Le professeur Yadh Ben Achour, qui avait démissionné du Conseil constitutionnel, bravant l’autorité de l’ancien président Ben Ali, assume aujourd’hui la tâche difficile de conduire à bon port la transition démocratique de la Tunisie.
Dans un entretien accordé au Soir d’Algérie, le président de la Haute instance chargée des réformes politiques, Yadh Benachour, revient d’abord sur la chute de Ben Ali. “Le malheur d'un homme comme Ben Ali, c'est d'avoir oublié qu'il était mortel. Vivre le départ du tyran constitue un événement heureux de mon existence, comme citoyen autant que juriste”. Quant à sa désignation à ce poste, il dira : “La présidence de la Haute instance, je ne l’ai pas cherchée. Elle se trouvait sur le tapis roulant. Je l'ai prise sans savoir avec précision ce que j'étais en train de faire, ni où cela me conduirait. Aujourd'hui, je peux affirmer que c'est une œuvre passionnante. Dire que c'est un couronnement, c'est nier ma propre philosophie de la vie.” Faisant un état des lieux de la Tunisie sous Ben Ali, il soulignera : “Ben Ali était animé aux premiers temps de sa prise du pouvoir par de bonnes intentions. Il a certainement cru à sa mission rénovatrice. Il était entouré d'hommes politiques expérimentés et intelligents. Mais, après les incertitudes des premiers temps, son installation définitive au pouvoir a laissé à l’homme réel tout le loisir de s'épancher et de se développer. L'homme réel n'a aucune élévation d'esprit, ni culture véritable. Il dispose d'une malice flicardière — excusez le terme — de bas étage qui ne convient pas à un chef d'État. Les meilleurs de l'équipe qui a pris le pouvoir se sont retirés. N'ayant plus aucun contre-pouvoir en face de lui, Ben Ali a alors plongé, avec une véritable ivresse et une irresponsabilité totale, dans la jouissance du pouvoir absolu. Sa deuxième femme et son entourage n'ont fait qu'aggraver cet instinct irrépressible de jouissance.” Il lui accordera néanmoins des points positifs, tout en écorchant au passage son prédécesseur Habib Bourguiba, en précisant que “Ben Ali n'a pas remis en cause les avancées sociales de Bourguiba, notamment le développement des droits de la femme. Ceci étant, Bourguiba n'est pas un homme sans faute. Il était le seul à disposer de la légitimité nécessaire, de la profondeur historique, de l'intelligence indispensable, de la culture universelle, pour préparer la Tunisie à vivre une vie réellement démocratique. Il a totalement raté cette mission qui ne l'intéressait pas, par rapport au culte de sa personnalité. Bourguiba, en effet, était dévoré par un instinct narcissique démesuré. Cela a englouti toutes les potentialités de cet homme exceptionnel. Mais il avait au moins une qualité, une vertu. Comme tous les vrais et grands politiques, l'argent ne l'intéressait pas”. Au sujet du régime de Ben Ali, le professeur Ben Achour mettra en évidence le fait que “la police politique en était le centre de gravité”, tout en affirmant que “dans ce type d'État, les valeurs sont détruites, y compris la valeur la plus sacrée, celle du respect de la vie et de l'intégrité physique. L'État policier, c'est un retour à l'état de nature, dans lequel la volonté subjective tient lieu de loi. C'est la négation de la société civile”. Il ajoutera qu’au total, la chute du régime du président Ben Ali, c’est l’échec d’un système autoritariste parvenu à ses limites ultimes ou la résultante de l’influence démesurée de la famille Trabelsi sur le processus de prise de décision national ? Parlant de la Haute instance, qu’il dirige, il notera qu’elle “a été confrontée aux mêmes problèmes que toutes les institutions de cette période transitoire. Tout s'est fait dans une certaine improvisation et sous la pression des évènements. Il a d'abord fallu, à la fin du mois de janvier 2011, concevoir une solution qui tienne compte à la fois de la logique institutionnelle, celle de la première Commission de réformes politiques, à caractère exclusivement technique, et de la logique révolutionnaire incarnée par le Conseil national de protection de la révolution. La Haute instance, créée par le décret-loi n°6 du 18 février 2011, constitue la synthèse des deux logiques. Cet aboutissement a fait l'objet de négociations extrêmement ardues et difficiles entre le Premier ministre de l'époque, Mohamed Ghannouchi, et les composantes principales du Conseil national de protection de la révolution. Il soulignera que cette institution est “une autorité publique indépendante”. Elle fait partie des institutions de l'État. Mais elle doit fonctionner de manière tout à fait autonome.
Elle a pour tâche d'examiner et de proposer aussi bien les réformes politiques nécessaires. Revenant sur le Pacte républicain, le professeur Yadh Ben Achour estime qu’il “constitue, pour l'essentiel, un rappel des principes de la révolution, avec des précisions concernant le caractère civil de l'État, la séparation de la religion et de la politique, l'égalité homme-femme, la liberté syndicale et le droit de grève, la liberté totale de croyance et d'expression. À ce titre, il constitue une rupture symbolique d'une grande portée par rapport à la pratique politique ancienne”.
Dans un entretien accordé au Soir d’Algérie, le président de la Haute instance chargée des réformes politiques, Yadh Benachour, revient d’abord sur la chute de Ben Ali. “Le malheur d'un homme comme Ben Ali, c'est d'avoir oublié qu'il était mortel. Vivre le départ du tyran constitue un événement heureux de mon existence, comme citoyen autant que juriste”. Quant à sa désignation à ce poste, il dira : “La présidence de la Haute instance, je ne l’ai pas cherchée. Elle se trouvait sur le tapis roulant. Je l'ai prise sans savoir avec précision ce que j'étais en train de faire, ni où cela me conduirait. Aujourd'hui, je peux affirmer que c'est une œuvre passionnante. Dire que c'est un couronnement, c'est nier ma propre philosophie de la vie.” Faisant un état des lieux de la Tunisie sous Ben Ali, il soulignera : “Ben Ali était animé aux premiers temps de sa prise du pouvoir par de bonnes intentions. Il a certainement cru à sa mission rénovatrice. Il était entouré d'hommes politiques expérimentés et intelligents. Mais, après les incertitudes des premiers temps, son installation définitive au pouvoir a laissé à l’homme réel tout le loisir de s'épancher et de se développer. L'homme réel n'a aucune élévation d'esprit, ni culture véritable. Il dispose d'une malice flicardière — excusez le terme — de bas étage qui ne convient pas à un chef d'État. Les meilleurs de l'équipe qui a pris le pouvoir se sont retirés. N'ayant plus aucun contre-pouvoir en face de lui, Ben Ali a alors plongé, avec une véritable ivresse et une irresponsabilité totale, dans la jouissance du pouvoir absolu. Sa deuxième femme et son entourage n'ont fait qu'aggraver cet instinct irrépressible de jouissance.” Il lui accordera néanmoins des points positifs, tout en écorchant au passage son prédécesseur Habib Bourguiba, en précisant que “Ben Ali n'a pas remis en cause les avancées sociales de Bourguiba, notamment le développement des droits de la femme. Ceci étant, Bourguiba n'est pas un homme sans faute. Il était le seul à disposer de la légitimité nécessaire, de la profondeur historique, de l'intelligence indispensable, de la culture universelle, pour préparer la Tunisie à vivre une vie réellement démocratique. Il a totalement raté cette mission qui ne l'intéressait pas, par rapport au culte de sa personnalité. Bourguiba, en effet, était dévoré par un instinct narcissique démesuré. Cela a englouti toutes les potentialités de cet homme exceptionnel. Mais il avait au moins une qualité, une vertu. Comme tous les vrais et grands politiques, l'argent ne l'intéressait pas”. Au sujet du régime de Ben Ali, le professeur Ben Achour mettra en évidence le fait que “la police politique en était le centre de gravité”, tout en affirmant que “dans ce type d'État, les valeurs sont détruites, y compris la valeur la plus sacrée, celle du respect de la vie et de l'intégrité physique. L'État policier, c'est un retour à l'état de nature, dans lequel la volonté subjective tient lieu de loi. C'est la négation de la société civile”. Il ajoutera qu’au total, la chute du régime du président Ben Ali, c’est l’échec d’un système autoritariste parvenu à ses limites ultimes ou la résultante de l’influence démesurée de la famille Trabelsi sur le processus de prise de décision national ? Parlant de la Haute instance, qu’il dirige, il notera qu’elle “a été confrontée aux mêmes problèmes que toutes les institutions de cette période transitoire. Tout s'est fait dans une certaine improvisation et sous la pression des évènements. Il a d'abord fallu, à la fin du mois de janvier 2011, concevoir une solution qui tienne compte à la fois de la logique institutionnelle, celle de la première Commission de réformes politiques, à caractère exclusivement technique, et de la logique révolutionnaire incarnée par le Conseil national de protection de la révolution. La Haute instance, créée par le décret-loi n°6 du 18 février 2011, constitue la synthèse des deux logiques. Cet aboutissement a fait l'objet de négociations extrêmement ardues et difficiles entre le Premier ministre de l'époque, Mohamed Ghannouchi, et les composantes principales du Conseil national de protection de la révolution. Il soulignera que cette institution est “une autorité publique indépendante”. Elle fait partie des institutions de l'État. Mais elle doit fonctionner de manière tout à fait autonome.
Elle a pour tâche d'examiner et de proposer aussi bien les réformes politiques nécessaires. Revenant sur le Pacte républicain, le professeur Yadh Ben Achour estime qu’il “constitue, pour l'essentiel, un rappel des principes de la révolution, avec des précisions concernant le caractère civil de l'État, la séparation de la religion et de la politique, l'égalité homme-femme, la liberté syndicale et le droit de grève, la liberté totale de croyance et d'expression. À ce titre, il constitue une rupture symbolique d'une grande portée par rapport à la pratique politique ancienne”.
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