Lâchée depuis quelques mois par les TO et par les touristes étrangers, la Tunisie le serait-elle aussi par ses propres enfants qui résident à l’étranger ? Si oui, elle ne finit donc pas de s’enfoncer dans la crise touristique. Les premières statistiques, élaborées par l’Office des Tunisiens à l’étranger (OTE), montrent qu’une baisse de 20% a été enregistrée au niveau des réservations de retour des Tunisiens résidant à l’étranger, pour les vacances d’été, indique l’agence officielle d’information Tap dans un entretien avec Frej Souissi, DG de l’office des TRE (Tunisiens résidents à l’étranger). Cette défection, le Directeur général de l’Office, l’explique par «la situation sécuritaire dans le pays ».
Avant cela, et dès les trois premiers de la Révolution, le Gouverneur de la BCT (Banque Centrale de Tunisie), avouait ne rien comprendre à la baisse de plus de 5 % des transferts d’argents des TRE en Tunisie, et jusqu’au 10 juin, les transferts en liquide étaient en baisse de 9.1 % ! L’impact de cette baisse des transferts est à chercher dans les réserves en devises et, plus largement, dans le déficit de la balance des paiements.
Ces deux chiffres, celui de la baisse de fréquentation et celui de la baisse des transferts, notamment en argent liquide, de la diaspora tunisienne, vers leur pays d’origine, veulent-ils dire que la Tunisie ne fait même plus recette chez ses propres enfants ? Est-il vrai, comme l’affirme le DG de l’OTE, que les Tunisiens ont peur alors qu’ils devraient donner l’exemple, par leur retour massif, aux étrangers que la situation se normalise et qu’il n’y a pas lieu de paniquer ?
Qui sont ces TRE ?
Les Tunisiens de l’étranger ou la diaspora étaient, jusqu’à fin 2010, au nombre de 1 million 146 mille 300 dans le monde. La grande majorité se trouve bien sûr en Europe (950 mille) et notamment en France qui accueillait 600 mille Tunisiens, loin devant l’Italie (160 mille dont 60 mille à Milan qui abrite la plus grande agglomération de TRE) ou l’Allemagne (130 mille) ou le Portugal avec la plus petite communauté (160 personnes) de Tunisiens en Europe. La seconde grosse communauté de Tunisien à l’étranger se trouve au Moyen-Orient et compte 160 mille personnes. Mais les Tunisiens sont aussi en Suisse (13500), en Asie de l’Est (1500 personnes), en Afrique (1300) et même en Australie (700 personnes). En France qui accueille 53,8 % des TRE, ils sont notamment à Paris (188055 personnes), à Pantin (17,43%), à Marseille (13,79%) et à Nice (12,94 % des 950 mille TRE en France).
Toujours en France, les TRE, c’est 63 % d’hommes, à 48 % ouvriers, seulement 4 % de cadres, 6 % en professions libérales, 21 % étudiants et surtout 21 % … chômeurs ! Ce chiffre ne comprend bien sûr pas, les chômeurs «Harragas» de l’après Révolution. Les TRE en Italie sont à 83,6 % de simples ouvriers, très peu de cadres (1,9 %) et même chômeurs (11,7 %). Presque la même configuration en Allemagne où les TRE sont à 66,8 % de simples ouvriers et à 18,7 % des chômeurs. Statistiquement, le TRE type est une personne qui rentre une fois l’an dans le pays dans 39,3 % des cas, dont le séjour varie entre 15 et 30 jours pour 46 % d’entre eux.
Jusqu’à 2009, selon les chiffres de l’OTE, la courbe des transferts d’argent des TRE était en hausse (même si la conversion en DT et l’effet de la dépréciation DT/Euro donne plutôt une stagnation) et culminait, cette année-là, à 2653 MDT. Pendant 22 années, de 1988 à 2009, ces transferts étaient toujours en hausse, avec un pic de 22,3 % en 2001, selon des chiffres récemment présentés par Sigma Conseil.
Les Tunisiens de France envoient le moins.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce ne sont pas les TRE de France ou même de l’Europe qui envoient le plus d’argent en Tunisie, mais ceux de l’Arabie Saoudite. Le transfert annuel moyen de ces derniers était évalué en 2009, à 4924 DT, contre 4657 DT des TRE d’Allemagne, 2336 DT de ceux d’Italie et seulement 2123 DT par an des TRE de France. A noter aussi que les TRE n’envoient pas que de l’argent liquide, mais aussi des envois en nature. Les envois sont dans une proportion moyenne de 70 % en argent et 30 % en nature.
La participation des TRE à l’économie tunisienne, celle de leur pays d’origine celui où ils finissent généralement, comme le saumon, par revenir, est aussi en projets. Peu, 19,3 %, reviennent pour monter des projets industriels et créateurs d’emplois et 30 % choisissent l’agriculture. En grande majorité, plus de 50,5 % reviennent ou envoient de l’argent pour monter de petits projets dans le secteur des services. Tous ces projets se caractérisent par une faible intensité capitalistique et une taille réduite (8 emplois par projet dans l’industrie, 3 pour les services, et 2 pour l’agriculture). L’investissement immobilier est aussi largement prépondérant.
La contribution des TRE à l’effort d’investissement national n’a pas dépassé 0.5%. Ceci est largement dû au manque d’informations sur les opportunités d’investissement, les difficultés liées aux démarches administratives et l’accès au crédit.
Par ailleurs, la répartition régionale des investissements réalisés indique une préférence nette pour le Grand Tunis et les régions côtières, c’est-à-dire pour les zones les plus favorisées et les plus développées du pays.
Les transferts des Tunisiens résidant à l’étranger (TRE) ont, contre toute attente, régressé, se déclinant dans une baisse de 12% soit 530 MDT sur les trois premiers mois de l’année 2011 et de 9,1 % jusqu’à juin, en argent liquide.
2011 signe ainsi la première baisse de ces transferts depuis 23 années. Que s’est-il passé pour que cela baisse ? Les TRE seraient-ils mécontents de la Révolutions pour baisser si soudainement leur contribution à l’économie de leur pays ? L’OTE, le ministère des Affaires étrangères et la BCT ont-ils cherché à savoir les raisons de cette baisse pour trouver les solutions et les incitations à accorder à cette diaspora ?