TUNISIA, Tunisia — Invitée pour la première fois au sommet des pays les plus riches de la planète, la Tunisie place beaucoup d'espoir dans le G8 qui s'ouvre jeudi à Deauville. Plus de quatre mois après "la révolution du jasmin", le pays attend un soutien pour réussir sa transition démocratique.
Après ce soulèvement venu à bout du régime autocratique de Zine el Abidine Ben Ali et qui a fait souffler le vent du "printemps arabe", la Tunisie vit dans "l'incertitude" d'une "transition angoissante", selon les termes du gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Mustapha Kamel Nabli.
Les défis à relever sont immenses. Les troubles qui ont accompagné la révolution ont coûté plus de deux milliards de dollars (1,4 milliard d'euros) à l'économie, soit 4% du PIB.
Principal pourvoyeur de devises étrangères, le tourisme, qui emploie environ 400.000 personnes et contribue à 6,5% du PIB, a chuté de plus de 40% au niveau des entrées et des recettes. Conséquence: le taux de croissance attendu pour 2011 devrait se situer en dessous de 1%.
Cette situation fait planer la menace de l'aggravation du chômage. Si les difficultés persistent, nombre d'économistes prévoient que le nombre de chômeurs pourrait passer de 500.000 actuellement à 700.000 à la fin de l'année en cours, soit de 13 à 20% de la population active.
La crise en Libye, premier partenaire économique arabe de la Tunisie avec des échanges annuels estimés à quelque deux milliards de dollars, est venue accentuer les difficultés. Alors que les exportations tunisiennes vers ce pays voisin ont régressé de 32% durant les quatre premiers mois de 2011, 170.000 Libyens fuyant les combats sont aujourd'hui réfugiés en Tunisie, la grande majorité étant hébergée par des familles tunisiennes.
Face à cette situation, 21 économistes de renommée mondiale dont Joseph Stiglitz, prix Nobel de l'économie 2001, viennent de lancer depuis Tunis, un appel au G8 en vue de l'adoption d'une "feuille de route" pour soutenir la transition démocratique en Tunisie. Ils soulignent ses besoins en termes d'assistance budgétaire et technique et d'aide humanitaire et sanitaire pour les réfugiés venus de Libye.
Ils appellent à "une aide immédiate" pour les subventions alimentaires et énergétiques ainsi qu'à un plan pour les diplômés chômeurs qui forment le gros lot des demandeurs d'emploi.
Les signataires préconisent un plan du G8 de 20 à 30 milliards de dollars (14,1 à 21,2 milliard d'euros) sur 5 à 10 ans afin d'investir massivement dans le désenclavement de l'intérieur du pays.
Ils suggèrent en outre "une déclaration claire" sur les modalités de mobilisation et de coordination entre les différentes institutions financières internationales (Fonds monétaire international, Banque mondiale, Banque européenne pour la reconstruction et le développement, Banque africaine de développement, etc...) afin qu'elles puissent contribuer de manière optimale à la croissance et la restructuration de l'économie tunisienne.
Les économistes américains, européens et asiatiques plaident aussi pour la création d'une institution financière spécifique à la région.
Ils demandent aux pays européens présents à Deauville de s'engager, à titre individuel, à appuyer l'obtention pour la Tunisie du statut de partenaire associé de l'Union Européenne avec un plein accès aux fonds structurels européens.
"Il est de la responsabilité de la communauté internationale d'éviter que la Tunisie n'entre dans un cercle vicieux: pauvreté et augmentation du chômage", insistent les signataires de l'appel. "Au niveau international, la conséquence en serait la propagation des extrémismes ainsi que la multiplication des vagues de migrations", préviennent-ils.
Les économistes Joseph Stiglitz, Jean-Louis Reiffers (Université du Sud) et Olivier Pastré (IMBank et Université Paris 8), qui ont rencontré le Premier ministre tunisien Béji Caïd Essebsi, ont appelé les Etats-Unis et l'Europe en particulier à ouvrir leurs marchés aux produits et services tunisiens et à contribuer activement aux projets initiés en Tunisie. Ils ont plaidé pour un réexamen de la dette publique tunisienne dans le sens d'un allégement significatif.
En prévision du sommet du G-8, le ministre tunisien des Finances Jalloul Ayed est allé à Washington pour requérir le soutien de l'administration et du Congrès américains, tandis que son collègue des Affaires étrangères Mouldi Kéfi entreprenait un long périple dans les pays du Golfe et d'Asie (Chine et Japon) pour plaider la cause tunisienne. AP
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