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vendredi 9 septembre 2011

A qui profite la révolution en Tunisie?

Le régime s’est effondré le 14 janvier 2011. L’ancien président a pris la fuite. Sa famille a essayé de faire de même, mais sans succès. Tout le paysage a changé sur le plan politique, économique, social et culturel. Le pays a connu des manifestations, des sit-in, des grèves, des guerres tribales, des occupations illégales d’espaces et d’installations publics, des jugements de malfaiteurs, de corrompus et de criminels, des prières sur la voie publique, des vols, des incendies, des règlements de compte, etc. La liste est longue et il n’est pas ici question d'énumérer tous les changements.
Mais depuis le 14 janvier comment les Tunisiens ont-ils réagi face à ces évènements ? Est-ce que leurs attentes et besoins ont été satisfaits ? Qui a profité de la révolution et qui en est sorti perdant?
La longue liste des bénéficiaires Parmi les bénéficiaires figurent les partis politiques. Déjà 110 partis ont obtenu leur autorisation. Dans cette catégorie figure particulièrement Ennahdha qui cherche par tous les moyens à s’accaparer du pouvoir au sein de la Constituante et qui au nom de l’Islam et du sacré cherche à étouffer les libertés de croyance et de création et à dessiner un projet sociétal rétrograde. Son idéologie semble gagner du terrain. Ses partisans se font de plus en plus intolérants vis-à-vis de la femme moderne, de sa tenue vestimentaire, du non-respect du jeûne. Les mosquées sont devenues le lieu de propagande par excellence. Des imams, qui critiquent les positions du gouvernement, se font l’écho des débats houleux de télévision, attaquent des penseurs – parce qu’ils ont une interprétation différente du Coran, nous dictent leurs interprétations et leurs visions réductrices, etc., au risque de faire fuir les musulmans de leurs prêches du vendredi. Tout est tabou aux yeux des Ennahdhaouis et leur double langage continue de créer la confusion et le doute auprès des Tunisiens.
Les anciens Rcdistes, pour leur part, essaient de se refaire une virginité sans avoir pris la peine de faire leur mea culpa. Ils ont été évincés par la porte et les voilà qui reviennent, au grand dam des autres partis, par la fenêtre sous forme de plusieurs partis.
Profitant de l’inexistence de réglementation en matière de financement de partis politiques et de publicité politique, certains partis se sont permis d’entamer leurs campagnes avant le délai officiel. Beaucoup d’argent, d’origine douteuse, a été dépensé dans ce sens. Tous les moyens sont bons pour mobiliser les supporters et les adhérents : aides financières aux nouveaux mariés fauchés, aides financières aux pauvres démunis, aides sous forme de vivres aux familles des quartiers populaires, prises en charge des factures de la Sonede et de la Steg et des crédits de l’épicier du coin. Je me demande si les divorces seront un jour pris en charge. L’important est d’obliger le bénéficiaire à se rappeler du nom du parti politique pour lequel il va voter.
La plupart des partis ont cautionné d’une façon ou d’une autre à l’échelle individuelle ou collective les grèves, les sit-in, les blocages de routes, les interruptions volontaires des meetings, les prières sur la voie publique : leur souci étant de ne pas perdre de sympathisants potentiels.
Les indépendants ont eux aussi profité de la révolution. Jadis incognitos pour la majorité des Tunisiens, ils occupent maintenant les plateaux de télévision. Ceux sont les académiciens, les juristes, les avocats, les magistrats, les penseurs. Ils défilent à tour de rôle pour faire passer des messages et des informations que le commun des Tunisiens n’arrive pas à comprendre. Ils se sont érigés en défenseurs de la révolution et de la démocratie. Ils se disent des défenseurs des droits de l’homme, ayant passé une tranche de leur vie dans les prisons en raison de leurs convictions et positions politiques vis-à-vis de l’ancien régime. Je ne serais pas surpris de les voir tous sur les listes des candidats à l’Assemblée constituante.
Au troisième rang figurent les journalistes. Jadis muselés et privés de liberté d’expression, ils brillent aujourd’hui par leurs articles souvent infondés. Ils osent reprocher au Premier ministre sa façon de s’exprimer et de choisir les termes de ses discours. A ma connaissance, trois journalistes seulement ont eu le courage de demander le pardon à leurs lecteurs pour les 23 ans de journalisme pro-régime. La révolution permettra la parution d’autres journaux et magazines.
Viennent ensuite les travailleurs. Ils ont déjà trois syndicats nationaux. Le choix est plus aisé pour eux en fonction de l’efficacité et de la représentativité. Les occasionnels ont été titularisés. Les grévistes et sit-inneurs ont vu la plupart de leurs revendications satisfaites, en dépit de la précarité de la conjoncture économique par laquelle le pays passe. Il s’agissait pour eux d’obtenir le maximum de profit quelle que soit son incidence financière et son impact sur la pérennité de leurs institutions.
Les agents de l’ordre public ont également tiré profit de la révolution. D’une part, ils ont eu des augmentations salariales suite à leurs grèves et protestations. D’autre part, ils se sont solidarisés avec leurs collègues inculpés de meurtre lors des émeutes. Ils osent libérer leurs collègues et se permettent de s’introduire dans les locaux des ministres par la force et démettre leurs supérieurs de leurs fonctions. Ils risquent de perdre leurs syndicats suite à leur rébellion et d’entraver la réconciliation tant souhaitée par tous.
L’armée nationale, quant à elle, a beaucoup gagné en termes d’image. Son refus de mater la révolution et ses multiples interventions pour défendre le territoire tunisien, gérer les flux des réfugiés et protéger les vies humaines ainsi que les institutions ont été très appréciés par le peuple. La révolution doit beaucoup à la neutralité et au patriotisme dont l’armée a fait preuve.
Les avocats font également partie du lot. Ils ont pu, malgré les protestations des magistrats, des huissiers notaires, des experts comptables et des fiscalistes faire passer un nouveau texte organisant leurs activités. Certains avocats ont gagné en notoriété en acceptant de défendre les membres de la famille du président déchu. Des avocats ont pu convaincre les magistrats d'interdire l’accès aux sites dits immoraux au grand dam des défenseurs des libertés. Ils ont également fait engager des poursuites contre des créateurs artistes au nom du respect du sacré. Ils se sont érigés en défenseurs de la moralité.
Le commerce anarchique s’est propagé à l’échelle du pays d’une façon jamais vue. Des étals se sont organisés un peu partout dans les villes proposant des articles non contrôlés et de qualité et provenance douteuses, nuisant à la santé des consommateurs et au commerce. Ce qui compte c’est de gagner de l’argent au détriment de l’environnement, de la qualité et du commerce loyal. Gare à celui qui ose protester contre cette invasion.
Les chaînes de télévision et de radio ont également profité de la révolution. Elles ont pu remplir leur temps d’émissions par des programmes politiques. Les débats politiques se succèdent et se diversifient régulièrement. On a l’impression qu’elles entendent accompagner la révolution jusqu’à la transition démocratique. Deux chaînes de télévision nous ont présenté deux visions différentes de l’islam : la classique et la moderne. En outre, les chaînes de radio et de télé font des recettes supplémentaires grâce à la publicité politique. Une chaîne semble exploiter ses antennes pour promouvoir l’image de son patron pour un éventuel poste politique de haut rang. D’autres chaînes de télévision et de radio verront le jour très prochainement.
Grâce à la révolution le peuple tunisien est devenu libre et politisé. Les débats et les avis sur des questions politiques sont déjà chose courante. On ose critiquer les politiciens, les policiers, les responsables de la fonction publique, etc. On se permet même de proférer des mots obscènes à l’encontre d’autrui sur les réseaux de Facebook. On étale même sur les quotidiens leur doute quant à l’état de santé de nos dirigeants politiques et de leur capacité à diriger le pays.
Le revers de la médaille
Le plus grand problème auquel les Tunisiens font face depuis la révolution c’est l’insécurité. Ils ont peur pour leurs vies et leurs biens. Les braquages, les vols, les viols, les actes de pyromanie, les saccages, les violences, les guéguerres tribales, les attaques perpétrées par des islamistes, etc., sont autant de menaces pour le citoyen, ce qui l’a obligé à se doter d’armes de défense artisanales pour se protéger en cas de besoin.
Le chômage s’est accentué avec l’avènement de la révolution. Les grèves, les sit in, les fermetures des usines et la fuite des investisseurs sont à l’origine de l’accroissement du nombre de chômeurs. Les régions intérieures sont les plus touchées. Un mécontentement général y règne et favorise malheureusement les conflits subjectifs et infondés entre les différents tribus/quartiers.
L’économie a subi de son côté les effets négatifs de la révolution en dépit des efforts du gouvernement. Celui-ci est constamment critiqué par les partis politiques. Pourtant, ceux-ci n’ont pas d’alternatives et leur seul souci est d’élever leur voix pour se faire entendre et influencer l’électorat. Le taux de croissance est à son plus bas niveau atteignant un seuil critique. Le soutien au gouvernement tarde à venir. Les touristes européens et algériens n’ont pas voulu passer leurs vacances en Tunisie en raison de la situation sécuritaire précaire. Nos belles plages demeurent désertes. Les boutiques d’artisanat sont vides. Les hôtels cherchent à séduire une clientèle locale avec des offres «alléchantes». La situation de guerre en Libye a favorisé l’augmentation des prix de certains produits. Les spéculateurs et les grandes surfaces imposent leurs prix. La vie est devenue plus chère. Le commerce a été fortement touché en raison de la réticence des acheteurs, de l’arrêt de production de certains produits et de la concurrence déloyale du commerce parallèle.
L’environnement n’a pas échappé aux effets dévastateurs de la révolution. Les constructions anarchiques et illégales ont poussé un peu partout faute de contrôle municipal. Les forêts, y compris, les oasis n’ont pas été épargnées par les actes de vandalisme et de pyromanie. Le fait que quinze feux se déclarent au même moment ne peut être une pure coïncidence.
Bref, on a tout vu. Tout est permis au nom de la révolution et tous se sont érigés en protecteurs de la révolution. Chacun de nous tire sur tout ce qui bouge.
Conséquences futures de la révolution
La révolution a engendré un paysage très varié. La liste des bénéficiaires et des perdants n’est point exhaustive. L’espoir est que cette révolution n’ait pas d’autres aspects négatifs sur le pays. Les sit-in, les grèves, les manifestations non réglementées et non encadrées, les blocages des routes, les incendies des établissements et des forêts, le vandalisme, le manque de civisme, le non-respect de l’avis contraire et de la liberté d’expression, l’égoïsme, etc., devraient cesser.
Les résultats positifs escomptés de la révolution sont la stabilité, la paix, le bien-être, la sécurité, la dignité, la liberté, l’égalité, la légalité et la démocratie. Ce sont là les objectifs de la révolution pour lesquels des centaines de martyrs se sont sacrifiés et pour lesquels des Tunisiens ont combattu durant des décennies faisant fi de tous les dangers et de toutes les menaces des détenteurs de pouvoir. Il est de notre devoir, à tous, d’œuvrer pour réaliser ces objectifs pour que notre pays demeure un pays de liberté, de tolérance, d’ouverture, de solidarité et d’amitié tel que connu à travers ses 30 siècles d’histoire.

Tunisie. Afflux de candidats à la Constituante

Dans un contexte social et sécuritaire préoccupant, 105 partis politiques ont déposé près de 500 listes de candidats pour l’élection de l’Assemblée constituante du 23 octobre.
L’inquiétude grandit en Tunisie à moins d’un mois et demi de l’élection de l’Assemblée constituante, fixée au 23 octobre. Le dépôt des listes de candidatures s’étant achevé hier – plus de 500 listes présentées par plus d’une centaine de partis agréés –, l’instance supérieure pour les élections (Isie) aura quatre jours pour valider les candidatures avant de les rendre publiques, le 12 septembre. En revanche, l’enregistrement sur les listes électorales accuse un certain retard. Selon son président, Kamel Jendoubi, seulement 3,8 millions de personnes se sont enregistrées sur les 7 millions d’électeurs que compte la Tunisie.
Le nombre impressionnant de partis légalisés – 105 sur 145 ayant demandé leur agrément – a de quoi donner le tournis à cette majorité de Tunisiens qui n’ont connu, durant près de cinquante ans, qu’un seul parti, le Néo-Destour qui s’est transformé en Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) au pouvoir. Les quelques partis plus ou moins tolérés – huit en tout – par l’ex-président Ben Ali quand ils n’étaient pas réprimés, à qui il était contraint de concéder quelques sièges au Parlement, n’existaient que pour justifier aux yeux des partenaires occidentaux de la Tunisie un pluralisme politique qui n’en était que la caricature.
brouiller les pistes
Aujourd’hui, de nombreux Tunisiens se demandent si cette multiplicité de partis politiques, dont la plupart n’ont d’existence que sur le papier, ne répond pas à un souci de brouiller les pistes, voire de discréditer à terme un processus démocratique encore en construction. Et cela même s’ils sont également nombreux ceux qui estiment qu’une bonne partie de ces formations disparaîtront au lendemain des premières élections législatives réellement pluralistes de l’histoire de la Tunisie.
Plus préoccupante pour les partis démocrates et progressistes, à savoir ceux qui ont été en pointe contre la dictature de Ben Ali, est la situation socio-économique. Le secteur du tourisme, qui fait vivre près de 3 millions de personnes, a connu une saison catastrophique. À peine 2,7 millions de touristes, dont une partie de binationaux, au lieu des 4,5 millions enregistrés en 2010, soit une baisse de plus de 46 %. La chute des recettes a été du même ordre. Dans les autres secteurs, en plus des entreprises étrangères qui ont fermé, estimant « exorbitantes » les revalorisations de salaires de 150 euros à 200 euros par mois, l’activité industrielle et commerciale est marquée par un certain ralentissement, alors que le taux de chômage est d’environ 20 % et touche une majorité de diplômés universitaires (plus de 100 000 jeunes). Et cela sans compter une hausse des prix des denrées de base. Le tout sur fond d’une dette extérieure estimée à 20 milliards d’euros à fin 2011, soit la moitié du PIB (44 milliards d’euros) et d’une balance commerciale négative. Et pour ne rien arranger, la Tunisie est sous la menace d’une baisse de sa note par les agences de notation.
Qui plus est, la Tunisie, qui a fait état d’un besoin de 25 milliards de dollars, lors du sommet du G8, est toujours en attente de l’aide promise. Dans cette situation, le parti islamiste Ennahda, grâce à l’argent en provenance des pays du Golfe, en profite pour avancer ses pions en multipliant toutes sortes d’aides – aide sociale, aide et fournitures scolaires, soins gratuits, prêts gratuits – en direction des pauvres, et cela tout en promettant de sortir la Tunisie du marasme social dans laquelle elle se trouve.

Tunisie. Caïd Essebsi brandit l’état d’urgence

Mardi, le premier ministre tunisien a conditionné la réussite des élections au « rétablissement de la sécurité ». Il promet des mesures sécuritaires « fermes ».
Les violences qui secouent les régions déshéritées du centre et du sud-ouest de la Tunisie offrent au premier ministre de transition, Béji Caïd Essebsi, un prétexte tout trouvé pour justifier, à un mois et demi des élections, un nouveau tour de vis sécuritaire et répressif. Mardi, avec son habituelle brutalité verbale, Essebsi a promis une application stricte de l’état d’urgence sous lequel le pays est placé, de décret en décret, depuis le 14 janvier. Une décision commandée, selon lui, par les récents affrontements entre clans rivaux à Metlaoui, une ville du bassin minier, à Sbeïtla, dans le centre ouest, et à Douz, dans le Sud-Ouest. Ces violences ont fait au moins deux morts et plusieurs dizaines de blessés. Les villes concernées vivent désormais au rythme du couvre-feu nocturne. À Sidi Bouzid, berceau de la révolution, règne aussi une atmosphère délétère. Au point que les habitants ont expulsé, mardi, le chef de district de la garde nationale, jugé « incapable de rétablir la sécurité ».
Mais, avec les mesures sécuritaires annoncées, le premier ministre tunisien espère surtout bâillonner les protestations sociales, qui n’ont pas connu de trêve depuis le 14 janvier. L’état d’urgence interdit « toutes les manifestations, toutes les grèves et toutes les réunions qui peuvent toucher à la sécurité du pays », a martelé Caïd Essebsi, en menaçant d’assignation à résidence « toute personne connue pour des activités intérieures touchant à la sécurité intérieure ». Le gouvernement « ne tolérera pas les pratiques qui paralysent le quotidien des Tunisiens », a-t-il conclu, presque dans les mêmes termes que le 8 mai, lorsqu’une opportune vague de violences, suivie d’un ressac répressif, avait préparé le terrain au report des élections, initialement prévues le 24 juillet. Toujours au nom du rétablissement de la sécurité, le chef du gouvernement de transition a décrété l’interdiction de toute activité syndicale des forces de l’ordre. Plusieurs centaines de policiers manifestaient au même moment sous ses fenêtres, place de la Casbah, à Tunis, pour réclamer la démission du ministre de l’Intérieur et du chef d’état-major de l’armée tunisienne, qu’ils accusent d’être à l’origine des troubles et de la recrudescence de violence. Pour Caïd Essebsi, cette initiative relève d’un intolérable « appel à l’insurrection ».

mercredi 7 septembre 2011

Tunisie. La police s’insurge contre… le gouvernement


Mardi, une foule de protestataires a envahi l’esplanade de la Kasbah et chanté l’hymne national une dizaine de fois. Mais le refrain révolutionnaire de la journée était le mot «Dégage» qui a refait surface. Reportage de Zohra Abid
Cette fois-ci, pour une fois, il n’y a ni insultes ni coups de matraque. Ni gaz lacrymogène. Et pour cause. On ne cogne pas sur les collègues. On n’ose même pas les disperser. On leur parle presque tendrement. Et c’est la force qui a gagné : vers midi, les fils de barbelés ont été évacués de l’enceinte de la Place du gouvernement et le siège du Premier ministère a été pris d’assaut. Juste au moment où Beji Caïd Essebsi a achevé son discours. La fronde policière a duré jusqu’au milieu de l’après-midi.
Dégage, dégage...Depuis la veille, un communiqué a été rendu public par l’Union des syndicats au sein de la sécurité nationale, créée au lendemain de la révolution. Un acte qui, dès le départ, ne plaisait pas au gouvernement de Caïd Essebsi. Mais ce dernier a, jusque-là, toujours défendu les forces de l’ordre dont il a besoin pour stabiliser le pays.
Environ 2000 protestataires – selon les sources syndicales –, tous (ou presque) en tenue civile, se sont donné rendez-vous le matin devant le ministère de l’Intérieur avant de se rendre à la Kasbah de Tunis (la Bastille tunisienne). Ils se sont bien mis en évidence. Autour d’eux, dans des coins discrets, plein de bus jaunes, ceux de la police. Une autre unité qui, pour une fois, a été très passive, très compréhensive, très docile... Presque complice.

Devant l’hôpital Aziza Othmana, des passants assistent à la scène et regardent ce monde à l’envers. La chaussée grouille d’agents de police en uniforme. Un peu plus bas, la place du gouvernement est hautement gardée par des fils barbelés et, bien-sûr, par des militaires.
Les manifestants brandissent leurs banderoles estampillées de petits mots et de messages forts. Messages ou menaces, c’est tout comme... Puis, c’est le mot d’ordre. Et lorsque l’ordre est donné surtout à la police, on ne badine pas. Mais, on s’exécute.
Que réclament nos policiers? A les croire – et il est dur de les croire –, ils veulent le bien de la patrie. «Nous voulons assainir l’appareil sécuritaire miné par les symboles de Ben Ali», a dit à Kapitalis l’un des policiers manifestants. On ne peut que le croire, quoique…
Pour ne pas oublier Samir FerianiUn autre enchérit : «Nous voulons la démission de ceux qui sont aux commandes du ministère»... De qui parle-t-il ? Un autre agent dresse la liste : «Le ministre de l’Intérieur Habib Essid et tous ses potes, comme Taoufik Dimassi, Nabil Abid, Moncef Lâajimi, Habib Belkamela, Yassine Thabet, Ali Jelassi». Un autre s’indigne: «Pourquoi on a kidnappé Samir Feriani ? Que tout le monde assume ce qu’il a fait ! Qu’on soit de la police ou de l’armée». Son collègue n’est pas d’accord: «Non, Feriani, c’est une autre histoire. Il a commis un délit. Il doit payer», a-t-il dit à Kapitalis, tout en insistant pour que nous n’évoquions pas le cas de leur collègue Feriani. «C’est une affaire très délicate», explique-t-il.
«Nous voulons de l’équité. Ceux qui ont tué nos collègues doivent aussi payer», précise un autre manifestant. Un autre ajoute : «Si c’est la police qui avait tué la jeune fille à Sbeïtla, tout le monde aurait voulu se venger, mais puisque c’est l’armée qui a commis cet acte, alors tout le monde se tait. Nous voulons aussi que ceux qui ont saccagé ou incendié les postes de police soient présentés à la justice».
Il est déjà 11 heures, ça chauffe encore et encore. C’est le moment où le Premier ministre est en train de s’adresser en direct au peuple lui parlant de la situation morose dans le pays et de le mettre en garde. Et pas seulement cela. Car M. Caïd Essebsi a aussi annoncé, avec un ton ferme et presque hautain, la suspension de l’activité syndicale au sein de la police.
Dehors, la tension monte d’un cran. Il y a de plus en plus de protestataires. Midi, le discours de M. Caïd Essebsi est terminé. Et c’est le début d’une colère sans fin. «On va voir c’est quoi ‘‘kamcha qrouda’’ (une poignée de singes)», expression que le Premier ministre venait d’utiliser pour qualifier les agents de l’ordre protestataires, dit un policier à son camarade. «Il dit qu’il va suspendre notre syndicat, on va voir qui va être suspendu !», ajoute un autre. Puis des cris fusent «Essebsi, dégage !»
Y a-t-il une place pour la réconciliation?En quelques secondes, la foule avance vers la place du gouvernement, se débarrasse des fils de barbelés et prend d’assaut l’entrée du siège du Premier ministère au vu et au su des militaires qui ne savent pas comment se comporter. Ils ont laissé faire. La porte colossale du Premier ministère a été fermée à double tour. Du coup, une femme d’un certain âge a crié de toutes ses forces, puis une fille à la fleur de l’âge. Les deux femmes pleurent, pour l’une, l’enfant et pour l’autre, le frère de 23 ans, tués par balles. On cherche de l’eau pour rafraîchir les femmes. Les protestataires crient à la vengeance des martyrs. Confusion des genres et des postures. La révolution a-t-elle changé de camp?
Il est 14 h30. Les esprits ont continué de chauffer. 15 heures, le coordinateur de l’Union des syndicats au sein de la police négocie encore avec des responsables du Premier ministère. La foule attend impatiemment le résultat des négociations. Un peu plus tard, à l’aide d’un haut parleur, l’ordre est donné. On s’exécute. Les militaires reprennent leur place et font un mur. Un barrage d’hommes en vert.
Interrogé en fin d’après-midi au téléphone, Moez Sinaoui, chargé de la communication au Premier ministère, a déclaré à Kapitalis que le Premier ministre a pu quitter le ministère vers 16 heures. «Il a voulu leur parler et il n’avait pas peur de leur parler. Nous savons que 97% des policiers, comme vient de le dire M. Caïd Essebsi, sont des gens propres. Seule une minorité, qui s’est sentie ciblée, a voulu perturber. Nous savons aussi que certaines de leurs demandes sont légitimes», a-t-il précisé sur une note de réconciliation. Réconciliation ? Le mot est fort. On n’en est visiblement pas encore là. Il y aura encore du chemin à faire…

Tunisie : L’UE prête à relancer les négociations sur le « statut avancé »

Le commissaire de l’Union européenne pour  la politique de voisinage , Štefan Füle , vient d’avoir des  discussions à Bruxelles avec  Habib Essid ministre tunisien de l'Intérieur, sur la situation en Tunisie et dans la région, l'état des relations bilatérales, et les progrès réalisés par la Tunisie dans le processus de démocratisation.
 «J’ai réitéré l'engagement de l'UE à soutenir la transition démocratique en cours en Tunisie, et j’ai  rappelé les mesures déjà prises, notamment l'augmentation du budget de la coopération bilatérale (de € 80 à € 130 millions en 2011), le renforcement de la société civile et le soutien aux zones rurales sous-développés ", a déclaré la commissaire dans un communiqué publié après l’entretien.
Il a ajouté  qu'il avait exprimé son appréciation pour la coopération établie dans la préparation des prochaines élections, auxquelles l'UE dépêchera des observateurs. Füle a également affirmé la volonté de l'UE de discuter des soutiens à apporter dans  les domaines de la primauté du droit, la justice et le secteur de la sécurité dans le cadre de la révision du programme de coopération pour les prochaines années.
"J'ai également affirmé la disposition de l'UE à relancer les négociations avec la Tunisie sur le« statut avancé »dès que possible, à la lumière des réformes politiques mises en œuvre dans le pays et la volonté d'instaurer un partenariat privilégié avec la Tunisie démocratique", a-t-il dit , ajoutant que le  ministre a confirmé la disposition des  autorités tunisiennes à "  démarrer ce processus. "
En ligne avec la nouvelle approche de l'UE concernant la Politique européenne de voisinage, Füle et Essid ont également discuté  l'idée de lancer un dialogue sur les migrations, la mobilité et la sécurité, en vue d'établir une coopération mutuellement satisfaisante sur la migration et la mobilité des personnes, indique le communiqué.

dimanche 4 septembre 2011

Tunisie - L’ISIE lance une nouvelle campagne d’inscription des électeurs

Les électeurs non encore inscrits ont le choix du bureau de vote dans la limite du gouvernorat auquel ils appartiennent selon l’adresse de leur CIN. Tel était l’ordre du jour de la conférence de presse organisée par l’Instance supérieure indépendante pour des élections (ISIE) à Tunis en date du 3 septembre 2011, une conférence dédiée uniquement aux journalistes, en présence de quelques membres de l’Instance.

Kamel Jendoubi, en sa qualité de président de l’ISIE, a expliqué qu’une nouvelle campagne d’inscription des électeurs démarrera le 4 septembre et s’étalera jusqu’au 20 du même mois, afin de permettre aux citoyens n’ayant pas encore été inscrits, de le faire avec l’avantage de pouvoir choisir le bureau de vote, à condition que ce choix se limite au gouvernorat mentionné sur la CIN de l’électeur. M. Jendoubi a ajouté que cette opération d’inscription ne peut se faire que d’une manière personnelle et individuelle et que seuls des renseignements peuvent être donnés aux tierces personnes. Le but de cette campagne, selon lui, est d’optimiser la préparation et l’organisation du processus électoral.

Par ailleurs, l’ISIE a mis en place des mécanismes de communications afin de renseigner les citoyens, soit par l’émission d’un sms payant sur numéro le 1423, permettant de vérifier l’inscription, soit par consultation d’un centre d’appel sous le 1814.
Le nombre de bureaux de vote qui n’est pas encore définitif avoisine, selon Kamel Jendoubi les 8 000. Ce nombre augmente au fur et mesure que les inscriptions se font.
Concernant les listes de candidatures présentées par les différents partis, M. Jendoubi a répondu que le nombre était, au 1er septembre 2011, de 61 et est passé à 85 listes à la date du 2 septembre ce qui signifie que le nombre est en augmentation continue jusqu’à expiration des délais légaux.
Quant au site officiel de l’ISIE, une mise à jour a été effectuée donnant naissance à partir de lundi prochain à un vrai site professionnel présentant des informations exhaustives à la place du site actuel qui ne dépasse pas le «site vitrine».

Sur un autre volet, celui du contrôle et observation du processus électoral, M. Jendoubi a mis en exergue l’importance des rôles des observateurs afin de garantir la crédibilité des élections. A ce propos, il a annoncé la création de « Monitoring des médias », une équipe d’observateurs qui a pour mission de contrôler et suivre au quotidien les publications des journalistes concernant les élections. Cette équipe de monitoring compte à ce jour 14 chercheurs et enseignants en journalisme et l’équipe sera bientôt renforcée par souci de transparence et de respect des normes électorales, toujours selon M. Jendoubi.

Tunisie : Le citoyen est mécontent de tout et de tous.

Il est mécontent de tout le citoyen tunisien de l’après Révolution. A presque 51 % selon un sondage d’opinion réalisé par l’agence d’information Tap avec Istis, il juge «incompréhensible» la situation politique actuelle qui prévaut en Tunisie et plus de 56 % des sondés trouvent que «la situation économique n’est pas claire». Tout y passe, l’économie, la politique, la sécurité, l’UGTT et les partis politiques qui sont pourtant l’émanation de la démocratie qu’il recherchait par la Révolution.
Plus de la moitié des  répondants  (57%) se sont déclarés insatisfaits de la situation sécuritaire, 25% sont moyennement satisfaits et seulement 18% sont satisfaits. Cela ne les empêche pourtant pas [mais cela le sondage ne le dit pas] de continuer à se faire querelles tribales et à s’entre-tuer, à couper routes et autoroutes et à racketter automobilistes et bus, à brûler les prisons pour en évader les criminels de droit commun, à s’attaquer les uns les autres dans rues et les mosquées, à s’accuser  les uns les autres de tout et de rien, à privilégier la «mouhassaba» (accountability) et les procès pour tous le monde sur la réconciliation nationale et à s’approprier les biens des autres et de l’Etat.
Ils sont contre les revendications sociales et se déclarent insatisfaits de l’UGTT.
A 61 %, les Tunisiens se déclarent insatisfaits de la situation économique. Ce pourcentage a même augmenté de 4 points entre avril et août de cette année 2011. Cela ne les empêche pas [mais cela le sondage ne le dit pas encore] à faires encore grèves et sit-in sauvages et impunis, à refuser les primes pour création d’entreprises et à se bousculer pour l’indemnité des 200 DT pour ne rien faire. Bizarrement, selon les résultats de ce sondage, «la population tunisienne semble de plus en plus insatisfaite des revendications sociales qui se sont multipliées au cours des derniers mois.  L’opinion des tunisiens sur les revendications sociales est globalement négative, les deux tiers déclarent leur insatisfaction contre seulement 11% de personnes satisfaites et 21% moyennement satisfaites». Cela est tellement bizarre, qu’il nous semblerait presque que les sondeurs se seraient trompés de sondés. La contradiction du Tunisien s’affiche plus par ce résultat de 64 % d’insatisfaits des performances de l’UGTT (Centrale syndicale ouvrière et on notera bien que l’insatisfaction n’est pas contre le rôle de l’UGTT, mais contre ses performances comme le note bien le sondage. Suivez notre regard !). Là aussi, le taux des satisfait diminue de 9 points entre avril et août 2011. Le Tunisien ne semble pas encore savoir ce qu’il veut, insatisfait de sa condition économique, faisant grève sur grève, dénigrant ceux qui le font et se déclarant mécontent de ceux qui défendent le droit de ceux qui font grève pour demander toujours plus d’argent !
Il n’aime pas le gouvernement Caïed Essebssi et se dit insatisfait des partis politiques en place !
 Le citoyen de la Tunisie de l’après Ben Ali, est aussi insatisfait des performances du gouvernement provisoire de Béji Caïed Essebssi. «Les résultats du sondage montrent que le taux de satisfaction de la population à l’égard des performances du gouvernement provisoire se situe à 21%, contre 31% au mois d’avril, perdant ainsi 10 points dans la confiance des tunisiens au cours des quatre derniers mois », indique le sondage de la Tap. Ce même citoyen n’arrête cependant pas encore de rappeler à ce gouvernement, qu’il n’a aucune légitimité pour prendre telle ou telle décision et qu’il n’est qu’un gouvernement de transition. Léger bémol, le taux des satisfaits a quand même augmenté de 9 points entre avril et août.
Mais ce même citoyen tunisien, est tout aussi mécontent et insatisfait des performances des partis politiques en place et pour lesquels il s’apprête à voter. Le sondage de la Tap indique à ce titre que «le niveau de satisfaction des tunisiens par rapport aux partis politique se situe à un niveau très faible (7%). Le taux d’insatisfaction vis-à-vis des performances des partis politiques a augmenté de 64% au mois d’avril 2011 à 70% au mois d’août 2011». Selon l’agence de sondage qui en a fait la lecture, «cette situation s’explique par le manque d’intérêt manifesté par les tunisiens, décrit plus loin dans ce document, à l’égard de la politique de manière générale et des activités des partis politiques de manière plus précise».
Le Tunisien de l’après Révolution, ne semble ainsi vouloir donner sa confiance en aucun, ni pour les politiques, ni pour les politiciens, ni pour les syndicats et encore moins pour les médias. «Presque les trois quart  des  répondants  (47% et 29 %)  ont déclaré être  insatisfaits ou moyennement satisfaits de la performance des Média. Le taux de satisfaction a considérablement diminué entre les mois d’avril et août » indique le sondage. Et …  «Viva la Revoluçion» !
Ces résultats montrent en tous cas, selon notre modeste explication, que le bras de fer entre la population et le pouvoir (quel qu’il soit et d’où qu’il vienne du gouvernement ou des partis politiques), pour le pouvoir, n’est pas encore terminé. La rue a fait sa révolution, a découvert les joies du pouvoir et ne semble pas encore vouloir remettre les rennes de ce pouvoir entre les mains d’une quelconque autre personne qu’elle-même !

La Tunisie et la Libye ont un avenir commun, affirme Mahmoud Jibril




«Je ne peux qu’être heureux d’être parmi vous pour vous dire que le peuple libyen est reconnaissant à la position héroïque de ses voisins tunisiens», a déclaré Mahmoud Jibril.

Arrivé vendredi, à Tunis, en provenance du Caire, le président du bureau exécutif du Conseil national de transition (Cnt) libyen, a donné une conférence de presse, samedi matin, au Palais du gouvernement de la Kasbah.
En 10 minutes et quelques petites phrases concises et mesurées, le numéro 2 du Cnt a fait le tour d’un programme de solidarité entre la Tunisie, la Libye et l’Egypte dans tous les domaines, et notamment dans celui de la sécurité.
 
 Avant de rencontrer la presse, M. Jibril a eu un entretien avec Beji Caïd Essebssi, Premier ministre. Quelques membres du gouvernement provisoire étaient aussi présents: Habib Essid, ministre de l’Intérieur, Abderrazak Zouari, ministre du Développement régional, Abdelmajid Triki, ministre du Plan et de la Coopération internationale, ainsi que le général Rachid Ammar, chef d’Etat major interarmées.

«J’ai été au Caire. Aujourd’hui en Tunisie où s’est déclenché le premier vent de la liberté», a-t-il dit. La Tunisie, l’Egypte et la Libye sont trois pays gouvernés par des gouvernements provisoires, a-t-il précisé. «Mais nous sommes tenus par un dialogue commun au niveau de notre jeunesse afin de concevoir notre avenir», a-t-il dit. Et de poursuivre que les trois pays qui partagent la même langue et les premiers à avoir fait leur révolution dans la région, ont aujourd’hui «une même vision, les mêmes perspectives». Ils doivent construire un avenir commun.
ien sûr, il n’y a pas d’avenir sans la sécurité. M. Jibril a insisté sur la nécessité d’une collaboration étroite dans le domaine. «Nous devons œuvrer ensemble pour garantir la sécurité nationale. Ceci doit être inscrit dans le long terme».
M. Jibril qui était accompagné de deux membres du Cnt (Mahmoud Chammam, pour la Communication et Mohamed Allani pour la Justice), n’a pas omis de remercier la Tunisie qui a soutenu le peuple libyen dans sa révolution contre la dictature. «Pour nous, la Tunisie a joué un rôle très important. Les Tunisiens ont accueilli chez eux leurs frères. Nos blessés ont été soignés dans les hôpitaux tunisiens. On n’oublie pas, non plus, les aides aux réfugiés. La Tunisie a pansé plusieurs de nos blessures au moment où il faut». Et d’ajouter: «Je ne peux qu’être heureux d’être parmi vous pour vous dire que le peuple libyen est reconnaissant à la position héroïque de ses voisins tunisiens».
Au programme du séjour de la délégation libyenne, une autre rencontre en fin de matinée avec le président par intérim, Foued Mbazâa, au Palais de Carthage.