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samedi 15 octobre 2011

La gauche tunisienne juge que les islamistes menacent la laïcité

Les islamistes tunisiens, privés de parole sous le régime de Zine Ben Ali, se servent de l'espace de liberté créé par la révolution de janvier pour tenter d'imposer leur vision de la société aux dépens des valeurs laïques du pays, estime le secrétaire général du mouvement Ettajdid (gauche).

L'élection d'une Assemblée constituante le 23 octobre prochain, premier scrutin organisé dans le sillage du "printemps arabe" qui a déferlé en Afrique du Nord et au Proche-Orient, a été précédée de vifs débats en Tunisie entre les islamistes et les organisations laïques, qui ont dégénéré cette semaine en violences.
La police a tiré des grenades lacrymogènes vendredi pour disperser un rassemblement d'islamistes, dont de nombreux salafistes, venus dénoncer la diffusion par la chaîne de télévision Nessma du film franco-iranien "Persepolis", dans lequel Allah est représenté, ce que l'islam proscrit.
Pour Ahmed Ibrahim, le secrétaire-général du mouvement Ettajdid, les organisations laïques doivent unir leurs forces pour créer un contre-poids au parti islamiste Ennahda, qui, en s'efforçant de renvoyer une image modéré, est présenté comme le favori du scrutin du 23 octobre.
"Aujourd'hui en Tunisie, il y a une mouvance moderniste qui cherche à renforcer les libertés et les valeurs progressistes", déclare-t-il dans une interview à Reuters. "Il y a une seconde mouvance qui souhaite utiliser les sentiments religieux du peuple et qui tente d'imposer un certain contrôle et un mode de vie bien spécifique."
Ce n'est pas la première fois qu'Ettajdid s'oppose ouvertement à Ennahda. Le parti d'Ibrahim a défendu l'égalité du droit à l'héritage entre les hommes et les femmes, un principe rejeté par le mouvement islamiste, et il a plus récemment pris fait et cause pour la chaîne de télévision qui a diffusé le film d'animation de Marjane Satrapi.
La communauté laïque tunisienne "ne doit pas sous-estimer les risques posés par Ennahda", met en garde Ibrahim. "Le mode de vie moderne est menacé (...) Nous avons conscience de la gravité de la situation."
LIBERTÉ ET TENSIONS
Le mouvement de contestation populaire qui chassé Ben Ali du pouvoir qu'il occupait depuis 23 ans a inspiré des soulèvements similaires en Egypte, Libye, Syrie et au Yémen, redessinant le paysage politique de la région.
Plus de six mois après la révolution tunisienne, les Etats voisins regardent avec attention le processus de transition et la construction d'un nouvel Etat tunisien.
Interdit et réprimé sous le régime Ben Ali, le parti Ennahda apparaît comme le grand gagnant de la révolution et part en position de grand favori pour le scrutin.
Le chef de file d'Ennahda, Rachid Ghannouchi, a assuré que son parti ferait preuve de tolérance face aux valeurs morales libérales. "Un double-langage" pour Ibrahim qui y voit une stratégie de dissimulation des véritables intentions et projets des islamistes.
Ancien professeur d'université et opposant de longue date à Ben Ali, Ibrahim a brièvement occupé après la révolution les fonctions de ministre de l'Enseignement supérieur avant de démissionner lors de la chute du gouvernement de transition.
Selon lui, les désaccords avec le parti islamiste ne "doivent pas empêcher une coexistence au sein de l'Assemblée constituante, dans le respect des règles du jeu démocratique".
"La démocratie passe par la coexistence avec tous sans exception, y compris avec Ennahda", a-t-il ajouté.
"Nous souhaitons renforcer le front moderniste au sein de l'Assemblée constituante face à tout mouvement fondamentaliste cherchant à faire reculer le pays et à anéantir tous les gains acquis (lors de la révolution)."
Ettajdid est membre d'une coalition électorale, baptisée le Pôle démocratique moderniste (PDM) et mise en place en vue du scrutin du 23 octobre.

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