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samedi 14 mai 2011

La Tunisie poussée à respecter le calendrier électoral

La reprise de manifestations à Tunis met sous pression les autorités intérimaires, incitées à respecter le calendrier de la transition et organiser les élections constituantes à la date prévue du 24 juillet même s'il peut en résulter davantage d'instabilité à long terme.

Certains partis encore faiblement mobilisés estiment que ce calendrier est trop serré pour assurer l'équité du scrutin. D'autres craignent que la Tunisie ne soit mal préparée à un scrutin démocratique après des décennies de régime autocratique.
Mais dans un contexte de tension croissante, tout autre écueil qu'un retard léger pourrait provoquer de nouveaux troubles dans un pays qui peine encore à rétablir l'ordre après la chute, en janvier, du président Zine ben Ali.
La police a fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser des dizaines de manifestants dimanche à Tunis après quatre jours d'agitation et a procédé à quelque 600 arrestations en divers points du pays. Un couvre-feu est en vigueur depuis samedi.
Les manifestants redoutent de voir le gouvernement intérimaire revenir sur sa promesse de conduire le pays vers la démocratie en rompant avec un long régime de parti unique.
"Les élections doivent intervenir le 24 juillet, il faut qu'ils oeuvrent en ce sens pour qu'il y ait une stabilisation", estime Kais Saïd, professeur de droit.
Le Premier ministre par intérim, Beji Caïd Essebsi, a évoqué dimanche un report possible lié à des difficultés techniques, mais il s'est empressé ensuite d'assurer que les autorités faisaient le maximum pour respecter la date convenue.
Les dernières manifestations avaient fait suite aux propos d'un ex-ministre de l'Intérieur selon qui un coup d'Etat serait à craindre en cas de victoire du mouvement islamiste Ennahda.
"Il règne encore une très forte atmosphère révolutionnaire en Tunisie, note Jean-Baptiste Gallopin, du groupe Control Risks. Toute initiative perçue comme une tentative d'éléments de l'ancienne élite pour faire dérailler le processus de transition vers la démocratie se heurte immédiatement à une réaction de la rue."
La mobilisation politique de la Tunisie, couronnée par le renversement de Ben Ali le 14 janvier, a inspiré des mouvements de contestation analogues dans le monde arabe.
Mais ce pays de 10 millions d'habitants ne possède pas les ressources énergétiques de ses voisins et estime avoir besoin de milliards de dollars de prêts extérieurs pour surmonter la désorganisation qui affecte durement son marché de l'emploi et son industrie touristique.
Les marchés seraient toutefois plus compréhensifs devant un report du scrutin et pourraient même en être satisfaits, selon Richard Segal, stratégiste auprès du groupe bancaire Jefferies. "Le pays se donne peu de temps pour tenir ces nouvelles élections, aussi un retard d'ordre technique serait-il compréhensible", dit-il.
Une brève transition censée favoriser la stabilité pourrait avoir l'effet opposé à long terme, et ce risque concerne d'autres pays en phase postrévolutionnaire comme l'Egypte.
"Le pire des scénarios serait celui d'un processus accéléré débouchant sur l'instabilité", souligne Richard Segal en évoquant les transitions de façon générale. "En fait, certains investisseurs pourraient approuver une transition lente, car cela réduirait le risque de chocs négatifs à court terme."
Une courte période préélectorale pourrait favoriser le mouvement Ennahda, dirigé par Rachid Ghannouchi et interdit sous la présidence de Ben Ali, parce qu'il est plus mobilisé que d'autres partis. On s'attend à ce qu'il réalise de bons scores dans le Sud, où le chômage dépasse la moyenne nationale de 14%.
Certains des partis les plus modestes - une soixantaine seront en lice - estiment que le calendrier rend le jeu inégal entre les candidats au scrutin.
"Il serait sensé de reporter les élections", dit le politologue indépendant Slaheddin Djourtchi, favorable à ce qu'elles aient lieu en octobre ou novembre. "Il est très difficile d'organiser des élections dans les deux mois, les partis ne sont pas prêts. Le processus exige du temps."

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