Les Imams tunisiens et les associations de sciences religieuses critiquent une loi qui restreint les discours politiques dans les mosquées.
Un groupe d'associations religieuses a émis un communiqué en date du 18 août dans lequel il affirme que la législation "se caractérise par une nature répressive qui les empêche de participer à la vie publique". Les associations indiquent que ce Code vise clairement les érudits, Imams et chercheurs islamiques, ajoutant qu'il vient imposer "un contrôle strict". Cette déclaration soutient par ailleurs que les restrictions mentionnées sont "sans précédent, même sous l'ancien régime".
"Les articles 49 à 54 interdisent aux Imams, aux prêcheurs, aux enseignants et aux chercheurs en sciences islamiques d'exprimer leurs opinions et leurs positions concernant les affaires publiques du pays, en parlant spécifiquement des 'lieux de culte, des sermons, de l'extrémisme religieux, des écrits, et de l'approbation du contenu de ces sermons' dans les articles sus-cités", affirme le communiqué.
Le groupe d'associations appelle les officiels à abolir les dispositions liées aux lieux de cultes et aux ordonnances religieuses, en raison de ce "qu'elles peuvent créer en termes de tensions et de haine, susceptibles de mener à la fitna et de menacer l'unité nationale".
Mais tout le monde ne partage pas le même point de vue. D'autres tunisiens ont ainsi salué la loi dans la mesure où elle empêche les responsables religieux d'avoir une influence sur les affaires politiques.
"La loi ne met pas en cause la dawa (prêche) au nom de Dieu, ou au nom des valeurs de charité et du Bien : elle incrimine plutôt la calomnie, la diffamation, la honte qui suit la perte de l'honneur individuel, qui sont des pratiques incriminées par toutes les lois divines et humaines", déclare Thameur Zoghlami, membre du bureau exécutif du syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT).
Il dit à Magharebia que le "Code neutralise les mosquées, les empêchant d'entrer en politique ou de faire campagne en faveur de partis ou d'individus ; quelque chose qui est conforme aux principes de l'Islam, qui confirme que les mosquées sont consacrées à Dieu seul".
"Un certain nombre d'organismes élus, comme le SNJT, ont pris part à l'élaboration de la loi, et cette démarche n'a pas été monopolisée par la Haute-Commission pour la Réalisation des Objectifs révolutionnaires, qui en retour représente la légitimité consensuelle", ajoute Zoghlami.
Ikbel Gharbi, professeure d'anthropologie à l'Université Ez-Zitounia, explique que dans les premières années de l'Islam, les mosquées jouaient un rôle dans les affaires publiques et dans la politique.
"Mais nous avons dorénavant d'autres lieux consacrés à cet effet, comme les partis, les associations, les organisations, les syndicats, et il est préférable que les Imams laissent les questions d'ordre politique aux spécialistes et aux lieux appropriés pour en parler", dit-elle.
"Je pense que cela peut être difficile d'imposer aux Imams de ne pas parler des affaires publiques", ajoute-t-elle. "Mais ils doivent avoir l'éthique de ce discours et mettre de côté les conflits entre les partis politiques, ne pas soutenir un parti contre l'autre".
Elle indique aussi que les "mosquées et les religieux peuvent évoquer les affaires publiques, comme la citoyenneté, l'environnement, la paix, et autres sujets qui peuvent aider à disséminer la culture de la citoyenneté".
"Avant, je priais la plupart du temps à la mosquée", dit un fidèle, Saif Eddine Tajouri. "Mais depuis que l'Imam a changé et que le nouveau a commencé à montrer son soutien à un certain parti en essayant d'influencer nos pensées, j'ai arrêté de faire mes prières à cet endroit".
"Je vais chercher une autre mosquée où le discours est plus neutre et plus équilibré", conclut-il.
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