l’ANETI. Il y a à la fois une interdépendance et un manque de complémentarité entre les structures d’appui et de financement, souligne-t-il, relevant le manque de coordination entre les structures existantes, le manque de suivi, ainsi que l’absence d’une stratégie claire pour promouvoir de travail indépendant et la libre entreprise. Selon ses dires, "la Tunisie dispose d'instruments et d'avantages qui n’existent pas en Europe, mais ils étaient utilisés à des fins politiques…, et n’étaient pas donc efficients". Il appelle à développer une approche locale et une vision globale afin de donner sa chance à la petite entreprise car nous avons des atouts pour transformer la Tunisie en un Singapour de l’Afrique.

Lassaâd Ben Romdhane dit qu’en matière d’autofinancement, des solutions commencent à être mises en œuvre, comme le fait de servir toute la somme de l’indemnité Amal en une seule fois aux jeunes promoteurs, soit 2. 400 dt. Par ailleurs, des fonds commencent à être alloués aux conseils régionaux des gouvernorats pour la promotion de la petite entreprise, et des conventions seront conclues avec les associations de développement local en vue de revoir à la hausse le plafond de financement qui est actuellement de 5 mille dinars.

Heykel Khomsi se préoccupe lui de la situation difficile des petites entreprises en activité. Il propose de ne pas obliger le chef d’une petite entreprise de payer des cotisations au titre de l’employeur à la CNSS, a fortiori que la retraite est dérisoire. Le régime fiscal doit également être revu et corrigé,  il y va de la pérennité de ces petites entreprises qui doivent s’organiser et défendre leurs intérêts dans un syndicat autonome, c’est cela son souhait, dont il est en train d’examiner avec d’autres la concrétisation. 

Commerce, la Tunisie face à une concurrence rude sur le marché libyen

La Libye est le cinquième partenaire commercial de la Tunisie, et son premier partenaire arabe et africain. Sa part dans le commerce extérieur tunisien est de 3,7 %, ce qui équivaut à 1905 millions de dinars, exportations et importations confondues.

Quelque 1100 exportateurs tunisiens travaillent sur la Libye, la valeur annuelle des exportations au cours de ces trois dernières années a été de 1080 millions de dinars. C’est dire l’importance du marché libyen pour la Tunisie. Les répercussions de la guerre libyenne sur l’économie tunisienne a été au centre du Lundi économique, une émission de Radio Kalima et de Gnet, en présence de Lotfi Khedir, directeur de l'observatoire du commerce extérieur, et de Mongi Mkadem, économiste. 

Globalement, au regard d’une conjoncture mondiale erratique, caractérisée par un ralentissement du commerce mondial joint à la conjoncture interne difficile, le volume des exportations tunisiennes a reculé de 27,5 %, dont une baisse importante des exportations des phosphates et dérivés, suite à la baisse de la production destinée à l’export, ce qui constitue un important manque à gagner pour la Tunisie, a fortiori qu’elle est en train de manquer une conjoncture favorable, caractérisée par la hausse des cours du phosphate.

S’agissant de nos exportations vers la Libye, elles ont reculé de 4,2 % sur les premiers 8 mois de l’année 2011, soit un maque à gagner de 27,8 millions de dinars. Excepté les industries agroalimentaires, tous les autres secteurs ont reculé. Nos exportations vers notre voisin du sud sont diversifiées et touchent les industries diverses (38,7 %), l’électromécanique (28,4%), l’agroalimentaire (27 %) et le phosphate (6 %). Nos importations sont dominées par les hydrocarbures, la Tunisie en a importé ces derniers temps de la Turquie.

En matière agroalimentaire, et pour répondre à une forte demande, la Tunisie a augmenté ses exportations vers la Jamahiriya, aux dépens d’autres marchés suédois, belge…"En ce qui concerne les autres types de produits destinés à l’export, certains opérateurs ont pu trouver des solutions de rechange en acheminant leur production vers le Maroc, le Rwanda, le Congo, l’Algérie", fait savoir Lotfi Khedir.

Outre la la marchandise transitant par le circuit formel, la part du commerce parallèle entre la Tunisie et la Libye est extrêmement importante, se transformant en une véritable contrebande pendant la guerre en Libye. Mais, le ministère n’en tienne pas compte, ses chiffres ne concernent que les transactions commerciales déclarées. "Il est difficile de quantifier la part du commerce parallèle", indique Lotfi Kedher annonçant la création d’une unité de gestion par objectifs pour organiser le commerce au niveau de la zone frontalière.

"Maintenant que la situation politique a changé en Libye, avec la chute du régime Kadhafi, quel type de relations économiques veut-on construire entre la Libye et la Tunisie ?" Se demande Mongi Mkadem. "Auparavant, nos relations bilatérales étaient sujettes à l’humeur de Kadhafi, quid de maintenant. Seront-elles toujours régies par l’humeur politique ?", s’interroge-t-il.

Une question à laquelle il est difficile de répondre. La Tunisie semble se préoccuper plus, en l’état actuel des choses, de gérer la situation actuelle que de se projeter dans l’avenir. Lotfi Khedir annonce, néanmoins, que la Tunisie compte consolider sa présence en Libye. "Il faut que l’on tire profit de la proximité et qu’on améliore la qualité de nos produits, car il y a une grande concurrence". La Libye est devenue en effet l’objet de convoitise, en France pour ne citer que cet exemple, Pierre Lellouche, secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, s’est réuni dernièrement avec les membres du MEDEF, et les a incités à profiter du capital de sympathie de la France en Libye et d’exploiter les perspectives d’investissements là-bas. En Tunisie, l’UTICA a ouvert une antenne à Tripoli, et le gouvernement a mis en place un bureau pour la promotion des exportations à Benghazi et n’a pas encore l’intention d’en ouvrir un dans la capitale libyenne ; les actions coordonnées font encore défaut.