Blog d'information sur la Révolution Tunisienne, sa naissance, ses perspectives, les étapes nécessaires pour atteindre ses objectifs, et en premier lieu: une démocratie réelle, la première dans le monde arabe.
TUNIS - Trois personnes sont mortes dans les affrontements samedi entre manifestants et forces de l'ordre en plein centre de Tunis, a annoncé le ministère de l'Intérieur dans un communiqué.
Selon ce communiqué, "trois personnes ont trouvé la mort parmi les douze qui ont été blessées lors de ces heurts et qui ont été transférées dans un hôpital pour y être soignées". L'utilisation du terme "personne" laisse entendre qu'il s'agirait de manifestants.
"Plusieurs membres des forces de l'ordre ont été blessés à différents degrés", selon le communiqué qui ne précise par leur nombre.
D'autre part, selon le communiqué, "plus de 100 personnes ont été arrêtées ce samedi" et "88 autres auteurs d'actes de vandalisme ont été arrêtés la veille", lors des premiers affrontements entre forces de l'ordre et manifestants survenus vendredi dans le coeur de Tunis.
Le ministère attribue ces actes de violence contre la police "à un groupe d'agitateurs infiltrés dans les rangs de manifestants pacifistes et qui se sont servis de jeunes lycéens comme boucliers humains pour se livrer à des actes de violences, d'incendies visant à semer la terreur parmi les citoyens et visant les forces de sécurité intérieures".
Il appelle "la population à la vigilance et presse les parents à coopérer avec les forces de sécurité et à convaincre leurs enfants de ne pas participer à ces manifestations".
Auparavant, le ministère avait annoncé l'interdiction de circuler pour les piétons et les voitures dans l'avenue Habib Bourguiba dans le centre de Tunis, théâtre de violents affrontements, à partir de ce samedi 18H00 jusqu'à dimanche minuit, a rapporté l'agence TAP.
Cette avenue centrale a été livrée samedi à une véritable bataille rangée entre forces de l'ordre et manifestants, que la police a dispersés à plusieurs reprises en faisant usage de gaz lacrymogènes.
RAS JEDIR (Tunisie) - Plus de 38.000 personnes, essentiellement des Tunisiens et des Egyptiens, ont fui la Libye vers la Tunisie par le principal point de passage frontalier de Ras Jedir depuis le début de l'exode le week-end dernier, a indiqué à l'AFP la protection civile.
Depuis le début "18.000 Tunisiens, 15.000 Egyptiens, 2.500 Libyens, 2.500 Chinois, les autres étant d'autres nationalités" ont franchi la frontière, a déclaré le colonel Malek Mihoub de la protection civile.
L'exode de Libye, où le leader Mouammar Kadhafi est en proie à une contestation sans précédent en 42 ans de pouvoir, avait commencé le 20 février.
Il s'est accentué tout au long de la semaine, en particulier après que le fils du dirigeant libyen, Seif Al-Islam, eut accusé lundi des éléments extérieurs d'avoir fomenté la révolte dans son pays, citant nommément les Egyptiens et les Tunisiens comme étant derrière ce "complot".
Un pic a été enregistré samedi, selon des journalistes de l'AFP sur place, alors que plus de 7.800 migrants de plus de 20 nationalités différentes ont franchi le poste frontière vendredi, selon l'Organisation mondiale pour les migrations (OIM).
Vendredi soir, le dirigeant libyen, qui a perdu le contrôle de l'est du pays, avait menacé d'ouvrir "tous les dépôts d'armes pour armer le peuple".
L'OIM a indiqué qu'elle comptait organiser un transfert des Egyptiens vers le littoral tunisien afin de les rapatrier chez eux par bateau, estimant que des milliers restaient toujours bloqués en Tunisie.
Vendredi le Croissant-Rouge tunisien avait lancé un appel à l'aide à l'Egypte pour organiser le rapatriement de ses ressortissants alors que les capacités d'accueil dans la première ville après la frontière, Ben Guerdane, sont dépassées.
"Le consulat d'Egypte à Tunis nous a dit que les Egyptiens allaient organiser 17 vols et envoyer un navire vers Zarzis", dans le sud tunisien, a déclaré dans la matinée à l'AFP Monji Slim, président du comité régional du Croissant-Rouge de Ben Guerdane.
Il a exprimé l'espoir que cette promesse soit tenue. "Des milliers d'Egyptiens continuent d'arriver à la frontière, les gens sont très mal logés, on n'a pas assez de matelas ni de couvertures et la capacité d'accueil est limitée", a-t-il dit.
L'agence officielle égyptienne Mena avait annoncé vendredi soir que deux navires étaient en route pour la Tunisie afin de rapatrier les Egyptiens.
L'OIM, qui a évalué à 50.000 le nombre de migrants ayant franchi les frontières terrestres de la Libye depuis lundi, a lancé un appel aux donateurs pour recueillir 11 millions de dollars afin de financer leur prise en charge.
Parallèlement, l'entrée en Libye de toute aide médicale restait bloquée.
"Pour le moment, on ne peut pas passer", a déclaré à l'AFP un médecin de l'organisation Médecins sans frontières (MSF) Mathieu Bichet. L'ONG a fait "toutes les démarches officielles pour rentrer en Libye et il faut attendre l'accord des autorités, ce qui est très peu probable, même les blessés ne passent pas", a-t-il ajouté.
MSF a indiqué vendredi qu'"en raison de l'insécurité, voyager par la route vers Tripoli - où il est estimé que les besoins médicaux sont immenses - est aujourd'hui quasiment impossible". Une équipe qui a essayé de se rendre dans la capitale libyenne s'est faite refouler à l'aéroport, a dit M. Bichet, tandis que des équipes sont présentes dans l'est du pays.
Le Croissant-Rouge a indiqué également qu'il ne pouvait faire entrer de convoi.
La répression de la contestation a fait plusieurs centaines de morts.
De violents affrontements opposaient samedi manifestants et forces de l'ordre dans le centre de Tunis. La capitale était le théâtre d'une véritable bataille rangée et de courses poursuites tous azimuts, selon des témoins. Des policiers ont tiré de nombreuses grenades lacrymogènes et effectué des tirs de sommation, tandis que les manifestants les bombardaient de pierres. Vendredi, plus de 100'000 personnes avaient réclamé le départ du gouvernement de transition de Mohammed Ghannouchi. Selon les autorités tunisiennes, 21 policiers ont été blessés et des camions de police incendiés.
Des incidents ont conclu hier soir la plus importante manifestation en Tunisie depuis la chute de Ben Ali. Des manifestants ont jeté des pierres sur le ministère de l’Intérieur et des soldats ont tiré en l’air pour tenter de les disperser.
100.000 personnes ont défilé dans l’après-midi pour réclamer le départ du gouvernement de transition, et en particulier du premier ministre Mohammed Ganouchi qui était déjà celui de ‘ex président.
Les Tunisiens ont fortement affirmé leur détermination à voir la révolution usurpée.
“Où sont les tribunaux de la République tunisienne ? Où est la justice pour plus de 170 martyrs ? Où sont les procès pour les assassins ?”, s’interroge un manifestant.
Depuis la fuite de Ben Ali, la mobilisation des Tunisiens n’a pas faibli. Le gouvernement a de son côté annoncé des élections au plus tard à la mi-juillet.
Un sondage vient d’être réalisé en Tunisie, portant sur les aspirations de la population, mais aussi ses craintes, un mois et demi après la chute du régime de Ben Ali.
Une enquête d’opinion, effectuée par l’institut d’analyse Media Scan Tunisie à la mi-février et dont les résultats ont été rendus publics vendredi 25 février, permet de comprendre les peurs et les espoirs dans la Tunisie de l’après-Ben Ali.
Et l’un des maître- mots de cette post-révolution, c’est la confiance retrouvée. 70% des personnes interrogées estiment qu’il s’agit de leur première source d’optimisme, loin devant l’accroissement des libertés (5%), l’avènement de la démocratie (4%) ou l’amélioration du niveau de vie (3 %).
De manière plus générale, 84 % Des Tunisiens se déclarent « optimistes » face à l’avenir, contre 16 % qui se disent « pessimistes ». Ceux-ci craignent principalement pour leur sécurité (46 %), à l’heure où de nombreuses manifestations anti-gouvernementales continuent de ponctuer leur quotidien.
Une révolution « sociale »
Quand on leur demande dans quels domaines ils pourront aider à bâtir une nouvelle Tunisie, 23 % des interrogés prônent la solidarité. Seuls 10 % pensent qu’il faut arrêter les grèves et 14 % souhaitent « retourner à une vie quotidienne », quand 14 % estiment qu’il faut « travailler plus ».
Selon 65 % des Tunisiens, la révolution a avant tout des racines sociales (manque de solidarité, sécurité menacée, disparité entre les régions, pauvreté, exclusion …). Viennent juste après des motifs économiques (chômage, manque d’investissement et de développement des régions intérieures), pour 60 % de la population. On a en effet beaucoup parlé du chômage et de la détresse populaire, symbolisés par Mohamed Bouazizi, le marchand ambulant qui s’était immolé pour protester contre ses conditions de vie le 17 décembre, enclenchant le processus révolutionnaire.
Les raisons politiques viennent bien après, 51 % des personnes interrogées estimant que les révolutionnaires aspiraient à plus de liberté d’expression, de pluralisme politique ou encore de démocratie.
Pour des élections « loyales »
L’échantillon interrogé estime néanmoins que le dénouement passera bien par une refonte du système politique. Et donc par les élections justes et démocratiques que le gouvernement de transition a promis d’organiser d’ici à six mois. Ils sont 61 % à croire à un scrutin loyal, alors que 37 % font état de craintes quant à la transparence des élections.
Plus d’un quart de la population (28%) redoute un « prolongement de l’ancien régime » à travers les hommes qui mènent aujourd’hui la transition ou ceux qui seront prochainement élus. L’une des explications réside dans la méconnaissance des partis politiques qui occupent actuellement l’échiquier tunisien. 35 % des personnes interrogées admettent n’en connaître aucun. Le plus connu est, pour 55 % personnes questionnées, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, ancien parti du pouvoir) et pour 51 % le parti Ennahdha (parti islamiste clandestin pendant les années Ben Ali).
TUNIS - Le ministère de l'Intérieur a annoncé samedi l'interdiction de circuler pour les piétons et les voitures dans l'avenue Habib Bourguiba dans le centre de Tunis, théâtre de violents affrontements, à partir de ce samedi 18H00 jusqu'à dimanche minuit, a rapporté l'agence TAP.
Selon un communiqué de la direction de la circulation relevant de ce ministère, les piétons et les voitures sont interdits de circuler dans les deux sens de cette avenue, de samedi 18H00 à dimanche minuit
Cette avenue centrale a été livrée samedi à une véritable bataille rangée entre forces de l'ordre et manifestants, que la police a dispersé à plusieurs reprises en faisant usage de gaz lacrymogènes.
TUNIS — Confronté à une grave crise de confiance, le gouvernement transitoire tunisien peine à trouver ses marques et joue sa survie face à des manifestants qui ne cessent de réclamer sa démission, annonçant des mesures qui semblent dépassées face aux revendications de la rue.
Dans une "Tunisie qui vit une situation exceptionnelle, le gouvernement de transition brille par une série de cafouillages et navigue à vue sous la pression de la rue", estime un politologue tunisien, Laarbi Chouikha.
Cet universitaire "regrette l'absence d'une véritable politique et d'une stratégie de communication" du gouvernement qui joue son avenir en étant confronté "à une grosse méfiance populaire" alors qu'il doit d'organiser les élections de l'après-Ben Ali.
Or, selon lui, "la rue ne doit pas dicter la politique du gouvernement car face à cette confusion, n'importe qui peut demander n'importe quoi en disant +je parle au nom du peuple+".
Plus de 100.000 personnes, mobilisées via Facebook, ont réclamé vendredi le départ du gouvernement de transition dirigé par Mohammed Ghannouchi au cours de la plus grande manifestation à Tunis depuis la chute de l'ancien président Zine El Abidine Ben Ali, le 14 janvier.
Alors que la manifestation battait son plein, le gouvernement ignorant les appels à la démission, annonçait en fin d'après-midi la tenue d'"élections au plus tard mi-juillet" sans préciser s'il s'agissait d'un scrutin présidentiel ou législatif.
Dans la foulée, le gouvernement annonçait la saisie des biens mobiliers et immobiliers ainsi que des avoirs de 110 anciens collaborateurs et membres de la famille du président déchu, dont son fils de 6 ans.
"Le gouvernement n'est pas à l'écoute de la rue, il aurait fallu que Ghannouchi s'adresse au peuple vendredi soir et exprime la position de son gouvernement sur ce qui se passe dans le pays", estime un autre universitaire, Ridha Hamdi.
Il existe, selon lui, "un fossé entre le peuple et ses dirigeants qui ne sert que les intérêts des partisans de l'ancien régime. La grande question est de savoir si le gouvernement fait la sourde oreille pour gagner du temps ou s'il est complètement dépassé".
Depuis la fuite en Arabie saoudite du président Ben Ali, un gouvernement de transition dirigé par son ancien Premier ministre Ghannouchi et comprenant des membres de l'ex-opposition a promis de consacrer pluralisme et démocratie.
Devant l'insécurité, ajoutée au mécontentement social face à l'absence d'amélioration dans le quotidien des Tunisiens, la mobilisation de la rue n'a pas faibli.
Selon l'avis d'un magistrat indépendant, Mokhtar Yahyaoui, "les revendications politiques doivent s'excercer au sein des institutions politiques et non dans la rue".
"Les manifestants font du chantage, ou bien le gouvernement tombe ou ils bloquent le pays, ce n'est pas la démocratie".
Les manifestants, selon lui, "sont bien organisés politiquement et financièrement, il y a des gens bien structurés derrière eux, qui travaillent avec un agenda politique et leur intérêt est de semer le chaos".
"Ils ont supporté le régime de Ben Ali pendant 23 ans et maintenant ils sont incapables d'attendre quelque mois, ce n'est qu'un gouvernement de transition", ajoute le magistrat, soulignant que "le gouvernement a échoué à établir une relation de confiance avec les citoyens" et estimant qu'il "aurait du demander l'extradition de Ben Ali et son épouse dès le début.
Plus d'un mois après la chute du président, le gouvernement annonçait avoir demandé à Ryad son extradition ainsi que celle de son épouse, Leïla. Quelques jours plus tard, la télévision nationale annonçait la "découverte de grandes quantités d'argent et d'or" dans un ancien palais des Ben Ali.
M. William J. Burns - Que ce soit un "modèle de réussite". Personnalité éminente de l'administration américaine, William J. Burns est sous-secrétaire d'Etat chargé des Affaires politiques. Il était parmi nous hier et avant-hier pour une visite où il s'agissait de "discuter des programmes des Etats-Unis qui visent à soutenir le développement économique, les organisations de la société civile, et la transition vers la démocratie en Tunisie", selon la formulation d'un courrier qui nous est parvenu de l'ambassade américaine.
Avant de clore cette étape, au cours de laquelle il a rencontré notamment le Premier ministre ainsi que le nouveau ministre des Affaires étrangères, William J. Burns a donné une conférence de presse dans les murs de l'ambassade des Etats-Unis.
Dans une brève allocution introductive, le diplomate américain a exprimé son "soutien" au processus actuel de démocratisation. Pour lui, la Tunisie est un sujet "d'inspiration pour la région" et "personne n'oubliera que le réveil a commencé en Tunisie".
Il a indiqué par ailleurs que les Etats-Unis étaient disposés à fournir leur assistance à la Tunisie "en fonction des priorités" exprimées par les Tunisiens eux-mêmes, et ce, en collaboration avec l'Union européenne.
L'option consiste à "travailler pour la stabilité" de la Tunisie, "au profit de tous les Tunisiens et pas seulement au profit d'une élite", à travers un renforcement de l'échange économique.
A ce propos, il a rappelé qu'une délégation d'hommes d'affaires américains est attendue pour la fin du mois de mars. La volonté américaine d'apporter sa contribution à la révolution s'exprime aussi, cependant, au niveau de la mise en place "d'élections transparentes et démocratiques", a souligné M. Burns.
La séance des questions-réponses a confirmé la vision américaine qui consiste à reconnaître dans la "croissance économique" un "pilier de la transition" et, du même coup, du modèle tunisien de transition politique un modèle de transition économique.
Le responsable américain relève les atouts de la Tunisie de ce point de vue, comme le niveau d'éducation de la population, ou le respect des droits des femmes... Il évoque le tourisme, à la fois comme l'un des secteurs qui risquent de souffrir le plus de la situation actuelle, mais aussi comme un domaine qui se prête à l'investissement et à l'échange, et donc à un soutien de la part de son pays.
Mais le tourisme n'est pas le seul secteur où l'accroissement du partenariat économique a des possibilités de développement.
Sur l'intérêt que représente la révolution tunisienne pour l'administration américaine, M. Burns rappelle que, de la même manière que les Etats-Unis avaient soutenu notre pays lors de son indépendance il y a 50 ans, la réussite de la Tunisie demeure aujourd'hui très importante : "C'est aussi l'intérêt des Etats-Unis que la Tunisie soit prospère".
Au sujet d'un rôle supposé que l'administration américaine aurait joué dans les événements qui ont poussé le président Ben Ali à fuir le territoire, le diplomate a nié toute implication de son pays : "Cette révolution est 100 % tunisienne".
Les Etats-Unis n'ont pas eu d'autre rôle que celui du soutien, a-t-il fait remarquer, en rappelant toutefois les critiques faites à l'ancien régime par son administration au sujet de la question des droits de l'Homme : "Nous avons toujours exprimé nos divergences".
M. Burns a également été sollicité au sujet des événements qui se déroulent en Libye. L'action américaine consiste à s'inscrire dans une concertation au niveau des Nations unies, mais aussi avec des structures comme l'Union européenne ou la Ligue arabe. Il est cependant question de "pas très concrets dans les prochains jours" car, dit-il, "la communauté internationale doit agir".
En réponse à une question qui consiste à demander si les Etats-Unis continueront à considérer Israel comme une démocratie modèle dans la région, alors que ce pays a exprimé son hostilité à l'égard de ce vent démocratique qui traverse le monde arabe, le diplomate américain s'est contenté de réaffirmer le soutien américain aux mouvements de revendication en affirmant que "aucun leadership ne sera immune face au peuple" dans les pays arabes et en insistant sur la nécessité de "construire des modèles de réussite".
Nous poursuivons ci-dessous la publication des traductions des « Chroniques de la révolution tunisienne » d'Alma Allende. Après une phase de reflux, la réoccupation de la Kasbah à Tunis démontre que les mobilisations sociales et ouvrières regagnent du terrain en Tunisie contre le gouvernement transitoire de Ghannouchi. Nous publions également un billet issu d'un blog d'une jeune tunisienne qui exprime bien le fait qu'une partie de la population commence à perdre toute illusion sur le caractère « démocratique » de la « transition » en cours menée par des politiciens directement issus de l'ancien régime. La révolution n'est pas terminée! (LCR-Web Belgique)
Laïcité et démocratie
Tunis, le 20 février 2011
Il est parfois nécessaire de revenir pour savoir où nous étions. Après une semaine à Cuba, nous revenons à Tunis, d'où nous étions partis depuis la chute de Ben Ali, et dans cette matinée venteuse et ensoleillée nous achetons les journaux en nous dirigeant vers l'Avenue Bourguiba. « La Presse » parle de « Ben Ali Baba et les quarante voleurs », donne de nouveaux éléments sur la profondeur et l'étendue de la corruption de l'ancien régime et examine les mesures prises par le nouveau gouvernement pour soulager la situation économique des ménages. « Le Temps » publie un montage photographique fort truculent qui fait rire à pleine gorge un acheteur à mes côtés: on y voit l'image de la fameuse et triste visite de Ben Ali à Mohamed Bouazizi à l'hôpital, mais aujourd'hui c'est l'ex-dictateur qui est dans le coma, étendu sur un lit, et le vendeur de fruits qui le regarde dans les habits du président. Dans « Al-shuruq » on parle d'une vague migratoire venant ces derniers jours de Libye et des naufrages de Zarzis, dont les cadavres des victimes sont toujours réclamés par les familles.
Un joie débordante et enfantine nous submerge sur l'Avenue Bourguiba: les manifestations continuent...
L'une des manifestations a lieu devant l'ambassade de France pour exiger la démission de Boris Boillon, le nouvel ambassadeur de l'ex-puissance coloniale, qui a eu une attitude méprisante et arrogante avec les journalistes tunisiens pendant sa conférence de presse de jeudi dernier. Boillon, ancien ambassadeur à Alger et à Bagdad, a déclaré à la revue « Challenges » en 2009 que « La reconstruction de l'Irak est le marché du siècle: 600 milliards. La France doit être en première ligne ». On comprendra que, suite au soutien de Sarkozy et d'Alliot Marie au dictateur, les Tunisiens ont peu de confiance envers la France. Il faut rallumer les Lumières et pour cela, ce sont les Français qui devront imiter les Arabes, et non l'inverse!
L'autre manifestation, encore plus nombreuse, a été organisée en défense de la laïcité et rassemble quelques milliers de personnes qui, depuis le Théâtre Municipal, montent vers le Ministère de l'Intérieur en scandant des slogans en faveur de la séparation entre l'État et la religion qui, disons la vérité, n'a été à aucun moment menacée: « La religion pour Dieu, la patrie pour tous ». Cette démonstration publique est cependant importante face aux médias occidentaux, toujours bien disposés à trouver partout – et à grossir – les fanatismes religieux, et il est très agréable et significatif de voir plusieurs femmes voilées parmi les manifestants: « Musulmans et laïcs », dit la pancarte qu'elles portent. Mais il y a quelque chose de préoccupant dans la préoccupation de ces groupes, clairement issus de la classe moyenne et des secteurs intellectuels, qui se focalisent sur le Ghannouchi du parti Ennahda et non pas sur le Ghannouchi qui occupe le siège de premier ministre.
De fait, nous discutons avec quelques femmes qui évoquent l'assassinat, hier, d'un prêtre à Manouba et la tentative d'incendie dans un quartier de prostituées. Il nous semble absurde d'associer ces faits à l'activité d'un parti qui, outre qu'il les a condamnés, n'est pas objectivement intéressé à miner sa faible position politique. Nous leur rappelons que l'épouvantail de l'islamophobie a déjà servi précisément en Tunisie pour empêcher la démocratie et peut resservir aujourd'hui pour suscriter la guerre civile, semer la terreur et détourner l'attention loin des véritables priorités, qui sont les politiques sociales et économiques. En outre, l'identité absolue entre démocratie et laïcité formulée par certaines pancartes ne nous semble pas si évidente. Le capitalisme est profondément laïc, puisqu'il tolère et transforme en marchandise tous les symboles, tous les principes, y compris religieux, et il est cependant radicalement anti-démocratique. Ben Ali lui-même fut un dictateur laïc qui a su, avec efficacité, combattre l'islam politique par la prison, la torture et l'assassinat.
Le socialisme – pensons-nous – est l'unique système où la laïcité et la démocratie sont harmonieusement compatibles. Et le socialisme, il faudra le défendre dans les quartiers périphériques de la capitale, dans les villages et les villes du centre et du sud de la Tunisie, où les gens sont en train de le demander à cris, même sans le savoir. On court le danger, en effet, que pendant que nous manifestons en faveur de la laïcité devant un théâtre, les militants islamistes disciplinés prennent notre place.
C'est, en tous les cas, un plaisir renouvelé de rentrer à Tunis, y compris en venant de Cuba. Ici aussi on lutte.
(Déjà vu) Encore une fois la Kasbah
Tunis, le 21 février 2011
Hier, le ministre de l'Intérieur a déclaré qu'on allait appliquer la loi - l'état d'urgence toujours en vigueur – et que, de ce fait, tout rassemblement et manifestation étaient interdits.
Cet après-midi, vers 16h00, les Tunisiens ont à nouveau repris la Kasbah. Mais pour une fois, nous n'étions pas là, mais nous avons vu les images. Des milliers de manifestants se sont rassemblés devant le Palais de la Municipalité, ont fait pression contre les clôtures qui protègent l'enceinte où se trouve le siège du Premier ministre, protégé par des militaires et des policiers. Les discussions ont fait place aux bousculades et, devant la poussée des masses, les soldats ont tiré en l'air. La tension n'est pas retombée, elle s'est au contraire accentuée avec des insultes et des projectiles et finalement la défense a cédé: une avalanche humaine a pénétré et réoccupé la place.
Nous sommes arrivés vers 18h00 pour constater qu'un miracle s'était produit. Les murs sont à nouveau recouverts de graffitis et de papiers avec des slogans griffonés à la hâte: « Dignité et liberté »; « La révolution continue »; « Non au complot du RCD », « Abattons le gouvernement collaborationiste »; « Zaura Tunis, Zaura Masr, zaura zaura hata el-nasr » (Révolution en Tunisie, révolution en Egypte, révolution, révolution jusqu'à la victoire); « Pouvoir populaire »; « Mobilisation, mobilisation jusqu'à ce qu'on impose la volonté populaire »; et aussi: « Soyons réalistes, exigeons l'impossible ». De l'autre côté, sur le linteau du siège du Premier ministre, dont des grappes de jeunes sont à nouveaux accrochés aux fenêtres, d'autres slogans témoignent de la finesse et de la conscience de ces gens. Une grande pancarte énumère les revendications des manifestants: dissolution du gouvernement et du parlement, destitution de la judicature, formation d'une assemblée constituante élue par la volonté populaire. Une autre identifie le peuple avec le Conseil National de Défense de la Révolution. Et une autre démontre jusqu'à quel point les provocations – face auxquelles, en partie, est tombée la manifestation pour la laïcité de samedi – ne donnent aucune prise ici: « Ce sont les bandes du gouvernement terroriste qui ont tué le prêtre » (en référence au curé polonais assassiné à Manouba). La sensation de déjà vu – avec la cascade de protestations qui déferle sur le monde arabe en mémoire – provoque en nous un tremblement de bonheur public, un frisson onirique partagé. La résistance est dans la répétition et il y a des événements dont la seule répétition est déjà une nouveauté multipliée, amplifiée à l'infini dans un jeu de miroirs sans origine. Nous regrettons seulement l'absence d'Ainara et d'Amin, qui sont en voyage car sans leurs yeux nous nous sentons un peu aveugles.
Ils sont moins nombreux que lors de la première occupation, mais ils sont revenus et ils en attendent beaucoup plus. Il semble qu'un autobus a été arrêté à Kairouan et d'autres groupes espèrent contourner les contrôles sur les routes. Comme la première fois, les drapeaux ondoient, l'hymne national retentit, les slogans sont criés à pleine gorge. Quelques jeunes, avec un brassard blanc au bras, s'occupent de l'organisation devant le balcon du Ministère des finances, où une pancarte du Front du 14 janvier a été placée. Toutes les forces anti-gouvernementales sont représentées sur la place, y compris celles qui ne veulent aucune représentation. Nous parlons avec trois hommes qui viennent de Hay Tadamun, un des quartiers les plus défavorisés de la capitale. Ils font partie du Comité de Défense et sont venus ici, indignés par la mascarade incarnée par ceux qui prétendent parler au nom du peuple et qui ne leur permettent pas d'organiser la vie dans leur quartier. « Nous ne voulons pas d'argent, nous voulons que Ghannouchi s'en aille ». Samia Labidi, une femme qui les accompagne, enveloppée dans un drapeau tunisien, proclame sa soif de justice:
- Ils nous ont montré les trésors des palais de Sidi Bou Saïd à la télévision. Du pur théâtre. Et nous sommes fatigués du théâtre. Nous exigeons la dignité et la liberté.
Parmi la foule, nous trouvons Farouk et Khaled, du Parti du Travail National Démocratique, également membres du Front du 14 janvier. Ils nous disent qu'ils sont là pour voir qui a organisé l'occupation de la Kasbah et la rejoindre afin de coordonner les luttes. Ils nous donnent la sensation d'aller un peu à la remorque d'une mobilisation qui, cependant, a besoin d'une structure politique et nous en profitons pour leur demander des nouvelles du congrès du Front célébré le 12 février dernier. Ce fut un succès de foule – quelques 8.000 participants – mais nous avions cherché en vain un communiqué ou une déclaration commune.
- Il n'y en n'a pas encore – confirme Khaled. Nous avons derrière nous des années de divergences et nous sommes en train de négocier. C'était notre premier congrès et nous avons encore beaucoup de travail devant nous. Le problème, c'est que la réalité va beaucoup plus vite que nous.
A ce moment là survient quelque chose d'étrange. Un des camions de l'armée garé contre le mur, au fond de la place, allume ses phares et allume son moteur. La foule s'agite. Le retrait de l'armée de la place peut être à nouveau le signal d'un assaut policier. Ce qui est étrange, c'est que le conducteur appuie sans cesse sur l'accélérateur, faisant rugir le moteur, mais sans bouger le véhicule, comme s'il voulait attirer l'attention au lieu de vouloir se déplacer réellement. Une provocation? Un avertissement? Les manifestants comprennent tout de suite et courrent pour se rassembler et s'asseroir devant les camions afin de leur couper l'issue. Camions et manifestants seront toujours là plusieurs heures plus tard quand nous appelerons la Kasbah pour prendre des nouvelles.
Sous le phare du camion, un jeune est en train d'écrire sur un papier posé sur le sol: « Le pouvoir appartient au peuple, le peuple n'appartient pas au pouvoir ».
Nous cherchons nous aussi un responsable de l'organisation afin de lui demander son numéro de téléphone avant d'abandonner le lieu. Ibrahim, un cinquantenaire qui travaille au Ministère de l'enseignement supérieur, nous parle du Che, de Fidel, de l'autre aussi – comment s'appelle-t-il? - du Venezuela:
- Chávez?
- Non, non, bien avant lui... Simon Bolivar!
Il se montre très fier de ses connaissances:
- Notre révolution ne vient pas de nulle part. Elle a des précédents partout. Nous connaissons l'histoire et c'est pour cela que nous voulons un gouvernement souverain, non dépendant ni de l'Union européenne, ni des Etats-Unis.
Dans un autre groupe, sur l'esplanade devant de l'hôpital, entre les clôtures de l'enceinte et du Palais de la Municipalité, on discute avec chaleur. Deux personnes mènent la dicussion: Mondher, un ingénieur du Congrès pour la République (le parti de Marzouki) et un jeune juriste nommé Yauhar. En réalité, plutôt qu'une polémique, ils se donnent raison dans un espèce de potlatch discursif. Ils expliquent avec force détails l'absence de légitimité du gouvernement de Ghannouchi:
- C'est exactement le contraire – dit Yauhar. Ce gouvernement ne peut ni réformer la loi ni convoquer des élections. Il faut d'abord élire une assemblée constituante qui élabore le nouveau texte constitutionnel auquel devra être adaptée la nouvelle législation. La dissolution des institutions et l'élection populaire de la constituante sont les conditions de toute légitimité.
Et il ajoute:
- On nous demande d'avoir confiance en Ghannouchi, qui doit nous guider vers un nouvel ordre de légitimité et de démocratie. On nous a dit précisément la même chose en 1987, quand Ben Ali a écarté Bourguiba à la tête de l'Etat. Sans une nouvelle constitution, il ne peut y avoir d'élections. Nous n'avons aucune confiance dans les promesses d'un homme, ce doit être la loi qui nous garantit la souveraineté.
Il nous dit que, ensemble avec d'autres jeunes avocats et universitaires, il a créé un « Forum Citoyen » qui tiendra vendredi prochain une conférence de presse sur une initiative afin de récolter un million, deux millions, trois millions de signatures afin de forcer la démission du gouvernement et l'élection d'une assemblée constituante.
A ce moment, un jeune arrive sur la place et déploie un drapeau. En réalité, il s'agit de la reproduction d'un panneau de circulation indiquant une direction interdite, sur un fond blanc: « Interdit de faire demi-tour ».
C'est cela, précisément, que demandent les occupants de la Kasbah.
Lorsque nous retournons à la maison, les nouvelles de Libye, du Maroc, du Barheïn, du Yémen, donnent toute leur place à l'expérience de cet après midi, pourtant loin de l'attention médiatique. Il n'y a plus rien de local ni de petit dans le monde arabe. Tout est dans tout. Le monde arabe, duquel on n'attendait que rêve ou fanatisme, n'existe pas seulement, il chevauche le cheval qui galope vers d'autres lieux.
Et pour quand en Europe? Pour le moment, nous regardons aussi vers le Wisconsin.
La Kasbah de Tunis: Trois traits
Tunis, le 22 février 2011
La révolution tunisienne a été la révolution des chômeurs, des travailleurs précaires, des pauvres, des humilliés, des syndicalistes et en partie celle des blogueurs, mais elle a été également, dans une grande mesure, la révolution des avocats. L'Association des Lettrés a joué un rôle décisif dans la formulation des revendications et dans l'éducation politique du peuple. Ils ont fait partie de la première occupation de la Kasbah et ils sont aussi dans la seconde et leur patte est visible dans le contenu des pancartes que les manifestants accrochent sur les murs: assemblée constituante, constitution, loi électorale, gouvernement de salut national, légitimité, épuration des institutions...
L'un d'eux, un jeune au bonnet de feutre et à l'élégante écharpe, déploie toute son éloquance pour expliquer que le contrat social a été violé par ceux qui ont tiré sur le peuple et que, pour cela, seul le peuple peut en élaborer un nouveau. Répondant à la question d'un des polémistes improvisés sur les pressions coloniales exercées par la France et les Etats-Unis, il répond avec une verve toute jacobine:
- La France a fait sa révolution en 1789 et nous, nous la faisons aujourd'hui. A partir de maintenant, ils devront nous traiter d'égal et à égal.
Personne ne peut dire qu'il y a quoi que ce soit de médiéval dans la révolution tunisienne, mais il y a bien un côté « XVIIIe siècle ». Et cet énorme retard de deux siècles, quand la postmodernité et la religion semblaient avoir érodé l'idée même du contrat social, nous semble une immense avancée. C'est juste une question de temps. Ensuite viendra la Commune et les Soviets et cette fois ci, cela se passera peut être à l'envers; c'est à dire à partir du droit et des gauches, comme cela doit être.
Avec l'activité fébrile d'une fourmillière pensante, les occupants de la Kasbah ont déjà dressé plusieurs jaimas. Sur l'une d'elles, au pied de la place du Palais Municipal, ils ont installé un pompeux et simple « Comité d'Information ». A l'intérieur, quatre jeunes aux vestes fluorescentes – un attribut d'identification improvisé – entourent un ordinateur et donnent des informations à ceux qui gardent l'entrée, chargés à leur tour de les transmettre aux participants:
- Ceux de Kasserine sont parvenus à passer! Dans une demi heure ils seront ici – et tous d'applaudir à cette nouvelle.
Mais, ensuite, ce n'est pas ceux de Kasserine qui arrivent, mais bien d'autres qu'on n'attendait pas, et ceux de Kasserine n'arriveront que beaucoup plus tard parce que la rapidité de l'information ne laisse jamais un récit complet. Un exemple: vers minuit, nous recevons l'information selon laquelle l'armée est en train d'évacuer la Kasbah de Tunis et de Sfax. Nous passons une heure d'angoisse jusqu'à ce que l'information soit démentie par téléphone. Ce qui s'est réellement passé c'est qu'un camion militaire a allumé son moteur et avant même qu'il puisse démarrer et abandonner tranquilement la place, l'information, déformée de manière menaçante, s'est déployée sur Facebook à une vitesse sidérale. Les informations, sur Facebook, sont souvent composées de « premiers gestes » et ces derniers volent et virevoltent comme des copeaux.
Facebook a été très important, cela ne fait pas de doute. Mais il est trop rapide. Et en pensant à la phrase des camarades du Front du 14 janvier hier (« la réalité va beaucoup plus vite que nous »), nous pensons qu'il ne s'agit pas seulement du problème qu'il n'y a pas de structure politique capable de recueillir l'impétuosité de la révolution, mais bien qu'il y a une structure technologique, préétablie et dont les avantages eux-mêmes, tellement utiles pour la mobilisation, mettent des limites à l'organisation. Il y a comme une compétition, ou un conflit, entre les territoires dans lesquels se déverse l'information digitale et ceux sur lesquels ont travaille de manière narrative (les murs, les pancartes, les nuits en commun, la fière revendication du peuple originaire) et la propre rapidité avec laquelle on parvient jusqu'à eux, à travers les messages par téléphone portable ou par internet. La réalité, c'est l'espace ou la rapidité? Parfois, nous craignons que ce qui est bon pour rassembler des foules serve précisément seulement à rassembler des foules. Et que, de manière étroite – organique même – la technologie liée au corps provoque cette confusion, et non le manque de partis, ce qui empêche de faire des projets.
Mais ces têtus de la Kasbah, qui font tellement « XVIIIe siècle », tellement peuple, continuent à raconter l'histoire avec leurs corps (qui laissent des traces partout).
Nous suivons un capitaine – si c'est bien le grade qui correspond à trois étoiles – qui circule parmi la foule. Nous l'avons déjà vu à d'autres reprises et il s'agit certainement de l'officier en charge de la compagnie qui garde la place. C'est un homme d'une cinquantaine d'années, à l'épaisse moustache blanche, un peu ventru, d'aspect très sympathique. Il traite avec énormément de familiarité tous ceux qu'il croise, comme s'il n'était qu'un manifestant parmi d'autres. Ce qui est curieux c'est qu'il ne se sent pas mal à l'aise et que les occupants ne se sentent pas intimidés. De fait, il est souvent abordé par des gens qui l'interpellent, lui demandent des comptes, lui donnent une petite tape sur l'épaule avec une ironie réprobatoire. Il répond avec tranquilité aux reproches, fait des plaisanteries et rit avec complicité. A un moment donné, un groupe un peu plus pressant l'entoure et lui reproche la passivité de l'armée face à l'assaut de la police l'autre fois.
- Vous devez protéger le peuple! - crie un homme.
- Mais vous n'êtes qu'une partie du peuple – répond le capitaine avec une patience un peu paternelle.
Et c'est alors qu'une femme plus âgée, qui se trouve à côté de nous, le fusille avec une colère majestueuse:
- Nous sommes la partie qui lutte, c'est seulement elle le peuple. Les autres, ceux qui ne luttent pas, ne sont pas le peuple.
Des incidents ont conclu hier soir la plus importante manifestation en Tunisie depuis la chute de Ben Ali. Des manifestants ont jeté des pierres sur le ministère de l’Intérieur et des soldats ont tiré en l’air pour tenter de les disperser.
100.000 personnes ont défilé dans l’après-midi pour réclamer le départ du gouvernement de transition, et en particulier du premier ministre Mohammed Ganouchi qui était déjà celui de ‘ex président.
Les Tunisiens ont fortement affirmé leur détermination à voir la révolution usurpée.
“Où sont les tribunaux de la République tunisienne ? Où est la justice pour plus de 170 martyrs ? Où sont les procès pour les assassins ?”, s’interroge un manifestant.
Depuis la fuite de Ben Ali, la mobilisation des Tunisiens n’a pas faibli. Le gouvernement a de son côté annoncé des élections au plus tard à la mi-juillet.
Les autorités tunisiennes de transition ont annoncé vendredi la saisie des biens mobiliers et immobiliers, ainsi que des avoirs de 110 anciens collaborateurs et membres de la famille du président déchu Ben Ali, dont son fils de 6 ans, selon l'agence TAP. Sur la liste diffusée par l'agence TAP figurent également les filles de l'ex-chef d'Etat : Halima, Nesrine et Dorsaf. Au moins 47 membres de la famille de Leïla Trabelsi, l'épouse influente de Ben Ali figurent aussi sur cette liste.
Le 19 janvier, la justice tunisienne avait ouvert une enquête pour "acquisition illégale de biens", "placements financiers illicites à l'étranger" et "exportation illégale de devises" à l'encontre de Ben Ali et de sa famille.
Alors qu'en Libye la contestation au régime de Khadafi s'étend désormais de l'ouest de Tripoli à Benghazi (suivre les évènements en direct), les Tunisiens et les Egyptiens continuent vendredi de battre le pavé pour défendre "leurs révolutions". Au Yémen, au Bahreïn mais également en Irak, les manifestations ne faiblissent pas.
TUNISIE : Une marée humaine contre Ghannouchi
Plus de 100 000 Tunisiens, selon la police, ont réclamé vendredi le départ du gouvernement de transition dirigé par Mohammed Ghannouchi, devant la Kasbah, épicentre de la contestation, où de nouveaux cortèges de manifestants affluaient encore en début d'après-midi. Selon des membres du Croissant-Rouge et des manifestants, il "s'agit de la plus grande manifestation depuis la chute de Ben Ali", le 14 janvier. Les manifestants sont venus affirmer que "leur révolution" qui a chassé du pouvoir le régime de Ben Ali "ne sera pas usurpée", avec des slogans tels que "Ghannouchi dégage", "Honte à ce gouvernement", ou encore "Révolution jusqu'à la victoire". En fin de journée, les forces de l'ordre ont procédé à plusieurs tirs de sommation à Tunis pour disperser les manifestants. Sous la pression populaire, qui dénonçait le maintien à des postes clés de caciques de l'ancien régime, M. Ghannouchi avait déjà remanié, le 27 janvier, un gouvernement formé dix jours plus tôt. Depuis, des élections libres ont été annoncées, avec une échéance fixée à six mois : vendredi le gouvernement transitoire a annoncé la tenue d'"élections au plus tard mi-juillet", sans préciser s'il s'agirait d'un scrutin présidentiel ou législatif. Dans la soirées, des journalistes de l'AFP ont fait état de poursuites entre des soldats, des policiers et des manifestants dans le centre de Tunis, alors que de fortes détonations pouvaient être entendues. Après des tirs d'armes automatiques précédés de tirs de sommation, les forces de l'ordre ont commencé à quadriller l'avenue Habib Bourguiba, et se sont lancés dans une course poursuite de manifestants dans les rues adjacentes. Des manifestants avaient volé auparavant des parasols et des chaises des cafés dans l'avenue Habib Bourguiba, où est située le ministère de l'Intérieur avant d'y mettre le feu en trois endroits le long de l'avenue Bourguiba. Ils cassaient également des pots de fleurs pour en faire des projectiles pour les jeter en direction du ministère de l'Intérieur.
Dans un communiqué publié jeudi soir, le ministère de l'intérieur a ordonné aux forces de sécurité de "redoubler de vigilance et de prendre les mesures requises pour contrôler tout élément terroriste" qui pourrait profiter des manifestations afin de s'infiltrer à Sanaa. Saleh avait auparavant ordonné aux "services de sécurité d'accorder une entière protection aux manifestants" et de prévenir tout affrontement. L'agence Saba rapporte que le président yéménite a chargé une commission présidée par le Premier ministre Ali Mohamed Megawar de recueillir les doléances des manifestants et d'ouvrir un dialogue avec eux. Dix-sept personnes ont été tuées depuis le début, il y a neuf jours, de la vague de contestation. Dans la ville portuaire d'Aden, un manifestant a été tué par la police lors de manifestations contre le régime, selon des sources hospitalières. Selon ces mêmes sources, Mohammed Ahmed Saleh, 17 ans, est mort à l'hôpital de la République, un établissement gouvernemental de la ville du sud du Yémen. Aden a été le théâtre de deux importantes marches et d'échauffourées avec la police qui ont fait 20 blessés, selon un nouveau bilan de sources médicales.
IRAK : Meurtrière "Journée de la colère"
La "Journée de la colère" contre l'impéritie du gouvernement irakien et la concussion a tourné à la violence avec la mort par balles de quinze manifestants dans tout le pays lors d'affrontements avec les forces de sécurité. Selon la police et les hôpitaux, il y a eu cinq morts à Mossoul (nord), deux à Hawija, dans la riche province pétrolière de Kirkouk, cinq à Tikrit et deux à Samarra (centre), et un jeune de 15 ans à Calar, une localité kurde dans la province de Diyala. Cela porte à 19 manifestants et un policier le nombre des tués depuis le début de la contestation il y a trois semaines. En outre, 134 personnes, dont 21 policiers et soldats, ont été blessées dans une dizaine de villes et quatre bâtiments publics incendiés. Dans cinq villes, dont la capitale, l'interdiction de circuler était maintenu jusqu'à samedi.
Ce vendredi, des rassemblements monstres réclamant la démission du gouvernement ont eu lieu dans toute la Tunisie. Dans la capitale, la police parle de 100 000 manifestants. Olfa Riahi, journaliste, a elle aussi défilé. Elle nous raconte pourquoi elle n'a pas l'intention de s'arrêter.
C'était le 14 janvier 2011. Nous étions 40 000 devant le ministère de l'Intérieur, 40 000 à revendiquer l'abolition du système Ben Ali.
25 février 2011. Ben Ali est bel et bien parti, mais son système résiste encore. C'est donc dans ce contexte-là que notre crise de confiance face au gouvernement de Ghannouchi atteint son apogée. Et la question que se posent certainement les lecteurs de cet article est : qui sommes-nous ?
Nous sommes des centaines de milliers de citoyens tunisiens contre ce gouvernement de transition. Nous sommes revenus à la place de la kasbah depuis dimanche dernier et depuis, nous ne l'avons pas quittée. Nous sommes, en ce vendredi, des centaines de milliers à manifester dans la capitale tunisienne mais aussi à Sfax, à Sousse, à Monastir…
Nous sommes en ce « vendredi de la colère » des centaines de milliers de citoyens tunisiens à manifester dans les rues du pays contre le gouvernement de Ghannouchi et tant que nous n'aurons pas gain de cause, nous resterons dans les rues.
Un premier gouvernement de transition a été mis en place, avec pour Premier ministre monsieur Mohamed Ghannouchi. La nouvelle nous avait laissés perplexes dès le premier jour, perplexes malgré l'honnêteté apparente du Premier ministre, perplexes parce que même en supposant qu'il est honnête, la symbolique était sans appel ! Nous ne voulions pas du Premier ministre de l'ancien dictateur.
Un mouvement de contestation permanent
Un mouvement de contestation avait donc commencé à peine une semaine après le 14 janvier. Une caravane baptisée « Caravane de la liberté » avait quitté le gouvernorat de Sidi Bouzid le 22 janvier, annonçant le premier sit-in de la kasbah.
Pendant cinq jours, des manifestants venus de toute la Tunisie appelaient à la démission du Premier ministre et de son gouvernement.
Le 27 janvier, le Premier ministre a répondu au sit-in en nommant un nouveau gouvernement de transition constitué de plusieurs technocrates, certes « propres » mais sans aucune expérience de la politique et débarqués de pays européens où ils vivaient depuis des décennies et donc déconnectés de la réalité du pays.
Le lendemain, les manifestants restés sur place ont été dispersés à coups de gaz lacrymogènes, de matraques et de pierres. Le gouvernement avait annoncé ne pas avoir donné l'ordre d'évacuer la place de la kasbah et avait promis d'enquêter sur ce qui s'est passé.
Depuis, et même si le mouvement de contestation n'a jamais vraiment cessé, bon nombre de citoyens ont décidé de donner une chance à ce gouvernement de transition et à ces technocrates « propres », des citoyens surtout inquiets par rapport au devenir de la Tunisie sur un plan économique et sécuritaire. Des citoyens qui sont tout de même restés très vigilants.
Un gouvernement « incompétent »
Trois semaines après, le mouvement de contestation reprend de l'ampleur car le gouvernement ne cesse de prouver son incompétence et son inefficacité.
Le silence médiatique des chaînes de télévision et des radios nationales interpelle.
Les prises de décision du gouvernement de transition par rapport aux revendications sociales et salariales interpellent aussi car un gouvernement de transition n'est pas habilité à prendre de telles décisions.
L'absence de carnet de route des commissions d'enquête et de réformes politiques.
La non-dissolution du Parlement et de la Chambre des conseillers.
La crise sécuritaire du pays.
La non-transparence vis-à-vis des nouveaux partis.
La nomination de nouveaux gouverneurs et haut responsables d'institutions publiques ayant des liens directs avec l'ancien régime.
L'absence de réaction diplomatique face aux attaques directes du leader libyen Kadhafi lors de son premier discours.
L'absence de réaction diplomatique face au non-respect des journalistes tunisiens par l'ambassadeur français Boris Boillon.
Les visites des Américains dont Feltman, et les sénateurs John McCain et Joseph Lieberman.
L'inefficacité du gouvernement de transition en matière de rapatriement des ressortissants tunisiens bloqués en Libye.
La Libye est coupée en 2. Mouammar Kadhafi s'est retranché à Tripoli alors que l'opposition progresse dans tout le pays. La situation inquiète de plus en plus le reste du monde.
Hier, le colonel Kadhafi s'est exprimé par téléphone à la télévision libyenne. Dans ce discours incohérent et paranoïaque, le dictateur libyen est prêt à tous les mensonges : Il accuse les manifestants d'être des jeunes drogués manipulés par Al-Qaida. Mouammar Kadhafi se serait retranché dans un bunker à Tripoli, et semble avoir totalement perdu le contrôle de la situation. Les menaces de répression sanglante proférées par Kadhafi mercredi n'ont pas eu l'effet escompté, et seul un très petit nombre de personnes a manifesté son soutien au "guide" de la Libye. Un des fils de Kadhafi, Seif El-Islam, qui avait déjà menacé le peuple , a déclaré à la télévision turque que la famille Kadhafi resterait en Libye jusqu'à la mort : "Vivre en Libye, ou mourir" , a-t-il déclaré. Et la répression continue, même si l'opposition progresse irrémédiablement.
Les opposants au régime de Kadhafi progressent dans tout le pays. L'armée et la police se seraient ralliées aux manifestants dans la ville d'Adjabiya dans l'est du pays. Musratha, la troisième ville de Libye située à seulement 150km de Tripoli, aurait été désertée par les fidèles de Kadhafi, et serait donc aux mains des manifestants, comme la majeure partie de la région est du pays. Les opposants ont appelé à "marcher sur Tripoli" , alors que la capitale est en état de siège. La répression continue un peu partout, les mercenaires de Kadhafi et les forces de sécurité libyennes restées fidèles à Kadhafi ont ordre de tirer sur les manifestants à la sortie des mosquées, ils n'hésitent pas stopper les ambulances, et à laisser ainsi les blessés et les tués dans la rue. On parle de "tueries de masse, d'arrestation arbitraire, de détention et de tortures des manifestants" . Des images non authentifiées feraient état de fosses communes à Tripoli. La Haut commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Navi Pillay, a déclaré que "les attaques massives et systématiques contre la population peuvent être assimilées à des crimes contre l'humanité"
Pendant ce temps, le rapatriement des 3600 étrangers encore présents en Libye continue. L'Italie prépare même une opération militaire pour évacuer des ressortissants bloqués sans nourriture dans le sud-est libyen. Pour contrer la répression très violente qui se prépare si les opposants tentent de prendre Tripoli, l'UE souhaiterait mettre en place une zone d'exclusion aérienne pour empêcher les avions libyen de bombarder le peuple. L'Europe ne peut pourtant pas intervenir directement, afin de ne pas être accusée d'ingérence dans la révolution libyenne. En France, l'ambassadeur de la Libye à Paris et son homologue auprès de l'Unesco ont démissionné, et des étudiants libyens ont pris possession de l'ambassade libyenne à Paris, pour tenter d'avoir des nouvelles de leurs familles. L'appel à "marcher sur Tripoli" a été lancé pour aujourd'hui, et cette journée pourrait être un nouveau tournant dans la révolution libyenne, de par la violence de la répression, mais aussi de par la détermination grandissante des manifestants.
Boris Boillon a été nommé ambassadeur de France en Tunisie le 26 janvier 2011. Depuis sa prise de fonction, le jeune diplomate enchaîne les bourdes et est fortement contesté. Planet.fr vous propose de revenir sur les faits reprochés à l'ambassadeur.
Boris Boillon, jeune diplomate de 41 ans, a été nommé au poste d'ambassadeur de France en Tunisie le 26 janvier 2011.
Cette nomination n'est pas au goût de tout le monde, le protocole habituel n'ayant pas été respecté.
Charles Crettien, un diplomate qui a été ambassadeur de France aux Emirats Arabes Unis, en Somalie, en Colombie et au Guatemala a ainsi exprimé sa désapprobation sur cette nomination dans le journal Le Monde : "On ne nomme pas un ambassadeur comme on nomme un préfet. La diplomatie est un dialogue avec un pays étranger, son gouvernement et son chef d'Etat. La nomination de Boris Boillon comme ambassadeur de France en Tunisie par le conseil des ministres du 26 janvier est la négation de ce principe élémentaire, elle est donc choquante voire dangereuse pour les relations à venir entre Paris et Tunis".
Il précise que "quand le gouvernement français envisage de nommer un nouvel ambassadeur dans un pays donné, la première démarche est celle de la demande d'agrément".
Nommer un ambassadeur sans avoir consulté le ministre des Affaires étrangères du pays serait contraire au protocole. Boris Boillon semble donc avoir été "parachuté" à son poste.
Comment est-il arrivé arrivé là ?
Admis au concours du ministère des Affaires étrangères en 1998, Boris Boillon a travaillé à l'ambassade de France à Alger, à Jérusalem, puis il devient chargé de mission au ministère de l'Intérieur.
En 2007, il est le conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy. Remarqué par le président de la République, il est nommé ambassadeur de France en Irak en 2009, puis en Tunisie.
Le Croissant rouge tunisien appelle l'Egypte à l'aide pour rapatrier ses ressortissants qui fuient par milliers en Tunisie les violences en Libye, via le poste frontalier de Ras Jedir, a déclaré aujourd'hui son responsable local, Mongi Slim.
"Il y a un problème de logements pour les Egyptiens à la frontière, ils sont en surnombre" par rapport aux capacités d'hébergement à Ben Guerdane, la première ville après la frontière tuniso-libyenne, a dit M. Slim, président du comité régional du Croissant rouge tunisien. "Entre hier à minuit et aujourd'hui à 10 heures locales, 4.400 égyptiens ont franchi la frontière à Ras Jedir" et le "flux continue", a ajouté M. Slim."C'est urgent, il faut que les Egyptiens envoient des avions ou des navire pour ramener chez eux leurs ressortissants", a encore indiqué ce responsable.
Actuellement, les Egyptiens sont hébergés à Ben Guerdane, dans une maison de la culture, un lycée, et dans un camp militaire pouvant accueillir 350 personnes. "Il n'y a pas assez de matelas ni de couvertures", a souligné Mongi Slim."Nous les avons aussi répartis à Djerba, Zarzis, Medenine, y compris dans des résidences privées", a-t-il ajouté, précisant que le "nombre d'Egyptiens arrivés à la frontière est en augmentation alors que celui de Tunisiens est en baisse".
Près de 20.000 personnes ont fui la Libye par la route depuis le 20 février pour se rendre en Tunisie via le principal poste frontalier de Ras Jedir, a déclaré hier un colonel de la protection civile tunisienne, Malek Mihoub.
Alors que le mouvement de contestation se rapproche de Tripoli, Mouammar Kadhafi a fait son deuxième discours depuis le début de la révolte par téléphone, sans apparaître à l'écran, pour tenter de discréditer le mouvement.
"Ils ont 17 ans. On leur donne des pilules la nuit, on leur met des substances hallucinogènes dans leurs boissons, leur lait, leur café, leur Nescafé", a affirmé Mouammar Kadhafi, qui a perdu le contrôle d'une grande partie de son pays. Assurant que le mouvement était dû à une manipulation extérieure, le dirigeant libyen a invité la population à ne pas se laisser influencer par Al-Qaida. "Ben Laden […], voilà l'ennemi qui manipule le peuple", a lancé Mouammar Kadhafi.
"Aucune personne saine" ne devrait rejoindre les rangs de la révolte, a-t-il dit, en invitant la population à désarmer les contestataires. Le dirigeant a présenté ses condoléances aux victimes des affrontements et il a appelé au calme les personnes qui, selon lui, se battent entre elles.
Le soulèvement ne cesse de gagner du terrain et des affrontements ont eu lieu à Zaouiyah, à une cinquantaine de kilomètres seulement de la capitale. Des témoins ont fait état de tirs nourris d'armes lourdes et de scènes de chaos dans la ville, qui se trouve sur le principal axe routier reliant la frontière tunisienne à Tripoli. Elle abrite notamment un terminal pétrolier. Des images diffusées jeudi par la chaîne Al-Jazira montrent un poste de police en feu et une vingtaine de cadavres dans la ville.
Túnez, 22 feb (PL) El Gobierno provisional de Túnez prosiguió hoy las gestiones diplomáticas ante Arabia Saudita para extraditar al ex presidente Zine El-Abidine Ben Ali, mientras tramitó la disolución de la otrora gobernante Reagrupación Constitucional Democrática (RCD).
Fuentes judiciales declararon a la agencia estatal de noticias TAP que el gabinete del primer ministro interino, Mohamed Al-Ghannouchi, "hizo una solicitud oficial a las autoridades sauditas a través de canales diplomáticos para extraditar a Leila Trabelsi".
Trabelsi es la esposa de Ben Ali, quien huyó al reino wahabita el 14 de enero pasado tras ser derrocado por una revuelta popular, y a ambos se les imputan cargos de malversación, desfalco al erario público y corrupción que supuestamente le permitieron amasar una jugosa fortuna.
La cancillería de Túnez también había pedido a su similar de Riad la repatriación de Ben Ali, de 74 años, por su presunto involucramiento en "numerosos delitos serios dirigidos a perpetrar e incitar homicidio voluntario y sembrar la discordia" entre la ciudadanía de este país.
El reclamo de la justicia se concretó a pesar de rumores circulados la semana pasada de que el ex mandatario había caído en coma luego de sufrir un derrame cerebral y era tratado en un hospital de la ciudad saudita de Jeddah, donde reside.
Otro pedido anterior hecho a la Unión Europea permitió congelar en enero las cuentas y demás bienes de Ben Ali y 46 personas de su entorno en países del Viejo Continente, sobre todo en Francia, la ex metrópoli colonial de Túnez.
Entretanto, el ministro del Interior, Farhat Rajhi, anunció el lunes que había demandado formalmente al Tribunal de Primera Instancia de Túnez la disolución de la RCD, el partido con el cual Ben Ali gobernó durante 23 años esta nación maghrebí.
La decisión se conoció dos semanas después de que se decretó la suspensión provisional de todas las actividades y se cerraron las oficinas de esa agrupación, fundada en 1988 y cuya membresía se estimaba en unos dos millones, casi una quinta parte de la población nacional.
El pueblo de Túnez está saliendo de un largo periodo durante el cual se le ha negado su dignidad y tiene grandes expectativas de que los nuevos líderes protejan y respeten sus derechos humanos, una aspiración que debe ser apoyada.
Así se expresó el equipo de expertos de la Oficina de la Alta Comisionada de la ONU para los Derechos Humanos que visitó ese país para evaluar la situación de esas garantías tras la caída el mes pasado del régimen del presidente Zine El Abidine Ben Ali, quien gobernara el país 23 años.
La misión sostuvo que los derechos humanos serán básicos para la construcción del futuro de Túnez y subrayó la importancia crear un nuevo marco legal que establezca la separación clara de poderes del gobierno.
En conferencia de prensa en Ginebra, Mona Rishmawi, experta de la ONU en estado de derecho e integrante de la misión, dijo que los tunecinos esperan que el Estado trabaje para ellos, no contra ellos, y que adopte leyes, políticas y estrategias que rindan resultados tangibles.
“Esperan procesos transparentes e incluyentes que permitan que sus voces sean oídas y tomadas en cuenta. Esperan debates públicos y amplios, y un gobierno responsable que proteja los derechos humanos y la justicia social”, puntualizó Rishmawi.
En su informe, los expertos solicitaron que se investiguen las denuncias de violaciones de las garantías fundamentales cometidas durante las manifestaciones contra el régimen de Ben Ali, que se juzgue a los responsables y se compense a las víctimas.
Asimismo, urgieron al nuevo gobierno a tomar medidas concretas e inmediatas para reducir las disparidades en los estándares de vida de la población.
GINEBRA (Reuters) - El Gobierno interino de Túnez va por el buen camino hacia la democracia, pero el ex partido gobernante, el aparato de seguridad o la élite corrupta podrían revertir unos avances precarios, advirtió el jueves Naciones Unidas.
Responsables de derechos humanos de la ONU pidieron más reformas en el país norteafricano antes de unas elecciones libres y justas que dicen podrían celebrarse en unos meses y estar abiertas a todos los partidos políticos.
Al menos 147 personas murieron y 510 resultaron heridas en los disturbios que llevaron al derrocamiento del presidente Zine al-Abidine Ben Ali el mes pasado, después de 23 años de mandato caracterizados por la represión y la corrupción, dijeron.
"No se debe permitir a fuerzas desestabilizadoras revertir la situación", dijeron los responsables de la ONU en un informe sobre su misión a Túnez entre el 26 de enero y el 2 de febrero.
"Algunos elementos en la sociedad, supuestamente leales al ex presidente Ben Ali, han intentado sembrar inestabilidad, para crear caos, y para desacreditar las manifestaciones pacíficas y las peticiones de reforma. Sus actividades siguen poniendo en peligro las mejoras", agregó.
El Ministerio del Interior de Túnez presentó una solicitud para la disolución de la Reagrupación Constitucional Democrática (RCD), de Ben Ali, después de acusaciones de que sus miembros trataban de desestabilizar el país, informaron medios estatales.
Los poderosos servicios de seguridad, a los que se culpa de muchos abusos, y una élite corrupta que todavía controla gran parte de la vida económica del país, también suponen un riesgo, según Mona Rishmawi, jefa del Alto Comisionado de la ONU para los Derechos Humanos, en una sesión informativa.
"Nos gustaría que se estabilizara el gobierno y no somos ingenuos de pensar que en este proceso no habrá dificultades porque los poderes que existen son grandes", agregó.
Las autoridades encargadas de la transición están celebrando amplias consultas, los partidos políticos se están registrando y la Constitución tiene que modificarse para permitir un sistema multipartidista, agregó.
Los responsables de la ONU también pidieron a las autoridades tunecinas que abran investigaciones judiciales sobre las denuncias de violaciones a los derechos humanos, persigan a los autores y compensen a las víctimas.
"Necesitan darse pasos inmediatos para asegurar que no se alteren o destruyan las evidencias de abusos a los derechos humanos. Mientras estábamos en el terreno, la delegación escuchó rumores de que algunos archivos ya se habían quemado o saqueado", sostuvo el informe de 18 páginas.
Los trabajadores inmigrantes tunecinos que huyen de la violencia en la vecina Libia están volviendo a sus casas en masa.
"El regreso de miles de tunecinos constituirá un gran desafío en términos de estabilidad, en términos de la situación social y económica en Túnez", dijo Frej Fenniche, jefe de la sección de la oficina de derechos humanos de la ONU para Oriente Medio y el norte de Africa.
El Alto Comisionado de Naciones Unidas para los Refugiados (ACNUR) ha celebrado este jueves la decisión de Túnez y de Egipto de mantener abiertas sus fronteras para acoger a las personas que huyan de Libia como consecuencia de la violenta represión de las manifestaciones antigubernamentales por parte del régimen que lidera Muamar Gadafi.
La agencia de Naciones Unidas ha resaltado la importancia de esta apertura de fronteras "habida cuenta de los numerosos informes acerca de violencia y abusos contra los Derechos Humanos en Libia". En su opinión, "es imperativo que las personas que salen del país puedan ponerse a salvo en lugares seguros".
A petición del Gobierno de Túnez, ACNUR ya ha desplegado equipos en el punto fronterizo de Ras Adjir, situado entre Libia y Túnez, donde está trabajando en coordinación con la Media Luna Roja tunecina y las autoridades locales.
Los equipos de Naciones Unidas seguirán de cerca la situación e identificarán a aquellas personas más vulnerables que necesiten asistencia inmediata, como los menores no acompañados, mujeres con niños o ancianos. ACNUR envió ayer otro equipo a la zona.
El personal de la agencia de Naciones Unidas ha constatado que se está registrando "un flujo constante" de personas que huyen de Libia desde el martes, en su mayoría ciudadanos tunecinos que trabajan en el país vecino. También están llegando ciudadanos libios, turcos, marroquíes y nacionales de países de Oriente Próximo y de África occidental.
ACNUR ha explicado que las personas que cruzan la frontera se están alojando en hostales de la zona limítrofe, albergues y en casas de familias de la comunidad local. Además, ha indicado que el Ministerio de Defensa tunecino ya ha localizado una zona para instalar un campamento provisional para atender una eventual gran afluencia de personas.
La agencia de Naciones Unidas ha asegurado que trabajará "en estrecha colaboración" con el Gobierno de Túnez para la construcción de esta nueva infraestructura para dar refugio a los recién llegados y ha informado de que este fin de semana aterrizará en este país magrebí uno de sus aviones con tiendas de campaña y otro tipo de material humanitario de emergencia para dar asistencia a unas 10.000 personas.
Según los medios, esta segunda parte del viaje de Zapatero tendrá un marcado acento económico, ya que el jefe del gobierno español tendría previsto visitar la Feria Gulf Food, dedicada este año al sector alimentario español.
Madrid.- El presidente del gobierno español, José Luis Rodríguez Zapatero, viajará el domingo a Túnez convirtiéndose en el primer jefe de un ejecutivo occidental en viajar a ese país, desde la caída del régimen Zine el Abidine Ben Alí, informó este miércoles una fuente gubernamental.
Zapatero se reunirá en Túnez "con responsables del gobierno, de la oposición y actores reformistas", dijo esta fuente sin dar mayores precisiones, aunque la prensa española señala que el jefe del ejecutivo español se reunirá con el primer ministro del gobierno provisional tunecino, Mohamad Ghanuchi, informó AFP.
Será "el primer presidente de un gobierno occidental que va a Túnez" desde que el 14 de enero el ex presidente Ben Ali abandonó el país tras cuatro semanas de revueltas sin precedentes que llevaron a la caída de su régimen.
Tras su estancia en Túnez, Zapatero también viajará el lunes a Qatar y el martes a los Emiratos Arabes Unidos.
Según los medios, esta segunda parte del viaje de Zapatero tendrá un marcado acento económico, ya que el jefe del gobierno español tendría previsto visitar la Feria Gulf Food, dedicada este año al sector alimentario español.
Après un mois et demi de la chute du régime de président Ben Ali, la Tunisie est loin d'avoir réglé ses comptes avec le passé. Un grand nombre de Tunisiens continuent de se mobiliser pour donner suite à la révolution. Près de 600 personnes, se succèdent où se croisent, défilant du ministère de l'Intérieur au Théâtre de la Ville et même à la Place du Gouvernement La Kasba, les lieux de tous les rassemblements. Le scénario se répète chaque matin depuis le 14 janvier, date de la révolution du peuple tunisien.
Alors, certains parmi eux exigent le départ du Premier ministre, Mohamed Ghannouchi. D'autres, demandent l'assurance que le caractère laïc du pays ne sera pas remis en question. Quant à eux, les islamistes demandent l'ouverture complète des mosquées, jusque-là uniquement accessibles aux heures des prières.
Actuellement, la plupart des policiers ont été désarmés, sur ordre du gouvernement. Ils patrouillent désormais sur l'avenue Habib Bourguiba en portant à la taille des holsters vides qui baillent sur leur pantalon. Mais cela n’empêche que la police politique n'a pas encore disparu. Ils se font discrets. Le système, selon les manifestants, s'est effondré mais les hommes qui le servaient sont toujours là.
Tous les Tunisiens ont soutenu la Révolution du 14 janvier et participé à son avènement. Pas un Tunisien ne manque à l'appel pour dénoncer le régime mafieux et la corruption instituée à la société. Pourtant, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti fondé par le président déchu, comptait 2 millions de membres. Deux millions de Tunisiens encartés par le pouvoir sur les onze qui vivent dans le pays ! La question qui se pose maintenant est la suivante : Où sont-ils passés ? Malheureusement, pas de réponse !
Juste avant cette révolution, la Tunisie était le pays le plus stable du monde arabe. C'est ce qui explique l'affaire Alliot-Marie. La ferme conviction que rien ne pouvait arriver ici, l'incompréhension de ce pays par l'extérieur et par ses élites. Maintenant, il va falloir organiser la coexistence de communautés qui se méfient les unes des autres. Les chrétiens, les juifs, les Noirs tunisiens, les Berbères, les anciens RCD, les islamistes, les personnes torturées, etc. La Tunisie nouvelle doit prévoir des frictions entre tous ceux-là.
Néanmoins, la situation actuelle est dangereuse, surtout qu’il n'y a pas de programmes social et économique. Cela risquerait de laisser le pays pourrir, pour de longues années, dans l'état de suspicion générale. La tâche n'est pas facile. C’est une tâche qui demande l’union et la solidarité du peuple tunisien afin de rendre notre Tunisie stable, démocrate et libre.