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lundi 15 août 2011

Tunisie. Listes électorales: les retardataires à la queue leu-leu

Pour s’inscrire aux élections de l’Assemblée constituante, ils ont attendu la dernière minute. Ces retardataires ont entre 18 et 80 ans. Après hésitation, ils ont décidé de ne pas louper la chance de leur vie. Reportage de Zohra Abid
Comme prévu, le dernier jour des inscriptions aux listes électorales, fixé par Kamel Jendoubi et ses camardes de l’Instance supérieure et indépendante pour les élections (Isie) au 14 août, a connu une grande affluence. Les quelque 950 bureaux d’inscription répartis sur tout le territoire, sans parler des bureaux ambulants, ont été pris d’assaut dès les premières heures de la journée de dimanche. A l’Ariana, à titre d’exemple, on parle d’un taux très élevé par rapport aux autres jours. Kapitalis s’est rendu dans certains de ces bureaux.
Pourquoi à la dernière minute? Le 14 août, deux heures de l’après midi, il y a foule à la mairie de la Cité El Khadhra. Devant le bureau des inscriptions, deux rangs interminables. Un  pour les femmes et un autre pour les hommes. «Ouf, éloignez-vous de moi, à quoi ça sert de me coller et bousculer. Ça me suffit la chaleur du jour, puis on va tous passer», lance une jeune dame à une autre d’un certain âge. En attendant leur tour, les femmes, dans leur rang indiscipliné, parlent de tout et de rien. Elles se proposent même des recettes pour la rupture du jeûne.
Dans leur file indienne, les hommes bavardent beaucoup moins. On avance sans faire du bruit. L’un après l’autre, et chacun quitte la mairie avec sa petite preuve d’inscription.

15 heures et quelques, à El Menzah VI. La place de la mairie est pleine de luxueuses bagnoles... à craquer. A l’intérieur, les retardataires sont bien au rendez-vous et ils ne sont nullement dérangés de se pointer à la dernière minute. C’est, pour eux, comme une seconde nature. «C’est comme ça. Vous ne connaissez pas encore le Tunisien! Dans toutes les occasions, il ne se présente que peu de temps avant la fermeture des guichets. Avez-vous vu un jour quelqu’un payer ses factures avant la date limite ?», explique avec le sourire un jeune faisant tranquillement la queue avec des hommes et des femmes. Ici, c’est mixte et tout le monde fait la queue ensemble. Changement de lieu, passage de classe, choc de cultures…

 16 heures moins dix. C’est-à-dire dix minutes avant que la charmante dame n’éteigne son ordi, ramasse ses outils et ferme la porte. On a dit qu’elle va fermer la porte ! Non, pas possible. «Eh, vous plaisantez madame, et nous !», s’inquiète un quinquagénaire. D’autres se rallient à sa colère.
Une prolongation inespérée
Dix, vingt, trente... hommes et femmes à tirer la gueule. «Je sais bien que c’est le dernier jour, mais à l’affiche, c’est écrit noir et blanc jusqu’à 18 heures. Puis, nous n’avons pas été prévenus que les bureaux allaient fermer deux heures avant», réagit une jeune fille en tenue d’été, lunettes signées, cheveux longs et frisés. Elle vient de rentrer de la plage. Comme cette belle créature, son compagnon prend les choses au sérieux. «Vous aurez dû fermer la porte d’entrée, un peu avant. Mais là, nous sommes en train d’attendre depuis une heure. Et je ne sortirai pas d’ici avant d’être inscrit. Même par la force. Débrouillez-vous», s’adresse-t-il à la dame qui s’occupe des inscriptions dans le seul bureau ouvert de la mairie. Cette dernière est d’une très mauvaise humeur et prête à insulter tout le monde. Il faut dire qu’elle a passé toute une journée à inscrire machinalement des noms et elle n’en peut plus. Il ne faut pas oublier, non plus, que ce n’est pas facile pour un jeûneur de passer son dimanche à travailler. «Vous auriez dû venir un peu plus tôt. La semaine dernière, les inscriptions se comptaient au nombre des doigts. Ça ne me regarde pas si vous allez vous inscrire ou non», répond-t-elle, cassante. L’air épuisée, elle regarde sa montre et compte les secondes qui lui restent pour en finir avec les inscriptions et rentrer enfin chez elle.

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