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mercredi 16 février 2011

Un mois après le départ de Ben Ali, la révolution ne fait que commencer

Le 14 janvier, le président tunisien quittait son pays, après 23 ans de règne. Aujourd’hui, la Tunisie reste agitée par une forte contestation sociale. De nombreux citoyens appellent à réviser la Constitution et à préparer les élections.

"La Tunisie est toujours en proie à l’agitation". Près d’un mois après le départ du président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali, Lina Ben Mhenni, cyberactiviste et professeur à l’université de Tunis, dresse sur son blog un constat sévère de la situation. Outre des incidents sécuritaires, la contestation sociale se poursuit, grèves et manifestations perturbant de nombreux secteurs de l'économie.
Lundi, les salariés de Télécom Tunisie ont entamé une grève ouverte et des agents du ministère de la Défense ont manifesté. Samedi, ce sont plusieurs centaines d’avocats et de magistrats qui se sont rassemblés pour réclamer l’indépendance de la justice. Jeudi, l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), la principale centrale du pays, a reconnu être "débordée par l’agitation sociale".


Les autorités ont décidé mardi de lever le couvre-feu mais de prolonger l’état d’urgence, "pour éviter tout ce qui peut nuire à la sécurité du pays."

"Un phénomène psycho-social de grand déballage"
"La confusion est importante, assure à France24.com Fadhel Jaïbi, cinéaste et metteur en scène. Il y a beaucoup de craintes pour l'avenir. Les membres de l'ancien régime sont encore présents, d'une manière diffuse. Ils ne peuvent pas disparaître du jour au lendemain. Ils n'ont plus les rênes du pouvoir, mais ils n'en sont pas très loin."

Slimane al-Rouissi, un activiste de Sidi Bouzid joint par téléphone, accuse lui aussi les membres du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), l'ancien parti au pouvoir, de provoquer le désordre. "Notre révolution a été détournée, estime-t-il. Ceux qui manifestent pour des revendications sociales, très terre à terre, sont manipulés par des membres du RCD. Nos revendications politiques passent au second plan."
Le gouvernement de transition, débordé lui aussi, croule sous les dossiers. "Nous savons que l'administration dysfonctionne, affirme Fadhel Jaïbi. Les gens veulent tout et tout de suite, ce sont des revendications égoïstes, personnelles. Un inventaire à la Prévert ! Nous vivons encore un phénomène psycho-social de grand déballage, de défoulement."

Ces incertitudes et l’accumulation de grèves et de manifestations, font craindre un écroulement de l’économie. Le chômage, qui frappe en premier lieu les jeunes diplômés, n’a pas diminué. Les régions du centre du pays manquent toujours cruellement d’infrastructures. Dans une tribune publiée dans le quotidien "La Presse", Khaled Tebourbi, musicologue, s’alarme : "les experts avertissent : au train où vont les choses, dans trois mois, dans quatre au plus, notre balance commerciale risque de virer au rouge".

Réviser la Constitution et préparer les élections
Comment faire face à cette période de turbulences ? Pour ces Tunisiens, l’urgence est avant tout de réviser la Constitution et de préparer les élections. "Des programmes doivent être proposés aux électeurs, affirme sur FRANCE 24 Moncef Cheikh Rouhou, professeur d’économie et de finance internationale à Paris. Il est merveilleux de vivre en Tunisie en respirant un air de liberté, en s’exprimant. Mais le temps joue contre nous. Il faut que les élections – présidentielle ? législatives ? – arrivent le plus tôt possible."
Pour Slimane Al-Rouissi, l’heure est venue d’inverser les rôles : ce sont maintenant aux Tunisiens de suivre l’exemple des Égyptiens, et de suspendre la Constitution. "La Tunisie doit évoluer vers un régime parlementaire et laïc, renchérit Fadhel Jaïbi. Les jeunes sont portés par des aspirations citoyennes, issues de la société civile. On découvre aujourd’hui à quel point ils sont attachés aux libertés fondamentales."
"Il faut avant tout un retour au calme, à la sécurité, poursuit-il. Que les gens reprennent le travail, que la vie culturelle reprenne… Pour l’instant, ce n’est pas le cas. Les gens rentrent chez eux le soir, ils ont peur. Tout se jouera dans les prochains mois."



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