Environ 50.000 personnes ont quitté la Libye par le petit poste frontalier de Ras Jédir.
Les quelques centaines de la semaine dernière sont devenues des milliers, et la Tunisie fait à présent face à un flux croissant de réfugiés en provenance de Libye. Derrière les barrières du poste-frontière de Ras Jédir, une foule de plusieurs milliers de personnes se masse, attendant de pouvoir entrer en territoire tunisien. Des hommes jeunes dans leur grande majorité, les premiers sont assis, l'air résigné, leur passeport à la main. Derrière eux, les rangs sont serrés, et grossissent. La plupart ont mis plusieurs jours à atteindre le poste-frontière. Ils portent des sacs poussiéreux, des valises et des couvertures synthétiques.
Les douaniers libyens ne contrôlent plus les sorties de leur territoire. Personne n'est sûr qu'ils soient encore là. De leur côté, les policiers et les gendarmes tunisiens tentent d'organiser le passage. «Doucement, doucement», répète un officier de gendarmerie tunisien dans un haut-parleur. Des ONG lancent dans la foule des bouteilles d'eau et des biscuits, aussitôt saisis par des dizaines de mains. «On en a eu 12.825 lundi. Sans doute encore plus aujourd'hui, dit un responsable des douanes tunisiennes. Environ 50.000 personnes ont quitté la Libye par ce poste-frontière. Ça commence à devenir problématique.»
Des bateaux affrétés
Ras Jédir était il y a encore deux semaines un petit poste-frontière endormi. C'est à présent un immense embouteillage de gens, de voitures et de cars. Le sol est jonché de détritus et de bagages abandonnés que des volontaires dégagent à la fourche. L'armée tunisienne a installé un peu plus loin sur la route un hôpital de campagne et des tentes. Mais le nombre de réfugiés dépasse toutes les prévisions. Petit pays riche en pétrole, la Libye est depuis longtemps un gros employeur de main-d'œuvre étrangère.
Originaires du Moyen-Orient ou d'Asie du Sud-Est, elle fournissait les bras à tous les secteurs de l'économie, du bâtiment à l'industrie pétrolière. Certains arrivent à la frontière avec leurs outils, confisqués par la police tunisienne, qui empile truelles et marteaux sur des tas qui ne cessent de grossir.
La très grande majorité d'entre eux sont des Égyptiens. «On a quitté Tripoli il y a quatre jours», dit Mina Saïd, un maçon originaire du Caire. Lui et ses amis sont assis, enroulés dans leurs couvertures contre les bourrasques chargées de sable qui giflent le visage. «On a d'abord essayé de partir par l'aéroport. Mais c'était le chaos là-bas, des milliers de gens attendent des avions qui n'arrivent pas. On a été dévalisés par des Libyens en civil. Ils nous ont pris tout notre argent et nos téléphones portables. Il y a encore beaucoup de gens coincés en Libye qui cherchent à fuir. Ça ne fait que commencer.»
Aïd Ahmed, un menuisier originaire de Damiette, est prêt à retourner en Libye «une fois que Kadhafi sera parti. Les salaires sont plus élevés là-bas. Et dans l'ensemble, les Libyens sont plutôt accueillants. On attend maintenant de pouvoir rentrer en Égypte. Notre ambassade à Tunis ne fait rien pour nous aider». En plus des Égyptiens, des Chinois, des Vietnamiens, des Thaïs et des Bengalis, des Maliens et des Ghanéens, des Tchadiens et des Soudanais arrivent en masse.
Aubaines sur les marchés
La situation commence à inquiéter les autorités tunisiennes. Les premiers réfugiés ont été renvoyés par avion. Devant leur nombre, on commence à affréter des bateaux. «On va vite être débordés. Encore quelques jours, et il nous faudra de l'aide internationale», dit un policier tunisien.
D'autres profitent de l'aubaine. Les camions libyens chargés de marchandises soudain exemptées de taxes douanières déchargent leurs cargaisons sur les marchés de Ben Gardane, la ville tunisienne voisine. Les taxis tunisiens, mais aussi des particuliers, affluent avec leurs véhicules pour transporter des réfugiés, ajoutant encore un peu au chaos.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire