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dimanche 20 février 2011

Contestation anti-gouvernementale à Tunis



Quelque 4000 Tunisiens manifestaient dimanche à Tunis pour réclamer la démission du gouvernement de transition
"Gouvernement de Ghannouchi dégage !", scandaient notamment les manifestants qui se dirigeaient vers la Kasbah, haut lieu de la contestation de janvier.

Outre la démission du gouvernement de transition dirigé par Mohamed Ghannouchi, les protestataires demandaient l'élection d'une assemblée constituante et un système parlementaire.

La manifestation se déroulait sans violences. Des hélicoptères tournoyaient dans le ciel, deux blindés de l'armée étaient déployés sur la place que policiers et militaires surveillaient de loin. Elle avait commencé en fin de matinée sur l'avenue Habib Bourguiba, haut  lieu de la contestation qui a provoqué la chute du président Zine El Abidine Ben Ali.

Manif samedi pour la laïcité
Ils étaient déjà des centaines, samedi, dans la capitale tunisienne, pour demander "une Tunisie laïque", après l'assassinat d'un prêtre polonais et l'attaque d'une rue de prostitution par des islamistes. Le gouvernement tunisien et le mouvement islamiste Ennahda avaient condamné samedi le meurtre d'un prêtre polonais vendredi près de Tunis.

"Arrêtez vos actes extrémistes", "Laïcité= liberté et tolérance", pouvait-on lire sur des panneaux brandis sur l'avenue Bourguiba. "Nous avons appelé à cette manifestation pour montrer que la Tunisie  est un pays tolérant qui refuse le fanatisme et afin de renforcer la laïcité dans la pratique et dans la loi", a déclaré un blogueur de 29 ans, Sofiane Chourabi.

Condamnations après le meurtre d'un prêtre polonais
Le gouvernement tunisien a condamné samedi l'assassinat d'un prêtre polonais vendredi près de Tunis. Le mouvement islamiste Ennahda a également "vivement" condamné ce meurtre. Le père Marek Rybinski, 34 ans, a été retrouvé égorgé vendredi matin dans le garage d'une école religieuse privée, où il s'occupait de comptabilité, située dans la région de La Manouba, près de Tunis.

Dirigée par trois prêtres de la communauté salésienne à Manouba, près de Tunis, dont l'un a été assassiné, l'école privée avait reçu des menaces de mort dans une lettre confuse adressée aux "Juifs", a déclaré samedi son directeur à l'AFP. "Attention les Juifs. On a mis des caméras et des micro chez vous. Mettez tout ce que vous avez d'argent dans un sac rouge et donnez-le à un ouvrier de chez vous (...) avant midi. Aucun coup de téléphone sinon ça sera la guerre entre nous et la mort", dit la lettre de menace anonyme avec une croix gammée glissée entre les barreaux de la grille de l'école le 30 janvier et transmise par le père Mario Mulestagno. Une plainte avait été déposée à la police.

Au lendemain du meurtre, le ministère des Affaires religieuses a réaffirmé samedi son attachement à "la liberté du culte aussi bien au niveau des croyances qu'au niveau des pratiques" et regretté que "de tels agissements aient eu lieu dans un pays qui s'attache au principe du respect d'autrui et au droit à la différence".

Vendredi, le ministère de l'Intérieur tunisien, qui "dénonce vigoureusement" ce crime, a souhaité rassurer les ressortissants étrangers et les Tunisiens, affirmant qu'il mettrait "tout en oeuvre" pour garantir leur sécurité. "C'est un groupe de terroristes fascistes ayant des orientations extrémistes qui est derrière ce crime compte tenu de la façon dont il a été assassiné", a dit le ministère de l'Intérieur, selon qui les auteurs seront "sévèrement punis". Le communiqué du ministère de l'Intérieur cité par la TAP ne dit pas s'il soupçonne des extrémistes islamistes, mais il accuse ces extrémistes de profiter d'une situation exceptionnelle pour perturber la sécurité et plonger le pays dans la violence.

Il s'agit d'"un acte à caractère criminel", a estimé le ministère polonais des Affaires étrangères. Le maire socialiste de Paris Bertrand Delanoë, en visite en Tunisie, "condamne (ce) crime horrible". Il s'agit d'un "acte inqualifiable, contraire à l'identité du peuple tunisien tolérante et fraternelle", ajoute-t-il dans son communiqué souhaitant que "toute la lumière soit faite". C'est le premier meurtre à la fois d'un religieux et d'un étranger depuis la chute du régime de Ben Ali le 14 janvier.

La Manouba, ville de la banlieue nord-ouest de Tunis, est connue notamment pour son important campus universitaire. La Manouba faisait partie des résidences d'été des beys de Tunis.

Des islamistes attaquent une rue de prostituées
Vendredi après-midi à Tunis, "des islamistes ont tenté d'entrer dans la rue Abdallah Guech pour l'incendier", a déclaré à l'AFP un policier tunisien sous couvert de l'anonymat. Une des principales maisons closes de Tunis est située dans cette rue proche de la Medina. "Des habitants les ont empêchés de rentrer dans cette rue jusqu'à l'arrivée des agents des forces de l'ordre qui ont bloqué l'entrée en interdisant tout passage. Ils ont ensuite réussi à disperser ces manifestants", a ajouté le policier. Les islamistes avaient auparavant manifesté dans le centre-ville en criant "Non aux lieux de prostitution dans un pays musulman".

La semaine dernière, la communauté juive de Tunisie avait exprimé son inquiétude au gouvernement après des incidents antisémites devant la grande synagogue de Tunis. "Là, nous sommes dans la vigilance", a répété vendredi le président de la communauté Roger Bismuth. "C'est l'oeuvre de salafistes, les plus extrémistes des islamistes formés par les wahhabites, mais il n'y a pas de terreau en Tunisie pour le développement du salafisme", a-t-il ajouté.

Le gouvernement réagit face à l'instabilité
Conscient du vide sécuritaire prévalant depuis la chute du régime, le gouvernement avait décidé la semaine dernière de rappeler des réservistes partis à la retraite depuis cinq ans qui ont rejoint l'armée mercredi. Le gouvernement est confronté chaque jour à l'instabilité avec de nombreux braquages à main armée, des manifestations de Tunisiens réclamant desespérément une aide sociale et à l'immigration clandestine de milliers de Tunisiens partis chercher un emploi en Europe.

Pour tenter d'apaiser les tensions sociales et répondre aux demandes d'une population exaspérée par le chômage (14%, le double pour les jeunes), le gouvernement a annoncé vendredi une série de mesures d'aide sociale d'urgence à destination des plus défavorisés (allocations financières, titularisation d'ouvriers de chantier, attribution de cartes de soins gratuits). Il a aussi appelé les partenaires sociaux à entamer les négociations dans le privé et le public, demande majeure de la puissante centrale syndicale UGTT, selon son porte-parole Taieb Baccouch.

Enfin, le gouvernement a adopté samedi l'amnistie générale des prisonniers politiques. Un décret-loi doit être annoncé dans les "tout prochains jours".

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