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dimanche 25 décembre 2011

Tunisie. Un gouvernement sans programme pour un pays près de la faillite

Dr Ahmed Chebbi écrit – Ennahdha, Al-Moatamar et Ettakatol ont du mal à trouver des points de convergence pouvant constituer un véritable programme économique et social commun.

Au lendemain des premières élections libres organisées en Tunisie depuis 50 ans, une coalition s’est formée dans le but de constituer une majorité lui permettant de diriger le pays. Une coalition hétéroclite dont la durée de vie ne dépasserait pas le temps d’écrire une nouvelle constitution. Il a fallu près de 2 mois à cette coalition pour se mettre d’accord sur le partage des postes ministériels.
Curieusement, cette coalition gouvernementale esquive jusqu’à présent tout débat portant sur son  programme.
A regarder de plus près, on comprend mieux pourquoi cette alliance contre nature évite d’évoquer ce sujet. En dehors des grands slogans communs à tous : création d’emploi, développement régional et incitation à l’investissement, ces partis de la «Troïka» (Ennahdha, Al-Moatamar, Ettakatol) ont des difficultés à trouver des points de convergence pouvant constituer un véritable programme économique et social commun.
Ennahdha : un libéralisme… poétique  
Pour Ennahdha, le libéralisme est de mise. Le parti semble avoir une «vision claire» de ce que sera la Tunisie en 2016 avec des prévisions pour le moins optimistes, telles qu’«un taux de croissance annuel moyen de 7% sur toute la période 2012/2016», «un taux d’investissement de 31% du Pib en 2016», «un taux d’inflation dans la limite de 3% en 2016», et la création de «590.000 emplois au cours du prochain quinquennat» dont 400.000 emplois rien que pour 2012, selon les propos récents de Noureddine Bhiri, nouveau ministre de la Justice (sic !). Ces propos sont d’autant plus étonnants que ce chiffre serait atteint avec une prévision de croissance de 5% seulement.
Un tel programme «miraculeux» devrait inspirer des pays en faillite tels que la Grèce ou l’Italie. Sauf que les prévisions c’est bien, mais les mesures concrètes pour les atteindre c’est encore mieux.
Sur ce volet-là, Ennahdha est bien plus évasif et bien moins enclin à parler en termes de chiffres et de pourcentages. Le parti se contente de mentionner des mesures vagues telles que «revoir les dispositions du code d’incitation aux investissements dans le cadre d’une démarche de contractualisation qui lie l’octroi des avantages fiscaux à l’atteinte des objectifs économiques et sociaux». Tout lecteur attentif notera aussi un ton presque «poétique» pour traiter de sujets qui ne le sont pas : «revivifier le modèle de développement humain en puisant dans les valeurs authentiques de l’héritage culturel et civilisationnel de la société tunisienne et de son identité arabo musulmane. Ces valeurs qui prônent l’effort et l’excellence dans l’accomplissement du travail ; qui valorisent la créativité et l’esprit d’initiative ; qui récompensent les créateurs et favorisent l’entraide et la solidarité sociale».
Ceci sera-t-il suffisant pour réduire le chômage à 8,5% à l’horizon 2016, comme le propose Ennahdha ? Il est difficile de croire que 200 experts ont travaillé jours et nuits pendant des mois (d’après Ennahdha) pour aboutir à un tel programme.
Ettakatol : retour à l’Etat-providence
Ettakatol, de son côté, nous annonce l’Etat-providence. Le parti opte ainsi pour un retour aux valeurs fondatrices d’un socialisme qui a partout montré ses limites.
L’objectif phare du programme d’Ettakatol est la création de «100.000 emplois valorisants dans le service public». Alors que tous les voyants de l’économie nationale sont au rouge, il est difficile d’admettre qu’un pays comme la Tunisie, pays où un sureffectif dans les institutions de l’Etat a été mis à l’index par plusieurs études, peut se permettre de garnir encore plus les rangs du secteur public. Cette approche contribuera non seulement à freiner la modernisation de l’administration, mais servira aussi à masquer les lacunes du secteur privé qui peine à jouer son rôle dans la création d’emplois.
Une telle politique représente ni plus ni moins une bombe à retardement pour les futurs gouvernements. En effet, toutes mesures futures qui viseraient à réduire le nombre de fonctionnaires de l’Etat seraient impopulaires et engendreraient des blocages socio-économiques.
Comme pour Ennahdha, Ettakatol n’explique pas dans le détail quels seront les moyens mis en œuvre pour appliquer sa politique.
Cpr : des promesses populistes en guise de programme
Quant au Cpr (ou Al-Moatamar), c’est le flou total. Ce parti pan-arabisant a tout misé sur la soif de changement politique des Tunisiens. Il a ainsi récupéré leur colère et a bâti son image sur l’idée forte de rompre radicalement avec l’ère Ben Ali. Le Cpr a tout de même pris la peine de publier un programme économique qui n’a rien à envier à ses alliés en termes d’objectifs honorables : primauté à la justice sociale. Ce programme n’a aussi rien à envier à ses alliés en termes de lacunes flagrantes et d’absence de précisions.
Marzouki n’a jamais cessé de répéter que la Tunisie n’a nullement besoin d’emprunter. Selon le président intérimaire, nous pouvons compter sur la générosité des Tunisiennes, qui sont invitées à «épargner leurs bijoux», sur l’aide d’un voisin libyen aussi instable qu’imprévisible, et sur le rapatriement de l’argent du clan déchu (qui risque de durer des années).
Deux faits très révélateurs nous permettent de mieux comprendre la méthode de travail du Cpr dans ce domaine : les candidats aux portefeuilles ministériels alloués au Cpr ont été auditionnés un à un pour connaitre leurs intentions s’ils venaient à être choisis, alors que les programmes sont généralement établis par le parti et appliqués par les ministres. Par ailleurs, une partie du programme économique du parti a été plagiée sur un article de presse indépendante (le Cpr a vite fait de publier des excuses à l’auteur de l’article).
Le seul point commun à ces programmes semble être des promesses populistes qui furent utiles lors de la campagne électorale. En attendant, le pays est au bord de la faillite et la coalition gouvernementale formée depuis plus de 2 mois n‘a toujours pas indiqué son programme aux Tunisiens et aux investisseurs étrangers. Aucun membre de la «Troïka» n’est actuellement en mesure d’expliquer au peuple qui lui a fait confiance ce que compte faire cette coalition dans le domaine fiscal, économique, industriel, etc.
Le discours du Premier ministre, jeudi, lors de la présentation du gouvernement, n’a contenu aucune mesure concrète, aucun schéma de financement clair. Rien que des annonces d’intentions.

Les pays du Golfe font-ils la loi en Tunisie?

Pressenti pour le poste, Khayam Turki ne sera pas le ministre des Finances du nouveau gouvernement tunisien. Parce qu'il déplaisait aux pays du Golfe?

Khayam Turki, le conseiller politique le plus écouté de Mustapha Ben Jaafar (leader du parti Ettakatol), ne sera pas le ministre des Finances du nouveau gouvernement tunisien. Son nom a été retiré de la liste de 41 ministres et secrétaires d’Etat soumise par le Premier ministre Hamadi Jebali au président Moncef Marzouki. Ce fils de diplomate polyglotte de 46 ans, diplômé de HEC Carthage, de Sciences Po Paris et de la prestigieuse université américaine du Caire avait pourtant les compétences et le profil idoines pour occuper ce poste très sensible, alors que l’économie tunisienne, fragilisée par l’onde de choc de la Révolution, voit ses perspectives se dégrader et doit affronter la défiance des investisseurs étrangers.
Turki, qui avait débuté sa carrière en Egypte, comme directeur financier chez Spie Batignolles, qu’il avait poursuivie à la City de Londres, et qui avait travaillé pour des fonds d’investissements arabes et internationaux, s’était investi dans l’action politique au lendemain de la Révolution, en rejoignant Ettakatol, la formation d’obédience social-démocrate dirigée par Mustapha Ben Jaafar, un ancien opposant à Ben Ali. Il avait mis ses talents d’organisateur, son entregent et son chéquier au service du parti. Il avait su très vite se rendre indispensable et avait intégré le premier cercle, suscitant, au passage, l’irritation de la vieille garde.

Un des candidats les plus en vue

Il était, aux côtés d’Elyes Fakhfakh, de Samy Razgallah, de Sami Bahri, de Mourad Ben Mahmoud et de Lobna Jeribi, l’un des représentants les plus en vue de la génération des «quadras», un des symboles, aussi, du renouvellement du parti. Homme de l’ombre, il avait assumé la direction de la campagne des élections du 23 octobre, et avait été un des plus actifs théoriciens de la participation d’Ettakatol au «gouvernement d’intérêt national» aux côtés des islamistes d’Ennahda et du CPR de Moncef Marzouki. C’est d’ailleurs lui qui avait négocié, pour le compte de sa formation, les contours de l’alliance tripartite, au cours des semaines qui ont suivi l’annonce des résultats du scrutin.
Tenue pour acquise, sa désignation aux Finances avait fuité dans la presse et n’avait soulevé ni opposition, ni réserves. Mais, le lundi 19 décembre, alors que Hamadi Jebali, au terme de plusieurs semaines de tractations, s’apprêtait à rendre publique la liste définitive de ses ministres, c’est le coup de théâtre: il annonce un report de 24 heures, et rejette la responsabilité sur Ettakatol, dont l’un des candidats pressentis se serait désisté. Interrogé à la télévision Khlil Ezzaouia, le numéro deux de la formation social-démocrate, confirme d’abord sans donner plus de détails.

Veto catégorique des Emirats Arabes Unis?

Une folle rumeur commence à se propager dans les salles de rédaction, et le site Businessnews dévoile le pot-aux roses: une partie étrangère, en l’occurrence le gouvernement des Emirats Arabes Unis, aurait opposé un veto catégorique à la nomination de Khayam Turki. Et Jebali puis Ben Jaafar auraient cédé au diktat étranger pour ne pas compromettre les relations de la Tunisie avec ce partenaire stratégique, qui a prévu d’investir plusieurs milliards de dollars dans des grands projets immobiliers, gelés depuis des années. La raison avancée par les Emiratis serait un litige commercial et financier. Turki a travaillé en 2008 en Algérie, pour EIIC (Emirates International Investment Company), filiale du puissant groupe dubaïote Emaar, comme directeur général de la Société des parcs d’Alger, chargée notamment de réaliser le pharaonique projet Donya Park, un investissement de 5 milliards de dollars (le chantier n’a pas abouti). Il a quitté cette société en mauvais termes. Ses anciens employeurs l’accusent de diverses malversations. Ils ont mandaté un cabinet d’avocats tunisien, le cabinet Bousayenne-Knani-Houerbi, pour les représenter en Tunisie. Officiellement, c’est ce cabinet —et non le ministre de l’Intérieur des Emirats— qui serait intervenu auprès de Hamadi Jebali pour le dissuader d’engager Turki au gouvernement.
Khayam Turki, meurtri, ayant choisi de se murer dans le silence et de ne pas commenter, de nombreuses questions demeurent en suspens. Est-il victime ou fautif? A-t-il simplement fait les frais de l’application «du principe de précaution», ou y-a-t-il eu ingérence étrangère caractérisée dans la composition du gouvernement tunisien? Difficile d’en savoir plus pour l’instant. Une chose est sûre: la communication des dirigeants d’Ettakatol a été désastreuse de bout en bout. Fidèle à son habitude, Mustapha Ben Jaafar n’a fait aucune déclaration.
Mandaté pour éteindre l’incendie, Khil Ezzaouia a tenté de noyer le poisson en déclarant dans un premier temps que le désistement de Khayam Turki était motivé par des raisons strictement personnelles, et que ce dernier avait décliné le portefeuille de ministre parce qu’il avait été approché par une entreprise étrangère qui lui avait proposé un salaire de 30.000 dinars mensuels nets, soit plus de 15.000 euros. A l’inverse, Khemaïs Ksila, un des élus du parti à la Constituante, s’est étonné que personne ne soit monté au créneau pour défendre l’intégrité de Mr Turki, victime, selon lui, d’une campagne de dénigrement orchestrée. Il a stigmatisé la pusillanimité de la direction d’Ettakatol, qui préfère sacrifier sans jugement une figure du mouvement plutôt que de risquer «l’incident diplomatique» avec Ennahda et avec les Emirats. Enfin, pour corser le tout, Mohamed Bennour, le porte-parole du parti, a accusé «des forces occultes à la solde de l’ancien régime de semer la zizanie dans les rangs, dans l’espoir de saborder la coalition avec Ennahda». Ambiance, ambiance…

Collusion entre les nouvelles autorités tunisiennes et les pays du Golfe

Une chose est sûre en attendant: l’affaire fait désordre et risque de donner corps aux soupçons de collusion entre les nouvelles autorités tunisiennes et les pays du Golfe. La proximité d’Ennahda avec le Qatar, que de nombreux partis à Tunis accusent d'avoir généreusement contribué au financement de sa campagne, n’est un secret pour personne.
Rafik Ben Abdesselam Bouchleka, le nouveau ministre des Affaires étrangères, qui se trouve être le gendre de Rached Ghannouchi, fondateur et leader emblématique d’Ennahda, a effectué l’essentiel de sa carrière dans le petit émirat gazier, et occupait encore, il y a peu, le poste de directeur du centre d’études d’Al Jazeera. La Tunisie, sortie de l’orbite occidentale dans laquelle Ben Ali l’avait enfermée, serait-elle en train de passer sous la coupe des pays du Golfe, et de devenir un nouveau protectorat?

Rafik Abdesslam représentant de Qatar dans un congrès de l’OTAN !

Monsieur Mondher BelHaj Ali, professeur en droit, sur la chaîne Nessma, a présenté des documents pourtant publics, dans lesquels on découvre que, du 08/02/2010 au 09/02/2010, lors du congrès de l’OTAN (Organisation TransAtlantique du Nord) concernant l’initiative de coopération d’Istanbul, l’actuel ministre des affaires étrangères monsieur Rafik Abdesselam Bouchlaka représentait l’état de Qatar en tant président du centre d’Aljazeera pour les études et les recherches.
Cette nouvelle a choqué l’opinion publique si bien qu’on voit déjà des internautes, sur Facebook,  qui expriment leur protestation et menacent même de manifester contre l’actuel ministre.
Vous pouvez consulter le document présenté par monsieur BelHaj Ali en cliquant sur ce lien :

http://www.qatar-conferences.org/nato2010/arabic/List-A1.pdf