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vendredi 17 juin 2011

Les jeunes progressistes tunisiens à la rencontre de la population àprès la révolution (Interview Ettajdid)

Cet article est issue d’un séjour en Tunisie dans le cadre de mes études. Ces propos, fortement partisan, n’engagent que son auteur
Enthousiaste et renforcée dans ses convictions démocratiques. C’est l’état dans lequel on se sent après avoir passé trois heures auprès des jeunes militants d’Ettajdid. Leurs local se situe –sa ne s’invente pas- au 7 rue de la liberté à Tunis. Je conseille le déplacement à tous ceux qui, écœurer par la morosité de l’ambiance politique, serait tenter de baisser les bras. Le remède est extrêmement efficace. Après sa ni l’indécence de notre gouvernement et de nos ministres condamnées, de nos débats sur l’identité nationale, ni la médiocrité idéologique de PS, ni l’abstention grandissante ne paraitront insurmontable.
Après un échange bref avec quelques militants j’engage la conversation avec une jeune adhérente –25 ans maximum- qui me raconte l’histoire de l’organisation.
En 1991 le parti communiste fait le choix de s’ouvrir et de s’adapter à la société tunisienne dans sa composante progressiste. On enterre l’ancien PC pour fonder « le mouvement Ettajdid » (renouveau, de Tajdid, nouveau en arabe). En 2004 une invitation à rejoindre le mouvement est lancée à la société civile et aux indépendants. Ils promettent aux nouveaux venus une large part dans les instances dirigeantes de l’organisation. Promesse tenue, 50% des membres du bureau national actuel ne sont pas issue de l’ancienne organisation. Le parti à réussi son pari, construire une force politique imposante et unifié, qui soit à l’image de la Tunisie progressiste.
L’organisation, tolérée sous Ben Ali, n’a pas attendu la révolution pour s’opposer au régime. En 2004 et 2009 elle présente et maintien des candidats aux élections présidentielles. Ses détracteurs l’accuseront de se prêter à la mascarade démocratique et de faire le jeu du régime. La jeune fille ne l’interprète pas de cette manière. « Nous ne nous faisons pas d’illusion sur la nature des élections. Mais c’était une occasion de descendre sur le terrain et de parler aux gens. Alors on s’est dit on y va...et on y est allé »
Bien que semi légal le parti n’a pas été épargnée par l’ancien régime. Ses militants sont sans cesse sur écoute téléphonique et subissent les arrestations arbitraires et les humiliations. Elle me raconte comment la police politique surveillait en permanence le local et le logement des cadres. Mais elle décrit surtout la chape de plomb qui caractérisait la société tunisienne : «certaines personnes refusait de nous parler, beaucoup refusait les tracts et changeait de trottoir en nous voyant. Mais certaines personnes venaient nous voir, nous soutenait et appréciait notre démarche ».
« J’y ais toujours cru c’est ce qui ma pousser à continuer à lutter. De toute façon nous avions décidée depuis 1993 de n’avoir « plus jamais peur »* En 2009 nous avons été l’un des seuls parti à nous déplacer en masse pour soutenir les mineurs de Gafsa. »**
Pour elle la révolution tunisienne est la conséquence de la confiscation du pays par les Ben Ali-Trablesi. Une économie à bout de souffle, gangrénée par la corruption et le clientélisme, le détournement de la richesse du pays au profit d’une classe mafieuse, l’impossibilité d’investir sans appartenir au parti unique, le mal être d’une génération touchées de pleins fouet par le chômage, des diplômés sans débouchée dans un système ou l’armée et la police sont les seules moyens de promotion sociales…Autant de facteurs d’un mal être qui éclatera en janvier 2011. Le cri des manifestants bravant la police me reviens en tête : « vous pouvez tirer nous sommes déjà mort ».
Nous parlons de Bourguiba et de l’histoire de la Tunisie. Sa position sur le père de l’indépendance est nuancée. « Il a certes mis en place le système autoritaire mais il n’a jamais détournée le pays pour ses propres intérêts. Et il a permis aux tunisiens et au tunisienne d’accéder à des droits introuvable ailleurs sur le continent ». Elle fait ici référence au code civil et au statut des femmes très progressistes dans le pays.
Comme pour de nombreux tunisiens l’armée reste pour elle une référence, une « armée du peuple » Elle décrit comment l’armée à refuser d’obéir aux ordres en choisissant de ne pas tirer, accélérant ainsi la chute du régime. Elle décrit aussi les scènes d’émeutes ou les militaires ce sont interposés entre la police de Ben Ali –qui elle tire à balle réelle- et les manifestants. Plus tard on me racontera une anecdote similaire, celle de manifestants allant embrasser les soldats et leurs donnants des gerbes de fleurs.
La stratégie d’Ettajdid pour la constituante repose sur un seul principe : L’union des progressistes. « L’enjeu est trop important pour des querelles partisanes, on ne vote pas un programme économique, il s’agit de choisir le régime dans lequel nous voulons vivre. Actuellement on s’en fiche de l’avenir du parti, nous devons construire une constitution qui garantisse un pays libre moderne et démocratique ». Je me surprends un instant à rêver d’Ettajdid au front de Gauche.
Ils refusent cependant que les partis d’anciens RDCistes rejoignent l’alliance. Le puissant PDP et l’Afek ne sont pas conviés non plus car jugés trop libéraux. Je lui demande quelle position elle à vis-à-vis des islamistes « modérées »- pour reprendre l’expression d’une presse européenne mal informées- « Sa ne sont pas des démocrates, nous n’avons rien à voir avec eux. La loi et la constitution ne peuvent pas s’inspirer de la sharia ». Elle dénonce ensuite le double discours de l’organisation qui parle des droits de l’homme sur les plateaux télé avant de prêcher la sharia dans les quartiers. Elle insiste cependant à leurs droits à participer aux élections, tant qu’ils respectent le jeu constitutionnel. « Humainement je n’ai rien contre eux, c’est politiquement que nous avons des désaccords ». Le parti a en effet défendu ses pires adversaires lorsqu’ils subissaient la torture sous l’ancien régime. « Au nom des droits de l’homme tout simplement » précise-t-elle.
Les droits de la femme tunisienne sont aussi un point clef du programme du parti. Il défend la parité et à peser de tout son poids, avec succès d’ailleurs, pour obtenir la parité dans les listes candidate à la constituante. Elle me parle ensuite du volet écologique du programme. Ils ont signé un appel de la société civile pour le respect des droits de l’écosystème dans la nouvelle constitution. Elle passe d’un sujet à l’autre extremement vite comme si dans son enthousiasme elle ne voulait rien n’oublier.
On en vient à parler de la laïcité. Elle préconise un état qui prend en charge la religion et l’éducation, qui garantisse le respect de la liberté de culte notamment pour les communautés chrétiennes et juives, le droit de se voiler comme de se voiler (le voile est rependu en Tunisie notamment chez les femmes âgées).La Burka par contre non : « C’est une horreur et sa n’est même pas une prescription de l’Islam ». Je pose enfin la question fatidique. Alors laïque finalement ? « Non nous somme un pays arabo musulman. Mais nous souhaitons un état civil ou les lois ne s’inspire pas de la sharia ». Je ne peux m’empêcher que tout cela ressemble fortement au modèle de laïcité turque. Si le mot n’y est pas les principes en sont imprégnés. Et c’est déjà franchement pas mal.
Extrêmement confiante en l’avenir de la Tunisie elle m’explique que « même si Ennadha passe les tunisiens ne se laisseront pas voler leurs droits. Toute ces partis, ses syndicats, cette liberté d’expression, tout ces blogs ces discussions dans la rue… Plus jamais la Tunisie ne baissera la tête face à un tyran ». Je lui fais remarquer que l’explosion démocratique -120 partis en 4 mois- laisse perplexe un bon nombre de ces concitoyens. « Mais c’est naturel, me répond t’elle, les tunisiens veulent se réapproprier leurs démocratie. C’est aussi le contrecoup de la révolution les gens se sentent coupable de ne pays y avoir cru. Surtout les adultes ». Je pourrais lui faire remarquer qu’elle n’est plus mineure depuis quelques années déjà, mais cette bande militante incarne vraiment bien la jeunesse. « Nous menons un combat d’idée mais c’est avant tout des valeurs que nous défendons. La démocratie passe par la tolérance. C’est la condition pour que les tunisiens restent unis ».
Je lui demande ce qu’ils disent en 1er au jeunes qu’ils rencontrent : « de suivre ce qui se passe dans la société, d’aller voter, de s’impliquer. D’assumer les acquis de cette révolution. Allez voter pour qui vous voulez mais aller voter ».
Je récupère un coupon de présentation du mouvement. La devise prône « des citoyens libre dans une société juste ». Tout le contraire de ce qu’a connu la Tunisie depuis 23 ans.

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