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jeudi 24 mars 2011

L'emploi au coeur du plan de relance de l'économie en Tunisie

Entretien Challenges.fr Saïd Aïdi, le ministre tunisien de l'Emploi dévoile les points forts du plan de relance de l'économie que le premier ministre du gouvernement provisoire, Béji Caïd  Essebsi, doit annoncer dans quelques jours. 

 

Le Premier ministre du gouvernement provisoire tunisien, Béji Caïd Essebsi, doit annoncer dans quelques jours le contenu d'un plan de relance de l'économie. Le ministre de la Formation professionnelle et de l'Emploi nous en révèle les grandes lignes. Venu du privé, Saïd Aïdi, 50 ans, était auparavant, directeur général pour le Moyen-Orient et l'Afrique de HR Access (multinationale spécialisée dans des logiciels de ressources humaines), qui compte 600 salariés à Tunis. Il est devenu ministre le 27 janvier, lors du deuxième gouvernement de l'après Ben Ali et a conservé son poste au sein de la troisième équipe.
Depuis la révolution, de nombreux chômeurs se rendent tous les jours au ministère de la Formation Professionnelle et de l'Emploi pour réclamer un travail. Comment cela se passe-t-il ?
- Après le 14 janvier, pendant trois semaines, 1.000 chômeurs par jour venaient au ministère. Cela a ensuite diminué. Aujourd'hui, ils étaient une centaine. Nous les recevons tous et les écoutons. Ils demandent plus de transparence et plus d'équité, mais font preuve d'une certaine impatience en souhaitant être recrutés tout de suite.
A combien évaluez-vous le nombre de demandeurs d'emplois ?
- Il était de 500.000 avant la révolution, dont 150.000 diplômés du supérieur. En juin il s'élèvera à 700.000, en comptant les diplômés de l'année et les pertes d'emploi dues à la révolution et à la guerre en Libye. Le taux de chômage atteignait 13,6% au début de l'année. Mais, d'une région à l'autre, les disparités sont énormes.
Comment lutter contre ce chômage ?
- La création d'emploi et le rééquilibrage régional seront les points forts du plan de relance qui va être annoncé dans quelques jours. Pour les 15.000 recrutements de la fonction publique en 2011, nous allons mettre en place une discrimination positive en fonction de l'âge, de l'année du diplôme et du lieu d'habitation.
Un habitant de Gafsa diplômé en 2002 aura alors plus de chance qu'un habitant de Tunis venant d'obtenir sa maîtrise ?
- Oui, mais le recrutement ne sera pas uniquement social. Il répondra aussi à des critères de compétences. De plus, nous créerons le statut de stagiaire de la fonction publique pendant un an, pour 10.000 chômeurs diplômés. Car ce n'est pas rendre service à l'individu ni encore moins à l'administration que de recruter une personne diplômée en 2002 et qui n'a pas travaillé depuis. Il faut les réinsérer et les préparer aux métiers de la fonction publique. Nous allons aussi développer la notion de citoyen en les faisant participer à l'organisation des élections. Ils seront payés 200 dinars (100 euros) par mois. Et ils pourront intégrer la fonction publique en 2012, en passant des tests d'aptitude. Les jeunes de la société civile seront associés aux commissions de délibération. Enfin, nous mettrons en place un numéro vert à appeler pour toute revendication.
Le concours qui permet de devenir professeur, le Capes, et dont le fonctionnement est très critiqué, en particulier par les diplômés chômeurs qui campent depuis un mois devant le ministère de l'Education, sera-t-il supprimé ?
- Le principe du Capes n'est pas mauvais, mais c'est vrai que, sous le régime précédent, il s'achetait. Ce n'est plus le cas. Le problème est complexe, l'Education nationale réfléchit encore aux critères de sélection.
Le projet annoncé par le gouvernement précédent de verser un revenu minimum à des chômeurs diplômés en échange d'un travail d'intérêt général à mi-temps est-il maintenu ?
- Non, venant du privé, je sais que les "stages photocopieuses" ne servent à rien. Nous l'avons remplacé fin février par le programme Amal -"espoir" en arabe-, dans le secteur privé. Il concernera 50.000 jeunes, qui percevront 200 dinars (100 euros) par mois en échange de stages ou de formations dans des secteurs porteurs, comme l'agroalimentaire, la santé ou les nouvelles technologies. En partenariat avec le privé, nous avons défini une trentaine de projets créateurs d'emplois, comme la numérisation du patrimoine de la bibliothèque nationale, dans lesquels ils pourront être embauchés.
Combien coûtera le programme Amal ?
- 60 millions de dinars (30 millions d'euros) d'allocations, déjà prévus dans le budget de l'Etat. La formation et la mise en place de projets, d'un montant de 120 millions de dinars (60 millions d'euros), devraient être financées par la Banque mondiale, la Banque africaine pour le développement et l'Agence française pour le développement.
Ces mesures suffiront-elles à réduire le chômage ?
Pour préserver les effectifs, nous proposons aussi des allégements fiscaux aux entreprises, qui ont subi des dégâts pendant la révolution. Et pour créer des emplois, nous allons développer les micro-entreprises. Pendant des années la prise d'initiative des Tunisiens a été brimée. Ils devraient reprendre confiance. Nous allons simplifier les procédures pour les entreprises de moins de 5 personnes. Cela pourrait créer de 15.000 à 20.000 emplois. Au final, nous devrions atteindre un niveau de chômage socialement acceptable dans deux à trois ans.
Pensez-vous que la situation économique du pays en 2011 sera catastrophique ?
- Elle sera dure, mais pas catastrophique. Tous ces jeunes diplômés doivent être considérés comme une opportunité. Nous avons de toute façon l'obligation de réussir. Car la portée de cette révolution du peuple - réalisée sans figure emblématique, ce qui est une première mondiale - dépasse la seule Tunisie.

 

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