A moins d'une semaine des premières élections démocratiques de son histoire, la tension monte en Tunisie entre les islamistes et les laïques. Si certains observateurs n'excluent pas une instrumentalisation des fondamentalistes par les pétromonarchies, les acteurs du printemps arabe rappellent que ces élections à la Constituante sont d'abord la poursuite de la révolution démocratique.
A chaque jour sa manifestation. Après la diffusion du film Persepolis sur Nessma TV, près de 300 salafistes s’étaient regroupés pour attaquer le siège de la chaîne. Le 11 octobre, le président de la chaîne privée tunisienne, Nebil karoui, présentait ses « excuses » pour une séquence du film où Dieu est représenté, ce que proscrit l'islam.
Après l’occupation des rues par les barbus, les laïcs n’ont pas tardé à riposter.
Une contre-manifestation réunissant entre 3.000 et 5.000 manifestants a descendu le boulevard Mohamed V, une des principales artères de la capitale, en entonnant à plusieurs reprises l'hymne national ou criant « Ataqni » (Lâchez moi les baskets).
L’appel avait été lancé depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux : « Ceux qui défendent la liberté d’expression et l’Etat laïc : rendez-vous dimanche à 13 heures à la Place Pasteur de Tunis. Message reçu ».
Les journaux tunisiens consacrent tous leur couverture à l’élection, le tractage s’intensifie, la tension monte, aucun leader de parti n‘a pourtant cru bon de se mêler à la manifestation. « Mais où sont-ils passés, ces leaders si attachés aux valeurs de la laïcité et de la modernité ? » se demande le site tunisien Kapitalis. Seul le Pôle démocratique s'est insurgé dès le début contre les violences visant Nessma TV, les autres préférant ménager les éléments conservateurs de l'électorat.
Plus de 1600 listes et 10000 candidats
Si les 217 élus de l'Assemblée nationale constituante auront pour principal mandat la rédaction d'une nouvelle constitution tunisienne, ils devront aussi mettre en place un nouvel exécutif et légiférer pendant la période transitoire avant de nouvelles élections politiques. Et à travers la Constituante, c’est aussi un peu du statut du prochain régime qui se joue. Laïc, religieux, civil ?Quasiment interdit sous Ben Ali, le militantisme islamiste relève autant de l'adhésion au discours ultra-moralisateur du parti que de l'expression d'une liberté politique après des dizaines d'années de répression.
Crédité d’un bon score – entre 20 et 30% selon les sondages-, l'adhésion populaire que recueille le parti islamiste Ennahdha reste en grande partie mystérieuse.
Le parti ne pourra pour autant pas obtenir la majorité. Le mode de scrutin choisi et la multitude des acteurs -plus de 1.600 listes et 10.000 candidats- favorisent la dispersion des suffrages et la multiplication des débats au delà de la question de la nouvelle constitution.
Certains partis parviennent néanmoins à se démarquer notamment le Parti Démocratique Progressiste (nationaliste, radical de gauche), dont le leader affirme vouloir s’inspirer du modèle de la révolution espagnole contre le Général franco.
Pour Ahmed Ibrahim, le secrétaire-général du mouvement Ettajdid, le « renouveau de la gauche tunisienne », les organisations laïques doivent unir leurs forces pour créer un contre-poids au parti islamiste Ennahda, donné comme favori pour l’élection du 23 octobre.
« Aujourd'hui en Tunisie, il y a une mouvance moderniste qui cherche à renforcer les libertés et les valeurs progressistes », déclare-t-il dans une interview à Reuters. « Il y a une seconde mouvance qui souhaite utiliser les sentiments religieux du peuple et qui tente d'imposer un certain contrôle et un mode de vie bien spécifique ».
Crédité d’un bon score – entre 20 et 30% selon les sondages-, l'adhésion populaire que recueille le parti islamiste Ennahdha reste en grande partie mystérieuse.
Le parti ne pourra pour autant pas obtenir la majorité. Le mode de scrutin choisi et la multitude des acteurs -plus de 1.600 listes et 10.000 candidats- favorisent la dispersion des suffrages et la multiplication des débats au delà de la question de la nouvelle constitution.
Certains partis parviennent néanmoins à se démarquer notamment le Parti Démocratique Progressiste (nationaliste, radical de gauche), dont le leader affirme vouloir s’inspirer du modèle de la révolution espagnole contre le Général franco.
Pour Ahmed Ibrahim, le secrétaire-général du mouvement Ettajdid, le « renouveau de la gauche tunisienne », les organisations laïques doivent unir leurs forces pour créer un contre-poids au parti islamiste Ennahda, donné comme favori pour l’élection du 23 octobre.
« Aujourd'hui en Tunisie, il y a une mouvance moderniste qui cherche à renforcer les libertés et les valeurs progressistes », déclare-t-il dans une interview à Reuters. « Il y a une seconde mouvance qui souhaite utiliser les sentiments religieux du peuple et qui tente d'imposer un certain contrôle et un mode de vie bien spécifique ».
Une instrumentalisation des fondamentalistes par les pétromonarchies
Chercheur à l’Institut français du Proche Orient de Beyrouth, Vincent Geisser estime pour sa part que « le processus de transition politique en cours en Tunisie a révélé de très nombreux clivages politiques mais aussi sociétaux concernant le rapport aux mœurs et aux valeurs. Toutefois, l’on commettrait une erreur d’interprétation, si l’on réduisait ces clivages à une opposition frontale entre islamistes et non islamistes car la société tunisienne est beaucoup plus complexe que cela. A l’heure actuelle, il n’existe pas en Tunisie une partie de la société qui serait « laïque » et l’autre qui serait « islamique » ou « islamiste ». Le pays n’est pas divisé en deux camps idéologiques. De ce point de vue, la Tunisie n’a jamais connu une laïcité d’État comparable à l’expérience kémaliste en Turquie ».
Le chercheur n’exclut d’ailleurs pas une instrumentalisation des éléments les plus radicaux par les pétromonarchies « qui redoutent par-dessus tout la démocratisation de la Tunisie qui pourrait constituer un extraordinaire modèle de liberté pour l’ensemble du monde arabe ».
Face au risque de noyautage politique, ceux qui sont descendus dans la rue, n’oublient pas, tel le blogueur Azyz Amamy, de rappeler que ces élections constituantes sont d'abord et avant tout le produit d’une révolution démocratique : « Je refuse d’avoir perdu une bonne partie de ma vie en vain. Je refuse que l’on rate ces élections. Je refuse de comprendre ceux qui étaient à mes côtés dans la rue à demander la Constituante, et qui appellent maintenant à son boycott, par « révolutionnisme » ou par « gauchisme enfantin ». Ces élections sont la mission la plus révolutionnaire. Vous savez pourquoi??? Parce que de la Constituante commencera à jaillir notre nouvelle Tunisie. Mais, camarades, amis, frères ou même aliens si vous le voulez, ça ne va pas finir aux élections. Nos martyrs sont morts à cause de l'ancien système, ne les laissons pas tomber, abolissons le système. N'avons-nous pas dit « le peuple veut l'abolition du système » ? C'est par la Constituante qu'on réussira à le faire tomber ».
Ce n'est qu'un début...
Le chercheur n’exclut d’ailleurs pas une instrumentalisation des éléments les plus radicaux par les pétromonarchies « qui redoutent par-dessus tout la démocratisation de la Tunisie qui pourrait constituer un extraordinaire modèle de liberté pour l’ensemble du monde arabe ».
Face au risque de noyautage politique, ceux qui sont descendus dans la rue, n’oublient pas, tel le blogueur Azyz Amamy, de rappeler que ces élections constituantes sont d'abord et avant tout le produit d’une révolution démocratique : « Je refuse d’avoir perdu une bonne partie de ma vie en vain. Je refuse que l’on rate ces élections. Je refuse de comprendre ceux qui étaient à mes côtés dans la rue à demander la Constituante, et qui appellent maintenant à son boycott, par « révolutionnisme » ou par « gauchisme enfantin ». Ces élections sont la mission la plus révolutionnaire. Vous savez pourquoi??? Parce que de la Constituante commencera à jaillir notre nouvelle Tunisie. Mais, camarades, amis, frères ou même aliens si vous le voulez, ça ne va pas finir aux élections. Nos martyrs sont morts à cause de l'ancien système, ne les laissons pas tomber, abolissons le système. N'avons-nous pas dit « le peuple veut l'abolition du système » ? C'est par la Constituante qu'on réussira à le faire tomber ».
Ce n'est qu'un début...
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