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vendredi 28 octobre 2011

Tunisie : Rached Ghannouchi rassure et tend la main aux laïcs

Plus d’une conférence de presse, c’est une kermesse pour fêter la victoire, que celle organisée ce vendredi par le mouvement Ennahdha sur les berges du lac. Le cheikh, entouré par son état major au complet, a envoyé des signes d’apaisement et d’assurance aussi bien à  l’intérieur, qu’à  l’extérieur. Son discours a été, à plusieurs reprises, entrecoupé par les applaudissements de ses sympathisants et sympathisantes encore grisés par la joie de cette percée dans les urnes.

Message cardinal : rien ne sera plus comme avant, au niveau des personnes et des politiques notamment, mais Ennahdha ne compte aucunement changer le mode de vie des Tunisiens. "Les citoyens auront à exercer totalement leurs libertés dans la manière de manger, de boire, de s’habiller et de croire…tout cela n’est pas l’affaire de l’Etat", affirme Rached Ghannouchi. A ceux qui n’ont pas voté pour son mouvement, il se lance dans une opération séduction : "je leur dis, apprenez à nous connaître de plus près. Pendant 30 ans, ils n’ont fait que tendre une seule oreille à ceux qui agitaient la peur d’Ennahdha, qu’ils nous tendent leur seconde oreille".

"Ce qui se passe à Sidi Bouzid est douloureux", déplore-t-il en lançant un appel au calme envers la population de la région. "Sidi Bouzid a connu le déclenchement de la première étincelle de la révolution, elle sera prioritaire dans les projets de développement. Ce n’est pas un hasard si Ennahdha a choisi de démarrer sa campagne électorale dans cette région, les habitants de Sidi Bouzid doivent être les plus soucieux de préserver cette révolution,  et d’empêcher que les institutions de l’Etat et les sièges des partis soient incendiés dans leur ville", indique-t-il, accusant "le RCD dissous d’être derrière ces troubles, en propageant des rumeurs fallacieuses imputées à Hamadi Jebali".

Au sujet des listes d’al-Aridha (Pétition populaire), Rached Ghannouchi dit respecter la volonté populaire, qui permet à ces listes d’accéder à l’assemblée constituante. "Ce n’est pas dans les prérogatives d’un parti d’invalider d’autres listes. Nous en tenons à l’ISIE, et nous acceptons ses décisions, celui qui relève une injustice, qu’il saisisse la justice ; notre justice administrative est digne de confiance", admet-il. 

Des femmes voilées et non voilées dans le prochain gouvernement

Autre sujet brûlant, la formation du gouvernement de coalition, objet de tractations entre les partis. D'après le SG du mouvement Hamadi Jebali, une première rencontre a eu lieu hier entre son mouvement et Dr Mustapha Ben Jaâfar, SG d’Ettakatol, pour trouver une plateforme politique consensuelle, sur le programme du gouvernement économique et social. "Le choix du mouvement porte aujourd’hui sur son SG pour diriger le gouvernement après concertations", relève-t-il, confirmant une annonce faite précédemment. "Cela se déroule de la sorte dans toutes les démocraties, le parti vainqueur est celui qui brigue le poste de Premier ministre".  Mais, pour le moment Ennadha se garde de dire s’il cherche à occuper d’autres portefeuilles ministériels, "tout cela sera décidé dans le cadre des concertations, en vue d’aboutir à une formule qui tient compte des équilibres et des résultats des élections", indique Rached Ghannouchi. Mais, on sait d’emblée que le prochain gouvernement sera composé de nouvelle figures, et comptera tant des femmes voilées que non voilées. Rien n’est, néanmoins, encore sûr quant à l’échéance au cours de laquelle le prochain gouvernement sera formé.  "Il faut tout de même activer le processus car le pays a besoin d’une vision claire", recommande le SG d’Ennahdha.  

"Ce n’est pas le programme d’Ennahdha qui sera appliqué, mais il y aura un gouvernement de coalition qui sera formé sur la base de la plateforme établie dans le cadre du collectif du 18 octobre, qui fixe plusieurs aspects de la vie publique dont la relation entre la religion et l’Etat, la liberté de pensée et de culte, la femme"...fait savoir le président du mouvement, sans exclure un  rapprochement avec le parti démocratique progressiste, PDP, qu’il qualifie de "parti ami", qui "a lutté contre la dictature, avec lequel Ennahdha a une histoire commune de militantisme".

Le prochain gouvernement va entamer la réforme de la justice, mais il s’agit là d’un dossier épineux qui nécessite une réforme large, radicale et de longue haleine, note en substance Rached Ghannouchi. Il réitère l’appel de son mouvement pour l’instauration d’une justice transitionnelle,  récusant la vengeance et la vindicte tant envers les membres du RCD dissous, qu’à l’endroit de ceux ayant  appartenu à l’ancien régime. "Il faut que justice soit faite, et que les droits soit restitués à leurs propriétaires".

Le tourisme : un secteur stratégique pour Ennahdha
Le tourisme, un secteur clef pour le mouvement, contrairement à ce que propagent les mauvaises langues. "Le tourisme constitue un secteur stratégique pour l’économie tunisienne et une source de devises", rappelle Hamadi Jebali,  annonçant une rencontre ce jour même avec Mohamed Belajouza président de la fédération tunisienne de l'hôtellerie (FTH). Ennahdha appuie même une idée que tous les professionnels du secteur appellent de leur vœu soit la diversification des produits touristiques, en développant le tourisme de santé, et en aménageant un circuit touristique de la révolution.

Le mouvement encourage aussi les investissements en bourse. "Après l’annonce des résultats des élections, la bourse a chuté, nous nous sommes entretenus avec les représentants de la bourse et nous leur avons affirmé que l’Islam encourage les transactions en bourses, que le mouvement incite les investissements en bourse et ailleurs, et que l’Etat va mettre en place des législations pour promouvoir ces investissement. Suite à cela,  la bourse est remontée de trois points".

"L'épopée historique du peuple tunisien"
Rached Ghannouchi a rendu hommage, au début de son intervention, au peuple tunisien qui a tracé "une épopée historique" en affluant massivement vers les urnes. Il a exprimé l’attachement de son mouvement à la voie réformiste, islamiste et moderniste et a réitéré l’engagement d’Ennahdha pour la voie du dialogue, en récusant la violence sous toutes ses formes. "Car, la violence qu’elle soit au niveau de la pensée ou de la politique, n’est pas le remède mais le mal".

"Le mot d’ordre avec lequel le mouvement est entré dans la vie politique, est le consensus, et nous nous attachons encore au consensus", affirme-t-il. "Il faut que la constitution soit rédigée avec le consensus et le gouvernement doit être dirigé avec consensus. Notre mouvement ouvre son cœur à tous les partisans de la liberté qu’ils soient islamistes ou laïcs et leur tend la main dans le cadre du consensus, de la fraternité et du sens patriotique", martèle-t-il.

Rached Ghannouchi a réitéré l’engagement de son mouvement à respecter les traités et les conventions signés par l’Etat tunisien, à renforcer les acquis de la femme, et sa contribution au processus de  prise de décision politique. Pour preuve, "sur  les 49 femmes qui siègeront à l’assemblée constituante, 42 sont issues d’Ennahdha".

Le mouvement islamiste œuvrera à inscrire la Tunisie "dans sa profondeur civilisationnelle et stratégique, en renforçant ses relations avec le pays maghrébins, arabo-musulmans, et en l’ouvrant sur  son environnement international dont l' Europe et les Etats-Unis".

Un programme vaste que le mouvement islamiste veut inscrire dans la durée. Tout en s’engageant que cette période transitoire ne dépasse pas une année, Ennahdha veut rester aux commandes plus que douze mois, "tant que nous avons la confiance du peuple", précise le cheikh.

Rached Ghannouchi s’est félicité de la levée de l’assignation à résidence de Salah Karkar et son intention de regagner la Tunisie. Quand aux désaccords avec Abdelfattah Mourou, "ils seront réglés un jour"; "Ennahdha n’est pas une organisation, mais un projet, et tous ceux qui portent ce projet sont au cœur du mouvement", dit-il au sujet d’Abdelfattah Mourou, candidat malheureux à l’assemblée constituante.

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