La Tunisie a une chance raisonnable d'émerger en tant que démocratie entière dans les 18 mois à venir, telle est la conclusion majeure d’une enquête menée par le sérieux quotidien britannique « The Guardian » sur les perspectives politiques et économiques de la Tunisie à quelques semaines du scrutin du 23 octobre. Récit :
L'idée d'une révolution est intrinsèquement romantique et, après avoir vu les scènes de défiance qui s'est emparée de la Tunisie lors du renversement du président Ben Ali, j'avais hâte d'y retourner et d'observer comment les choses ont changé depuis ma visite dans ce pays, l'année dernière, déclare en préambule la journaliste du quotidien britannique.
A la faveur de mes conversations avec la nouvelle classe politique, ainsi que des citoyens ordinaires, j’ai eu la claire impression que la Tunisie fait face, pour la première fois, aux défis de la pratique de pluralisme réel.
L'aspect le plus encourageant est l'attitude de la population. Les Tunisiens cultivent un sens bien mérité de la fierté attachée à la révolution. Tout le monde semble politiquement engagé et désireux d'exprimer son opinion, même si la plupart des Tunisiens ne savent pas encore précisément ce qu'ils attendent d'un futur gouvernement.
L'aspect le plus encourageant est l'attitude de la population. Les Tunisiens cultivent un sens bien mérité de la fierté attachée à la révolution. Tout le monde semble politiquement engagé et désireux d'exprimer son opinion, même si la plupart des Tunisiens ne savent pas encore précisément ce qu'ils attendent d'un futur gouvernement.
Une saine culture de la contestation - même si parfois, elle est controversée – anime une constellation de jeunes militants et de groupes de la société civile. Ils ont contraint des vagues successives de membres de l’ancien régime à quitter le gouvernement, et continuent de faire pression sur les institutions provisoires pour qu’elles tiennent leurs promesses.
Il existe une voie claire pour aller de l'avant. Les élections pour une assemblée constituante sont prévues pour le 23 octobre. Il s’agira d’élaborer une nouvelle constitution d'ici un an, et les élections parlementaires et présidentielles pourraient se s’organiser ensuite sur la base des nouvelles règles.
En bref, le pays a une chance raisonnable d'émerger en tant que démocratie entière dans les 18 mois à venir. Mon impression est que la transition tunisienne pourrait bien réussir parce qu’il y a de claires indications de conserver la confiance d'une population vigilante alors que les institutions démocratiques sont en cours de construction.
Toutefois, ceux qui travaillent effectivement au sein du processus de transition regardent le pays comme étant «calme en surface uniquement". Malgré le soutien sans faille qu’ils apportent à la révolution, les politiciens impliqués dans la mise en œuvre de ses objectifs peinent à instaurer le pluralisme au sein d'une d'élite qui n'en a nulle expérience.
Avec plus de 80 partis politiques autorisés depuis Janvier, il y a eu une cacophonie de nouvelles voix politiques sur fond de campagnes de dénigrement. Presque toutes les grandes figures politiques ont déjà été discréditées d'une certaine manière, et de nombreux Tunisiens semblent désespérés au sujet de leurs choix politiques. On estime que 54% de la population restent indécis quant à savoir pour qui ils vont voter en octobre.
Plutôt que de s’employer à mettre fin au chaos, la plupart des partis politiques semble plus intéressée par les affrontements l'un contre l'autre, et ne sont pas en train de mettre en place un climat de confiance pour permettre le partage du pouvoir dans un éventuel gouvernement. Ceci a en partie favorisé la montée rapide d’Ennahda (Parti de la renaissance), naguère interdit, et qui est un mouvement islamiste modéré crédité des plus fortes intentions de vote à l'heure actuelle. Ennahda a un avantage sur ses concurrents en raison principalement de sa réputation comme le mouvement qui a toujours contesté à la fois Habib Bourguiba et Ben Ali.
Avec plus de 80 partis politiques autorisés depuis Janvier, il y a eu une cacophonie de nouvelles voix politiques sur fond de campagnes de dénigrement. Presque toutes les grandes figures politiques ont déjà été discréditées d'une certaine manière, et de nombreux Tunisiens semblent désespérés au sujet de leurs choix politiques. On estime que 54% de la population restent indécis quant à savoir pour qui ils vont voter en octobre.
Plutôt que de s’employer à mettre fin au chaos, la plupart des partis politiques semble plus intéressée par les affrontements l'un contre l'autre, et ne sont pas en train de mettre en place un climat de confiance pour permettre le partage du pouvoir dans un éventuel gouvernement. Ceci a en partie favorisé la montée rapide d’Ennahda (Parti de la renaissance), naguère interdit, et qui est un mouvement islamiste modéré crédité des plus fortes intentions de vote à l'heure actuelle. Ennahda a un avantage sur ses concurrents en raison principalement de sa réputation comme le mouvement qui a toujours contesté à la fois Habib Bourguiba et Ben Ali.
Des dizaines de milliers de partisans d’Ennahda ont été emprisonnés ou ont pris le chemin de l’exil pendant les années 1980 et au début des années 1990. Le mouvement était essentiellement absent de la vie publique tunisienne, après 1991, même si ses membres ont commencé à se réunir en secret, à nouveau à partir de 1999.
Ce parcours confère aux dirigeants d’Ennahda une certaine crédibilité auprès de la population, et le mouvement s'est réorganisé de manière agressive depuis la reconnaissance légale qui lui a été accordée, en mars.
Bien peu d'observateurs - dont les propres dirigeants Ennahda - estiment que le parti pourrait s’assurer plus de 20-30% des suffrages, sa réémergence a créé un sentiment de paranoïa au sein du reste de la classe politique marquée par une dangereuse polarisation.
Bien peu d'observateurs - dont les propres dirigeants Ennahda - estiment que le parti pourrait s’assurer plus de 20-30% des suffrages, sa réémergence a créé un sentiment de paranoïa au sein du reste de la classe politique marquée par une dangereuse polarisation.
Nejib Chebbi, le chef du Parti démocratique progressiste, déclare qu’il " n’est pas inquiet au sujet les islamistes autant que le sont les démocrates". Son opinion est que beaucoup de politiciens pro-démocratie se sont unis dans leur critique d’Ennahda, sans offrir cependant eux-mêmes d'alternatives politiques valables.
Les médias regorgent de discours hostiles à Ennahda tandis qu'il est juste que les dirigeants du mouvement soient interpellés sur des questions importantes pour les Tunisiens - telles que leur position sur le libéral code du statut personnel – le dénigrement d’Ennahda ne doit pas servir de prétexte par d'autres partis afin d'éviter l‘élaboration de programmes clairs.
Si les citoyens ne s’accommodent pas des options qui seront disponibles en octobre, ou encore si les élections ne donnent pas lieu à des résultats qui garantissent le partage du pouvoir entre un vaste éventail de points de vue, il est à craindre que la patience des Tunisiens vis-à-vis le processus de transition ne puisse s’effondrer rapidement.
Si les citoyens ne s’accommodent pas des options qui seront disponibles en octobre, ou encore si les élections ne donnent pas lieu à des résultats qui garantissent le partage du pouvoir entre un vaste éventail de points de vue, il est à craindre que la patience des Tunisiens vis-à-vis le processus de transition ne puisse s’effondrer rapidement.
Et puis, il y a la situation économique. Bien que le démantèlement du régime corrompu de Ben Ali soit sans doute positive pour la croissance de la Tunisie sur le long terme, Mohamed Ben Romdhane, économiste affilié au parti de gauche Ettajdid , explique que, sur le court terme, la situation s'est dramatiquement détériorée. Cela est dû en grande partie à une absence totale de croissance de l'emploi dans le secteur privé (qui offre habituellement 80% des nouveaux emplois créés par an) tandis que les investisseurs nationaux et étrangers attendent d’être édifiés sur la stabilité du nouveau gouvernement.
Le scénario le plus optimiste mis en avant par Mohamed Ben Romdhane prévoit que, si un système démocratique est mis en place avant la fin de 2012, les investisseurs commenceront à revenir. Cependant, en raison du décalage entre les décisions d'investissement et la création d'emplois réels, la Tunisie devrait faire face à quatre ou cinq ans supplémentaires de crise économique et sociale avant que les citoyens ne commencent à percevoir une amélioration.
Demander aux milliers de jeunes chômeurs tunisiens qui ont participé à la révolution d’attendre encore cinq ans n'est pas si aisé. La colère qui a été celle des jeunes pendant la révolution représente une crainte réelle, et il est essentiel que soit maintenu un large consensus national appuyant l’action des institutions de la transition tandis que le changement arrive progressivement.
Les politiciens tunisiens peuvent réussir à construire sur la bonne volonté nationale existante, mais il y a toujours un risque qu'ils puissent perdre la foi de la population avant Octobre. Éviter la polarisation et pratiquer le pluralisme réel - en acceptant les différents points de vue et échanger des idées dans le respect et la transparence – sont essentiels à ce stade. Si la classe politique arrive à maîtriser ses nerfs, la Tunisie aura la chance de devenir la première démocratie autodéterminée du monde arabe, conclut The Guardian.
Les politiciens tunisiens peuvent réussir à construire sur la bonne volonté nationale existante, mais il y a toujours un risque qu'ils puissent perdre la foi de la population avant Octobre. Éviter la polarisation et pratiquer le pluralisme réel - en acceptant les différents points de vue et échanger des idées dans le respect et la transparence – sont essentiels à ce stade. Si la classe politique arrive à maîtriser ses nerfs, la Tunisie aura la chance de devenir la première démocratie autodéterminée du monde arabe, conclut The Guardian.
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